l'Agneau de Chloé
Pastorale en un acte, livret de CLAIRVILLE, musique d'Edouard MONTAUBRY.
Création au Théâtre-Lyrique (boulevard du Temple) le 09 juin 1858.
Représentations au Théâtre-Lyrique : 10 en 1858.
personnages |
créateurs |
Chloé, bergère | Mlles Esther CAYE |
Myrtile, jeune berger | Caroline GIRARD |
Lysandre, vieux berger et devin | M. Emile WARTEL |
Catalogue des morceaux
Ouverture | |||
01 | Duo | Mais où vas-tu ?... Douleur extrême ! | Myrtile, Lysandre |
02 | Couplets | Robin, Robin, Robin | Chloé |
03 | Duo | Le vieux berger | Chloé, Lysandre |
04 | Evocation et Trio | Noires divinités à mes ordres | Chloé, Myrtile, Lysandre |
05 | Duetto | J'éprouve un trouble extrême | Chloé, Myrtile |
06 | Couplets | Plus de chagrin | Myrtile |
07 | Final | Je cherche en vain l'air tendre | Chloé, Myrtile, Lysandre |
Vous ne sauriez croire de quelle stupeur j'ai été saisi en voyant sur l'affiche cet agneau de Chloé ! Une idylle en plein Paris, une églogue au boulevard du Temple, par 34 degrés de chaleur !... une bucolique, une bergerade, loin des moutons qui bêlent, de l'oiseau qui chante, du ruisseau qui jase ; loin des frais ombrages, des verts coteaux et des riantes prairies ! Et dire qu'il va falloir s'incruster dans une stalle de balcon, au milieu d'une atmosphère calcinée, pour être le témoin et l'historiographe de cette exhibition champêtre ! Jamais je ne le pardonnerai à M. Carvalho !... Je le croyais du moins ; — mais j'avais compté sans M. Clairville.
Gloire à Monsieur Clairville ! il est venu m'apprendre Par quel art, sans bassesse, un auteur peut descendre, Chanter Flore, les champs, Pomone, les vergers, Au combat de la flûte animer deux bergers, etc.
Je me trompe. Vous ne rencontrerez dans l'églogue de M. Clairville, ni Flore, ni Pomone, ni vergers, ni combats de flûte. En revanche, vous verrez une amusante folie, une joyeuse berquinade, à laquelle Myrtille et Chloé servent d'enseigne. Vous verrez surtout un mouton vivant, agneau en chair et en os, un petit animal charmant, dont les débuts ont produit la plus vive sensation. Voici l'idylle en deux mots : Le jeune Myrtille a rencontré Chloé dans les montagnes, et naturellement il s'est épris d'elle. Par malheur, il y a un rival. Ce rival répond au nom de Robin. Désespoir de Myrtille. Mais le vieux sorcier Lysandre, qui lui apprend cette fâcheuse nouvelle, se hâte d'ajouter que Robin est principalement aimé pour sa blanche toison et ses doux bêlements. — C'est donc un mouton ? — C'est un mouton, ou plutôt c'est un agneau. Myrtille respire.
Lysandre lui promet, moyennant pot de vin, de
favoriser ses amours. Le pacte est conclu. Lysandre enlève l'agneau, fait
accroire à Chloé qu'un loup a croqué l'animal ; mais par la vertu de sa baguette
il ressuscite Robin sous la forme d'un jeune berger. Or, il faut que vous sachiez que Lysandre, qui avait des vues sur la jeune bergère, s'est déjà repenti de son pacte avec Myrtille ; car Chloé vient d'hériter d'un oncle, et le vieux sorcier, comme de raison, est plus cupide qu'amoureux. Aussi s'empresse-t-il de détruire son œuvre ; et si Chloé veut l'épouser, il va faire revivre Robin sous sa première forme. La condition est dure. Néanmoins Chloé consent. Le véritable agneau lui est rendu. Chloé le caresse, mais elle le trouve stupide. Elle trouvait le faux mouton bien plus naturel. Bientôt l'apparition du faux mouton, c'est-à-dire de Myrtille, ajoute à sa surprise, à sa perplexité. Myrtille lui donne la clé de l'énigme, et la jeune bergère ne me semble pas fâchée de l'aventure. Le vieux Lysandre voudrait bien empêcher cette entente cordiale. Malheureusement pour lui, il vient de se laisser prendre dans un piège à loups, et Myrtille et Chloé ne le délivrent de sa prison de fer que sous condition de renoncer à ses projets matrimoniaux. M. Montaubry, qui, comme chef d'orchestre du Vaudeville, a déjà donné des preuves d'imagination et de capacité musicales, a trouvé dans l'Agneau de Chloé un agréable cadre à duos, à trios, à couplets, et il a rempli ce cadre de la façon la plus heureuse. On a particulièrement applaudi un trio dans lequel Mlle Girard (Myrtille) se distingue par son jeu, son chant et ses gracieux bêlements. Son grand duo avec Chloé, composé d'un petit nocturne et d'un motif à vocalises pour Mlle Caye, ont également fait plaisir. Les couplets qui suivent ont valu à Mlle Girard de nouveaux bravos compliqués d'un bis. Mlle Caye, sauf quelques notes douteuses, s'est montrée habile vocaliste, et Wartel a été très satisfaisant dans le rôle de Lysandre.
Quant au mouton Robin, il chante peu, et Mlle
Girard bêle beaucoup mieux que lui ; mais il joue son rôle avec tant d'aisance
et de distinction, qu'il a été bruyamment rappelé en compagnie des trois
artistes. (J. Lovy, le Ménestrel, 13 juin 1858)
M. Montaubry, frère du ténor et auteur de la ronde populaire des Filles de marbre, a été longtemps chef d'orchestre du Vaudeville. On y trouve une chanson non à boire, mais... à manger, chantée par Mlle Girard, en l'honneur de la côtelette de mouton. (Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877)
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