PHONOGRAPHE.

 

Cet appareil, inventé par Edison en 1877, se compose d'une membrane de tôle mince fixée par les bords contre une embouchure devant laquelle on parle. Derrière cette membrane s'appuient deux tubes de caoutchouc qui transmettent les vibrations de la membrane, mais en les atténuant à un stylet métallique très court, porté par un petit ressort. Ce stylet inscrit les vibrations sur une feuille d'étain disposée sur un tambour. Celui-ci présente une rainure tracée en spirale, ayant le même pas que la vis qui porte le tambour. De cette façon, si l'on a pris soin de dispose au début le style à égale distance des deux bords d'une rainure, il se maintient au milieu de la rainure lorsque l'on fera tourner le tambour. La feuille d'étain fixée sur le tambour est donc soutenue par les bords des différentes spires de celle-ci et en même temps le stylet qui appuie au milieu peut, grâce à la cavité de la rainure, déformer le papier d'étain et y tracer un gaufrage qui reproduit, très exactement, toutes les vibrations du style. Pour enregistrer la parole, on amène le cylindre à l'extrémité de sa course, on s'assure que le style correspond au milieu d'une rainure, et au moment où l'on commence à parler devant l'appareil, on met le cylindre en mouvement, soit à la main, soit à l'aide d'un petit moteur électrique pour avoir plus de régularité. On peut continuer ainsi jusqu'au moment où le cylindre est parvenu à l'extrémité de sa course. Pour reproduire ensuite la parole, on remet de nouveau le cylindre dans sa position primitive, c’est-à-dire le stylet engagé dans le gaufrage qu'il a tracé tout au début et l'on fait tourner de nouveau le cylindre. Le style suit alors toutes les sinuosités les plus délicates qu'il a tracées sur l'étain, il reprend par suite les diverses positions que les vibrations de la plaque de tôle lui avaient fait occuper, et réciproquement, il communique à cette plaque de tôle ces mêmes vibrations. Celles-ci se transmettent à l'air et font percevoir les sons primitivement émis devant le phonographe, non seulement avec leur hauteur, mais aussi avec leur timbre et avec toutes les particularités qui permettent de reconnaître la voix humaine ou les divers instruments dont on a pu jouer devant le phonographe. Les sons obtenus étant assez faibles, on peut les renforcer en plaçant devant la membrane des cornets acoustiques. Le son du phonographe est toujours un peu nasillard. Voici maintenant quelques détails relatifs aux récents perfectionnements apportés au phonographe.

La membrane est souvent en verre ou mieux, d'après Edison, en soie vernie ; elle est en mica dans le graphophone Bell-Tainter et en aluminium dans l'appareil de White. L'épaisseur est, presque toujours, une fraction de millimètre, 0mm,1 à 0mm,3 ; on en fait cependant de 2 à 3 millim. d'épaisseur (Rosenthall) capables d'imprimer sur les substances plus dures que les substances ordinaires. Les membranes sont fixées entre deux anneaux que l’on peut plus ou moins serrer ; on interpose souvent des rondelles en caoutchouc. Dans les appareils perfectionnés il existe deux membranes munies chacune d'un stylet de forme appropriée ; l'une, la membrane réceptrice, munie d'un stylet tranchant, inscrit les vibrations ; l'autre, la membrane parleuse, se substitue à la première quand on veut reproduire les sons inscrits par celle-ci ; son style est à pointe mousse, de façon à altérer le moins possible le gaufrage obtenu. On peut alors reproduire le même phonogramme un plus grand nombre de fois.

Les styles sont des lames d'acier, tantôt à biseau tranchant, disposés normalement ou dans une position plus ou moins inclinée, tantôt de forme hémisphérique ce qui permet de les tourner de temps à autre lorsqu'une partie se trouve émoussée.

Les phonogrammes sont les inscriptions tracées sur les cylindres ; ceux-ci peuvent être en diverses matières : au lieu d'étain, employé d'abord par Edison, on peut utiliser, soit des papiers recouverts de cire ou de paraffine, soit, ce qui donne, de beaucoup, de meilleurs résultats, des cylindres en une cire spéciale, mélange de cire ordinaire et de 10 à 40 % de cire de Carnauba, qui est plus résistante que la cire ordinaire et permet d'obtenir des sons plus intenses et plus nets. On a fait aussi des cylindres en alliage (8 p. bismuth, 3 p. d'étain, 4 p. de plomb). Dans quelques appareils l'inscription, au lieu de se faire sur un cylindre tournant, se fait sur un disque (appareils Berliner ou Frank et Rosenthall) ou sur une bande sans fin (appareil Elliot). Une autre disposition (Mackintosh, de Brooklyn) emploie un cylindre, mais sur lequel on a tracé au préalable une rainure en spirale bien régulière, au fond de laquelle se fait le travail du style ; celui-ci risque moins de sortir du sillon pendant que le phonographe parle et en outre ce phonogramme se trouve mieux protégé contre les dégradations accidentelles.

Les mouvements nécessaires pour qu'après chaque tour du cylindre le style imprime sur une portion non encore utilisée peuvent consister, soit, comme dans le premier appareil d'Edison, en un mouvement de translation du cylindre, soit, comme dans nombre d'appareils plus récents, dans une translation du porte-membrane. Ces mouvements peuvent être obtenus à la main ou, mieux, à l'aide d'un mouvement d'horlogerie ou même d'un petit moteur électrique. Dans un des modèles d'Edison, le moteur se compose de quatre électro-aimants fixes et de dix armatures en fer doux portées sur un tambour mobile, un régulateur à force centrifuge qui rompt le courant chaque fois que la vitesse de rotation tend a dépasser une certaine limite. Les transmissions nécessaires pour réduire la vitesse du tambour sont des cônes en cuir, à friction. Le cylindre fait environ un tour par seconde pour l'enregistrement de la parole, et 1t,6 pour l'enregistrement de la musique.

Plus récemment on a fait divers modèles de phonographes automatiques ; en introduisant une pièce de monnaie dans un tronc, on ferme le circuit électrique du moteur qui met en mouvement le phonographe : l'audition commence ; quand elle est terminée, le chariot mobile du phonographe bute contre deux pièces, l'une qui fait tomber dans une boîte spéciale la pièce de monnaie, le circuit se trouve rompu, et l'autre qui soulève le style du phonographe hors du gaufrage et lui permet de revenir à sa position primitive.

 

(A. Joannis, la Grande Encyclopédie, 1885-1902)

 

 

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