Enregistrement et reproduction électriques des disques de Phonographe.
Le phonographe a su utiliser les organes perfectionnés qui sont à la disposition des postes de T.S.F., de sorte qu'il lutte efficacement contre la concurrence due aux émissions radiophoniques. Celles-ci ont, en effet, l'avantage d'être extrêmement variées dans leurs programmes. L'amateur de phonographe, au contraire, ne dispose fatalement que d'un nombre limité de disques, sous peine d'engager une très grande dépense. Enfin, on reprochait au phonographe d'autrefois un son nasillard, accompagné du grincement de l'aiguille ou du saphir sur les sillons du disque.
Ce dernier inconvénient est évité par l'enregistrement et la reproduction électrique. Anciennement, l'enregistrement se faisait dans une salle spéciale, un auditorium où les lignes sont calculées pour avoir un maximum de rendement acoustique. Les appareils enregistreurs étaient autrefois dans la salle même où jouaient les musiciens, où déclamait l'acteur, où chantait l'artiste lyrique. Il fallait, par conséquent, que l'appareil fût supporté par un solide bâti, sans l'intermédiaire de plancher, afin d'éviter toute vibration parasite. En effet, le plus petit choc, un grain de poussière même, suffit pour compromettre le succès de l'inscription.
Schéma d'un enregistrement électrique au phonographe.
Actuellement, grâce au procédé électrique, les salles ont un aspect normal et seule se signale la présence d'un microphone très sensible. Il a l'aspect d'un disque et sa membrane vibre pour enregistrer les sons. Comme dans tout microphone téléphonique, ces vibrations déterminent la formation de courants électriques modulés. Ils passent dans une ou plusieurs lampes amplificatrices, lampes à trois électrodes qui sont placées dans le socle et qui amplifient les courants microphoniques. Ceux-ci circulent ensuite dans des fils conducteurs afin d'arriver au laboratoire spécial d'enregistrement où sont les opérateurs.
Schéma d'une audition électrique au phonographe.
Le laboratoire est isolé complètement de la salle des artistes et il est consigné rigoureusement pendant un enregistrement. Les courants microphoniques amplifiés passent encore dans trois étages d'amplification basse fréquence, avant d'être dirigés sur le récepteur téléphonique d'inscription. La membrane de ce récepteur, qui est munie d'un stylet graveur, agit alors sur un disque de cire vierge, fixé sur un mécanisme animé d'un mouvement de rotation.
Afin que les opérateurs qui surveillent l'inscription du disque puissent se rendre compte de l'exécution du morceau, on installe dans le laboratoire même un haut-parleur téléphonique qui reproduit ainsi le morceau pendant son exécution, sans que cela puisse occasionner une gêne quelconque pour le récepteur portant le stylet. Un opérateur est spécialement chargé de suivre l'audition au haut-parleur et de régler l'amplification des courants dans les étages basse fréquence, afin d'éviter les forte trop accentués qui seraient fatalement enregistrés d'une manière défectueuse.
En réglant ainsi à la demande, on obtient un disque d'une pureté remarquable, dont la reproduction se fait sans éclats, ce qui ne manquerait pas de se produire avec les anciens disques enregistrés sans aucun réglage.
Comme à l'habitude, le disque de cire vierge vérifié au microscope, passe ensuite en usine où il sert à préparer les matrices pour la fabrication des disques livrés au commerce.
L'enregistrement électrique est un perfectionnement très important apporté au phonographe et l'audition de disques enregistrés de cette façon donne satisfaction aux amateurs de musique les plus difficiles.
La reproduction est encore bien supérieure si l'on fait intervenir également un microphone traducteur et le haut-parleur (ou le diffuseur) qui sert dans les auditions radiophoniques. Voici le principe de cette reproduction :
Au lieu d'employer un diaphragme mécanique ordinaire, on utilise encore un microphone dont la membrane est reliée à l'aiguille (ou au saphir) qui est en contact avec le disque. On obtient alors des courants microphoniques modulés, qui passent dans un amplificateur à lampes et sont susceptibles d'actionner un haut-parleur puissant. On arrive, en effet, à obtenir une audition très intense, bien que restant d'une fidélité parfaite, lorsque les appareils sont convenablement établis. Enfin, il est possible de disposer le haut-parleur en des points différents, d'en brancher même plusieurs, de sorte qu'on peut donner l'audition d'un disque dans une vaste salle et satisfaire ainsi un grand nombre d'auditeurs.
Ce système de reproduction fut imaginé en France il y a nombre d'années, mais il n'avait pas donné satisfaction, en raison de l'imperfection à l'époque des systèmes amplificateurs. Le procédé revient aujourd'hui de l'étranger affublé d'un nom anglais ; c'est le pick-up et il jouit d'une vogue considérable.
Au point de vue technique, la difficulté est le choix du microphone. On a reconnu, en effet, que pour éviter les bruits parasites, le microphone à grenaille de charbon devait être écarté. Les résultats les meilleurs sont obtenus par des systèmes électro-magnétiques ou électro-statiques.
Dans le traducteur électro-magnétique, la pointe en acier (ou le saphir) suit les ondulations enregistrées sur le disque et agit sur une armature vibrante en fer doux qui se déplace devant les extrémités polaires d'un électro-aimant. Les vibrations acoustiques engendrent donc des variations correspondantes du champ magnétique et la naissance, dans les bobines, de courants modulés d'intensité très faible. Ces courants sont amplifiés, ils passent ensuite dans le haut-parleur.
Afin d'éviter les bruits parasites provenant du glissement de l'aiguille sur le disque, le traducteur est construit de manière que l'armature vibrante soit munie d'un système amortisseur, généralement réalisé au moyen de tampons en caoutchouc. On obtient alors une reproduction pure si les organes sont convenablement choisis. On interpose parfois un circuit régulateur et un circuit filtre pour éviter tout trouble parasite.
L'adaptation du traducteur à un phonographe de modèle ordinaire se fait très simplement en montant le reproducteur électrique à la place du diaphragme de modèle courant. On utilise ensuite des boîtes d'amplification à lampes et le haut-parleur même du poste de T. S. F.
On combine parfois les deux appareils : phonographe et poste de T. S. F., des systèmes de commutation étant prévus pour isoler les étages haute-fréquence du poste et la lampe détectrice quand on se sert du phonographe. Certains modèles même disposent les deux appareils dans le même meuble, qui contient également l'approvisionnement en disques. Il est possible alors, lorsqu'on n'est pas satisfait d'une émission de T. S. F., de lui substituer presque instantanément le disque que l'on aime écouter.
Les traducteurs électro-statiques se montent de la même manière que les précédents, mais ils agissent par variation de capacité sous l'action mécanique des vibrations acoustiques transmises par l'aiguille ou le saphir. Ces dernières agissent sur une plaque métallique oscillante formant une électrode d'un condensateur, l'autre électrode étant fixe et isolée. Les variations modulées de capacité sont intercalées dans un circuit isolant qui agit directement sur une lampe montée en hétérodyne. On dirige ensuite les vibrations obtenues sur une lampe détectrice, puis dans des lampes amplificatrices avant de les faire agir sur le haut-parleur.
Les reproducteurs électro-statiques ont l'avantage d'avoir une moins grande inertie que les autres, car il est possible de construire une armature mobile très légère. Par contre, leur fonctionnement est plus délicat, en raison même de cette légèreté.
L'inscription et la reproduction également électriques des disques permettent d'obtenir aujourd'hui des auditions phonographiques tout à fait remarquables et de reproduire très fidèlement la musique, la parole et le chant avec une puissance souvent considérable.
(Eugène-Henri Weiss, Larousse mensuel illustré, septembre 1929)