P. HÉMARDINQUER

 

LE PHONOGRAPHE ET SES MERVEILLEUX PROGRÈS

 

 

 

CHAPITRE VIII

 

LE PHONOGRAPHE DE L'AVENIR

 

La définition moderne du mot « phonographe »

Le phonographe moderne à disques

Quelques remarques sur le phonographe actuel

Les perfectionnements possibles des phonographes actuels

Un nouvel appareil Edison

Enregistrement mécanique sur bande

Les phonographes à films

L'enregistrement électrique sur bande ou sur film

Le télégraphone Poulsen-Stille

Conclusion

 

 

 

La définition moderne du mot « phonographe ».

 

Nous avons montré qu'actuellement le mot « phonographe » ne désigne plus une marque de machine parlante, mais bien toute machine servant à reproduire les sons musicaux et la parole.

Nous avons étudié dans ce livre, avant tout, l'enregistrement à la reproduction mécanique ou électrique à l'aide de cylindres et de disques, mais nous avons noté que ces procédés n'étaient pas les seuls possibles.

Le phonographe de l'avenir ne sera peut-être pas un phonographe à disques, mais ce sera toujours un phonographe, et nous voudrions donner quelques notions, dans le dernier chapitre de ce livre, sur les perfectionnements du phonographe actuel et les autres modèles de phonographes existant ou réalisables dès maintenant.

 

 

Le phonographe actuel à disques.

 

Le phonographe actuel, mécanique ou électrique, muni de disques enregistrés électriquement, est maintenant un véritable instrument de musique, mais rien de ce qui est humain n'est parfait ; le phonographe moderne n'est donc pas parfait, bien qu'il eût semblé miraculeux aux académiciens de 1878 qui entendirent la première audition du phonographe d'Edison.

Un instrument de musique est destiné à produire sur nos sens une impression artistique agréable ; cette impression existe pleinement lorsqu'on utilise les phonographes actuels, et les plus farouches adversaires de la musique mécanique se sont ralliés peu à peu à la masse de ses admirateurs enthousiastes.

Il a fallu attendre près de cinquante ans pour voir s'accomplir l'évolution des phonographes à rouleaux et à disques ; n'espérons donc pas trop qu'une autre machine parlante miraculeuse viendra remplacer très vite le phonographe moderne et contentons-nous du présent, déjà si merveilleux !

 

 

Quelques remarques sur le phonographe moderne.

 

Quels reproches un technicien difficile et chagrin pourrait-il donc formuler à l'égard du phonographe actuel ?

Tout d'abord, il reste encore des progrès à effectuer pour l'enregistrement des notes graves, et, dans les auditoriums phonographiques, on est encore obligé souvent de composer spécialement des orchestres et de disposer les instruments de façon particulière pour arriver à un résultat satisfaisant, du moins lorsqu'il s'agit d'un morceau d'orchestre complexe.

Nous avons, d'ailleurs, montré en décrivant la fabrication des disques la raison, pour ainsi dire mécanique, qui s'oppose à l'enregistrement des notes graves et intenses.

Il est également difficile d'enregistrer parfaitement les notes très aiguës, parce qu'il faudrait pour cela utiliser un enregistreur parfait, sans aucune inertie.

D'un autre côté, le disque est assez fragile, et s'use relativement très rapidement ; il est rare qu'un disque puisse produire plus d'une centaine de reproductions d'amateurs.

On peut remarquer, d'ailleurs, que le disque à aiguille, si perfectionné, s'use beaucoup plus vite que le disque à saphir, pour la raison bien simple que la pointe de saphir était mousse et glissait sur les sillons sans les entamer.

Le disque actuel ordinaire ne permet qu'une audition de durée très limitée, et, pour entendre une œuvre complète, un opéra-comique, par exemple, il faut changer plusieurs fois le disque et aussi l'aiguille.

Enfin, malgré les immenses progrès réalisés dans la fabrication à ce point de vue, il peut subsister encore un léger bruit de « grattement » d'aiguille, qu'on peut d'ailleurs atténuer, comme nous l'avons montré, dans les appareils électriques à l'aide d'un filtre approprié.

 

 

Les perfectionnements possibles du phonographe actuel.

 

Nous venons d'indiquer ce qu'on peut encore reprocher, au point de vue technique, aux phonographes actuels, et les spécialistes des questions phonographiques essayent chaque jour de résoudre la réalisation d'un phonographe vraiment parfait, tant au point de vue technique qu'au point de vue musical proprement dit.

Les expériences sont effectuées, d'une part, pour améliorer sans cesse l'acoustique des « studios » d'enregistrement et perfectionner la construction des appareils enregistreurs.

On tente, d'autre part, d'améliorer la qualité de la matière composant la surface des disques et la finition des matrices de pressage.

Pour abaisser le prix de revient des disques et les rendre moins fragiles et plus facilement transportables, on s'est efforcé depuis longtemps de trouver une matière présentant à la fois plus d'élasticité et autant de résistance mécanique que la composition actuelle à base de gomme laque.

On a donc essayé des disques à base de celluloïd, d'acétate de cellulose, de cellophane, etc., et quelques modèles ont pu servir pratiquement pour des machines à dicter, ou des enregistrements effectués par l'amateur lui-même, mais, au point de vue musical, il ne semble pas qu'aucun des essais effectués par les techniciens les plus éminents aient pu aboutir encore à des résultats satisfaisants. Cependant des types de disques « incassables » récents, mais encore peu répandus, paraissent présenter des qualités originales encourageantes.

 

 

Un nouvel appareil Edison permettant une audition continue de quarante minutes.

 

Enfin, on a tenté d'augmenter la durée de reproduction des disques sans augmenter leur diamètre, et il est intéressant de décrire à ce propos un modèle d'essai de phonographe Edison assez original.

Ce nouvel appareil emploie des disques de diamètre équivalant à ceux des disques ordinaires, c'est-à-dire de 30 centimètres au maximum ; leurs sillons acoustiques sont beaucoup plus fins, plus serrés que dans les disques ordinaires, et exécutés dans le sens vertical.

On peut se rendre compte de ce fait en sachant que les sillons enregistrés sur les deux faces du disque ont une longueur qui n'est pas inférieure à deux kilomètres.

Les disques sont enregistrés suivant le procédé ordinaire, mais à l'aide d'un diaphragme spécial à pointe de diamant, et l'appareil d'enregistrement est évidemment de la plus grande précision ; de même, la fabrication mécanique des disques est beaucoup plus soignée que celle des disques ordinaires.

Le prix de ces disques n'est pourtant pas très élevé si l'on tient compte que l'audition de quarante minutes fournie par un seul disque les rend chacun équivalant théoriquement à une dizaine de disques ordinaires.

Le phonographe reproducteur est semblable extérieurement à un phonographe ordinaire (fig. 153). Mais le diaphragme est muni d'une pointe très fine en diamant et d'une plaque vibrante en matières végétales et non en mica (fig. 154). Ce diaphragme est monté à l'extrémité d'un bras équilibré, et la pression de la pointe sur le disque et sa position sur le diaphragme peuvent d'ailleurs être réglées.

 

 

 

FIG. 153. — Un phonographe reproducteur permettant une audition continue de quarante minutes.

Le bras porte-diaphragme est entraîné par le système moteur ; des boutons-poussoirs placés à gauche permettent de modifier la vitesse de cet entraînement suivant que l'on veut employer des disques ordinaires ou les nouveaux disques de quarante minutes.

 

 

 

FIG. 154. — Le diaphragme reproducteur de l'appareil est muni d'une pointe fine en diamant. La plaque vibrante n'est pas en mica, mais en tissus végétaux vernis et les vibrations sont amorties par du liège.

 

 

La principale différence du système avec un phonographe ordinaire, outre l'emploi du diaphragme à pointe de diamant, réside dans l'entraînement du bras porte-diaphragme par une liaison mécanique avec le système moteur (fig. 153).

On sait que, dans les phonographes ordinaires, le bras porte-diaphragme est simplement monté à rotule, et que l'aiguille ou le saphir suivent les sillons du disque en entraînant latéralement le bras.

En raison de la finesse des sillons du nouveau disque, ce moyen n'était plus applicable ici, et il fallut recourir à un entraînement du bras porte-diaphragme (employé d'ailleurs dans les premiers appareils Edison il y a quelque cinquante ans !).

Le nombre des nouveaux disques spécialement enregistrés ne semble pas encore considérable, mais les premiers essais paraissent avoir été relativement satisfaisants et l'espoir de pouvoir entendre quelque jour les chefs-d’œuvre de la musique, telle la symphonie en ré mineur de César Franck, sans changements continuels de disques et d'aiguilles, rendra sans doute fort heureux de nombreux adeptes de l'art phonographique.

 

 

L'enregistrement mécanique sur bande.

 

Il est venu, depuis plusieurs années, à l'esprit de quelques inventeurs ou techniciens que l'on pourrait enregistrer les sons d'une façon mécanique ou électro-mécanique non sur un disque ou un rouleau de cire, mais sur une bande plus ou moins étroite entraînée par deux tambours (fig. 155).

 

 

 

FIG. 155. — Enregistrement mécanique ou électro-mécanique sur bande de celluloïd.

 

 

Il serait ainsi possible d'obtenir une audition presque aussi longue qu'on le voudrait et sans aucune interruption.

Les essais dans ce sens ont été entrepris par M. et Mme Johnson. Ces inventeurs exécutaient les enregistrements sur une bande en celluloïd dont la surface était préalablement ramollie à l'aide d'une mèche imbibée d'acétate d'amyle ou d'acétone.

Malheureusement, dans les premiers essais, la profondeur de l'enregistrement n'était pas assez grande, et surtout il était impossible de maintenir les bandes suffisamment planes.

On pourra peut-être améliorer ce procédé en employant un système d'enregistrement électro­mécanique, au lieu du dispositif purement mécanique, et en cherchant à utiliser une bande d'une autre matière que le celluloïd, et il convient de citer à ce propos les récents essais du professeur Huguenard (2).

 

(2) On a signalé également le procédé Croll, consistant essentiellement dans l’emploi d’un fil de soie artificielle dont les variations de diamètre correspondent aux vibrations sonores enregistrées.

 

 

Les phonographes à films.

 

En décrivant au chapitre précédent les différents appareils de cinématographie sonore, nous avons expliqué comment on pouvait enregistrer les sons sur des films photographiques sensibles par un procédé optique.

On obtient alors des bandes phonographiques sur lesquelles les sons sont représentés par des images de surface variable, et de même teinte, ou par des bandes latérales de surface constante, mais de teintes différentes.

Nous savons que, pour la reproduction sonore, on envoie à travers la bande ainsi enregistrée et se déplacent à vitesse constante un faisceau lumineux qui vient ensuite frapper une cellule photo-électrique agissant sur un amplificateur de puissance relié à des haut-parleurs.

Actuellement, ces bandes sonores sont presque toujours enregistrées sur film et à côté de la bande d'images et on ne les a jamais, utilisées pour la reproduction sonore seulement, bien qu'il apparaisse, a priori, que cette utilisation soit relativement facile.

Il est évident qu'un phonographe à films de ce genre serait uniquement destiné à la reproduction sonore à grande puissance, au moyen d'amplificateurs assez coûteux ; d'autre part, le prix du film sonore est encore, dans les conditions actuelles, incomparablement plus élevé que le prix des disques, à égalité de durée d'audition.

Il n'apparaît pas impossible de diminuer leur prix de revient en diminuant la largeur de la bande acoustique, et en employant des bandes sensibles moins coûteuses et réalisées avec des déchets de filins cinématographiques, par exemple.

Il faut s'attendre cependant à ce que le prix de vente soit toujours plus élevé que celui des disques, non seulement à cause du prix de la matière première, mais encore parce que la réalisation des bandes-épreuves d'après le premier film type enregistré est une opération photographique plus complexe et plus longue que l'impression des disques-types une fois la matrice de pressage réalisée.

Au point de vue musical, d'ailleurs, l'enregistrement et la reproduction sonores par film ne sont pas non plus des opérations faciles. Il n'y a pas sans doute, d'impossibilité matérielle, comme dans le disque, à enregistrer des notes graves et intenses, au moins dans le procédé à surface variable, car, dans les bandes à surface constante, on ne peut produire des variations de teintes trop profondes qui risqueraient d'empêcher le passage de la lumière traversant la bande phonographique pour impressionner la cellule.

L'enregistrement des notes très aiguës est également fort difficile, si l'on ne veut pas trop augmenter la vitesse de déroulement, ce qui conduirait à des longueurs de bandes inacceptables.

Enfin, il n'existe certes pas, dans le système de reproduction par film, un bruit de grattement d'aiguille, mais, si la surface n'est pas absolument homogène, si elle présente la moindre granulation formant une image parasite d'une surface même infime, il se produit dans le haut-parleur de bruits parasites correspondants au moins aussi désagréables que ceux qui sont dus aux grattements d'aiguille.

Les avantages du phonographe à film seraient, par contre, la possibilité d'obtenir une audition de durée très longue sans aucun changement de bande, et la facilité de transport de films sans aucun risque.

Dans l'état actuel de la question, on voit donc que le phonographe à film ne pourrait nullement être un appareil d'amateurs, et qu'il devrait, en tout cas, être réservé pour des usages très particuliers.

Pour que ces usages particuliers mêmes, puissent être rendus possibles il faudrait que les éditeurs établissent des bandes d'une largeur réduite et d'un prix raisonnable.

 

 

L'enregistrement électrique sur bandes ou sur films.

 

Nous venons d 'indiquer que l'on avait tenté d'enregistrer les sons sur des bandes de matières élastiques par des procédés mécaniques ou électro-mécanique.

Il pourrait venir également à l’esprit d'effectuer les enregistrements et les reproductions sur films non plus à l'aide de modifications apportées dans la profondeur de la surface de la bande, mais uniquement par des procédés électriques, par exemple en faisant varier ses qualités électriques.

En faisant passer cette bande présentant des différences de qualités électriques entre les deux lames d'un condensateur, on obtiendrait des variations de capacités qui seraient ensuite transmises à un circuit de modulation d'un appareil radio-technique (fig. 156).

 

 

 

FIG. 156. — Reproduction des sons par un procédé électrostatique.

 

 

On réaliserait aussi l'enregistrement et la reproduction des sons par un procédé électrostatique, mais ce système n 'a pas encore été employé pratiquement.

Au contraire, on utilise depuis longtemps déjà un procédé d'enregistrement et de reproduction des sons sur un film ou une bande d'acier et il nous semble intéressant de donner quelques détails à ce sujet.

 

 

Le Télégraphone Poulsen-Stille.

 

A l'Exposition Universelle de 1900, l'ingénieur danois Poulsen présentait un appareil fort curieux destiné à l'enregistrement et à la reproduction des sons, et spécialement de la parole.

Cet appareil, qu'il nommait Télégraphone, était basé sur un tout autre principe que le phonographe mécanique d'Edison. L'inscription était réalisée par un procédé électro-magnétique sur un fil ou un ruban d'acier, et n'était pas visible.

Un microphone, placé dans le circuit d'une batterie, agissait simplement sur un électro-aimant entre les pôles duquel on faisait passer un fil ou un ruban d'acier (fig. 157 et 158) : on obtenait ainsi des variations d'aimantation sur le ruban ou le fil correspondant aux vibrations acoustiques de la plaque du microphone ; et, si l'on choisissait convenablement la nature de l'acier employé, le magnétisme rémanent du ruban ou du fil demeurait assez intense pendant très longtemps.

 

 

 

FIG. 157. — Principe de l’appareil enregistreur Poulsen sur bande d 'acier.

 

 

 

FIG. 158. — Modèle d'appareil Poulsen avec électro-aimant à mouvement parallèle en cylindre tournant qui porte enroulé le fil d'acier à enregistrer.

 

 

En effectuant l'opération inverse, c'est-à-dire en faisant dérouler le ruban ou le fil portant l'inscription magnétique entre les pôles d'un électro-aimant relié à un écouteur téléphonique, il se produisait des courants variables qui actionnaient l'écouteur téléphonique et permettaient d'entendre les sons précédemment enregistrés (fig. 159).

 

 

 

FIG. 159. — L’appareil reproducteur Poulsen.

On fait passer la bande magnétique enregistrée entre les pièces polaires d'un électro-aimant relié à un écouteur téléphonique.

 

 

Enfin, en envoyant un courant continu dans l'électro-aimant et en faisant de nouveau dérouler la bande ou le fil enregistré, on effaçait, peut-on dire, l'enregistrement précédent. La bande ou le fil pouvait alors servir à nouveau, et, d'ailleurs, d'après l'inventeur, une bande ou un fil enregistré pouvait servir indéfiniment sans diminution appréciable de son aimantation.

Le dispositif paraissait fort intéressant, surtout pour l'époque, et M. Poulsen eut l'idée, dès ce moment, de l'utiliser comme dictaphone et pour l'enregistrement des communications téléphoniques ; il présentait cependant des inconvénients assez notables.

Tout d'abord l'intensité de l'enregistrement était assez faible, et la durée de conservation de l'enregistrement n'était pas constante. On avait bien pu obtenir souvent des enregistrements qui demeuraient intacts plusieurs mois ou même plusieurs années, mais, par contre, l'aimantation disparaissait souvent très rapidement dans d'autres cas.

De plus, on ne pouvait obtenir des reproductions musicales intenses et l'on devait toujours se contenter d'auditions à l'écouteur.

Ces inconvénients constituent sans doute la cause essentielle qui a empêché l'usage pratique de ces appareils, puisque, en fait, ils n'ont guère été utilisés jusqu'à ce moment pour des services réguliers, malgré leur intérêt apparent.

Un technicien berlinois, le docteur Stille, agissant, d'ailleurs, d'après lui, en accord avec M. Poulsen, eut l'idée d'étudier la composition du fil d'acier servant à l'enregistrement dans le but d'obtenir un alliage permettant un enregistrement très net et très durable.

Ces travaux durèrent fort longtemps et l'obtention d'un alliage presque parfait exigea un travail (plus ou moins régulier, évidemment) de sept à huit ans.

En fait, vingt-huit ans après la présentation de l'appareil Poulsen, le docteur Stille avait réussi à construire des appareils basés sur le même principe, mais doués d'avantages bien supérieurs, dus, d'ailleurs, essentiellement à la composition de l'alliage d'acier du fil aimanté.

De plus, grâce à des procédés radio-techniques qui n'existaient pas lors des recherches de Poulsen (et nous noterons encore une fois, à ce propos, que l'on peut presque toujours constater l'influence de la radio-technique sur les découvertes et applications de la science), il devenait possible d'amplifier les enregistrements obtenus et d'obtenir des auditions intenses en haut-parleur ; il devenait également possible d'envisager de nouvelles applications du procédé, tout à fait, imprévisibles en 1900.

Comme nous venons. de l'indiquer, le docteur Stille emploie pour l'enregistrement et la reproduction un fil d'acier de composition spéciale, de trois dixièmes de millimètres de diamètre ; 8.000 mètres de ce fil permettent d'obtenir un enregistrement de paroles ou de musique pendant une heure et demie.

Le fil est enroulé sur des tambours dérouleur et enrouleur actionnés par un moteur électrique, un compte-tours permettant d'obtenir la vitesse optima à l'enregistrement comme à la reproduction (fig. 160).

 

 

 

FIG. 160. — L 'appareil enregistreur et reproducteur du docteur Stille.

On aperçoit, sur la partie supérieure du meuble, les deux rouleaux enrouleur et dérouleur du fil d'acier, qui passe sur un rouet compte-tours après avoir traversé l'électro-aimant enregistreur et reproducteur. En bas, les batteries du microphone et le moteur d'entraînement avec son rhéostat de réglage.

 

 

L'enregistrement se fait comme dans le procédé Poulsen, un microphone avec sa batterie étant simplement relié directement aux bornes d'un électro-aimant, entre les pièces polaires duquel se déroule le fil d'acier (fig. 159). La construction du microphone et celle de l'électro-aimant ont simplement été améliorés de façon à augmenter la sensibilité.

Mais pour la reproduction, on peut amplifier les courants basse fréquence produits par l'électro-aimant au moyen d'un amplificateur de puissance à lampes à tension plaque élevée, et d'un haut-parleur convenablement choisi, généralement à diffuseur et à bobine mobile. On peut ainsi obtenir finalement une audition presque aussi intense qu'on le désire.

Il ne semble pourtant pas jusqu'à présent que les résultats soient encore équivalents au point de vue artistique à ceux obtenus par le procédé d'enregistrement et de reproduction électriques des disques, qui bénéficie, d'ailleurs, des résultats d'une longue mise au point industrielle.

Le procédé Stille, comme le procédé primitif Poulsen, d'ailleurs, semble, d'abord, être particulièrement pratique pour enregistrer et reproduire les communications téléphoniques et pour servir de dictaphone.

Le fil d'acier est enroulé simplement sur deux petits tambours métalliques horizontaux de faible encombrement, et cependant sa longueur est suffisante pour des enregistrements d'assez longue durée (fig. 160). La facilité avec laquelle on peut effacer l'enregistrement semble conférer au dispositif un grand avantage sur les systèmes phonographiques à disques ou à rouleaux.

En utilisant un de ces appareils comme émetteur, et un autre comme récepteur aux deux extrémités d'une ligne téléphonique, et en rendant égales les vitesses des moteurs, il devient possible de diminuer la durée des communications téléphoniques, car, une fois l'enregistrement effectué à grande vitesse, il est toujours facile de faire un nouveau déroulement du fil à vitesse moindre pour restituer aux paroles leur tonalité normale.

Il semble actuellement, par contre, que la concurrence de cet appareil ne soit guère dangereuse pour les phonographes électriques. Les résultats artistiques ne sont pas, nous l'avons noté, d'une qualité encore assez parfaite, et dans l'industrie phonographique il ne s'agit pas seulement d'effectuer un seul bon enregistrement, il faut constituer un prototype qui permettra de reproduire cet enregistrement en quantité illimitée.

On peut plutôt prévoir l'usage de ce dispositif pour des cas spéciaux : enregistrements sonores

d'essais dans un but artistique ou didactique, enregistrement des émissions radiophoniques, etc. (fig. 161), le grand avantage du procédé consistant toujours dans sa simplicité et son bon marché relatif et dans « l'effacement » instantané d'un enregistrement.

 

 

 

FIG. 161. — Appareil Stille destiné à l'enregistrement des communications téléphoniques.

A droite et à gauche, les rouleaux enrouleur et dérouleur du fil ; au centre, l'électro-aimant enregistreur et reproducteur ; en avant, les manettes de mise en marche en avant ou en arrière, arrêt, répétition, effacement, etc. ; en bas, le rhéostat réglant la vitesse de déroulement.

 

 

Son adaptation à un ensemble de cinématographie sonore semble également possible et intéressant. Il paraît très facile, a priori, de prévoir le déroulement synchrone du film d'images et du fil phonographique montés sur des arbres accouplés de façon à observer la vitesse de déroulement mutuelle convenable.

Enfin on sait que l'emploi des cellules photo-électriques et des lampes luminescentes permet de transformer les oscillations sonores en ondes lumineuses et inversement ; on peut donc prévoir également que ce système pourra être appliqué dans l'avenir aux appareils de transmission des images par T. S. F. et même de télévision.

 

 

Conclusion.

 

On voit, par les quelques notions que nous venons de donner sur les divers phonographes actuels, que seul le phonographe à disques est un appareil parfaitement au point, convenant dans tous les cas pour les usages d'amateurs et de professionnels.

Sans doute recevra-t-il peu à peu des perfectionnements successifs, mais, dès maintenant, il peut être considéré comme un admirable instrument de musique, et c'est pourquoi il faut lui pardonner ses petits inconvénients techniques ou pratiques.

Peut-être verrons-nous bientôt des phonographes à films enregistrés optiquement servir à des usages spéciaux professionnels ou semi-professionnels, mais, parmi les autres systèmes proposés actuellement, pour l'enregistrement et la reproduction des sons, aucun ne semble encore devoir être pratiquement utilisé dans un avenir rapproché.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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