P. HÉMARDINQUER
LE PHONOGRAPHE ET SES MERVEILLEUX PROGRÈS
CHAPITRE V
LE PHONOGRAPHE ÉLECTRIQUE
LE PHONOGRAPHE ET LA T. S. F.
La reproduction électrique des disques et ses avantages
Le phonographe électrique et ses différents organes de montage
Le traducteur phonographique ou pick-up
Les amplificateurs phonographiques
Les modèles actuels de phonographes électriques
La reproduction phonographique et les amateurs de T. S. F.
Les radiophonographes
La reproduction électrique des disques et ses avantages.
Nous avons déjà indiqué précédemment quels étaient les principes de la reproduction électrique et ses principaux avantages. Nous avons montré, sans doute, les progrès immenses des appareils à reproduction mécanique, mais la reproduction électrique permet d'obtenir une audition d'intensité presque aussi grande qu'on le désire, avec une pureté et une fidélité de reproduction satisfaisantes, si tous les organes du système sont bien étudiés, et si leurs constantes sont déterminées en fonction les unes des autres.
La reproduction électrique ne permet pas seulement, on le sait, de réaliser des phonographes d'amateurs qui constituent de merveilleux instruments de musique ; grâce à elle, on peut établir des appareils puissants, véritables « orchestres mécaniques » ou plutôt électriques ; c'est aussi la reproduction électrique qui a permis, nous l'avons indiqué, la réalisation pratique actuelle des appareils de cinématographie sonore.
Le phonographe électrique et ses différents organes de montage.
Nous avons indiqué déjà qu'un phonographe électrique était essentiellement un phonographe à reproduction électrique, son moteur d'entraînement pouvant, d'ailleurs, être à ressort ou électrique.
Il est évident qu'un phonographe électrique est un appareil beaucoup plus complexe et plus coûteux, en général, qu'un phonographe mécanique ; il doit donc, le plus souvent, être réservé aux amateurs de musique éclairés, — et assez riches pour effectuer cet achat important.
Nous indiquerons pourtant plus loin que tout amateur de T. S. F. peut réaliser à peu de frais la reproduction électrique des disques, et il faut bien constater, d'autre part, que le prix d'un phonographe électrique demeure encore inférieur au prix actuel d'un piano ! La vogue de ce genre de machines parlantes augmente donc de plus en plus.
Nous ne pouvons évidemment décrire en détail dans ce livre toutes les caractéristiques techniques des appareils à reproduction électrique, cette étude peut servir de matière à un livre entier séparé, et nous nous contenterons de donner quelques notions utiles pour les usagers du phonographe.
Un phonographe électrique comporte un mouvement phonographique avec moteur électrique ou mécanique et plateau porte-disques. Ce mouvement est muni d'un bras pivotant auquel est fixé au lieu d'un diaphragme reproducteur, un traducteur électrique ou « pick-up » à aiguille ou à saphir produisant des courants électriques à fréquence musicale variable correspondant à la hauteur des sons et de leurs harmoniques transmis à un amplificateur à lampes de T. S. F., actionnant lui-même un haut-parleur, du genre des haut-parleurs radiophoniques (fig. 99).
FIG. 99. — Les différents organes d'un phonographe à reproduction électrique (Panatonal Pathé, modèle d'essais simplifié).
En bas, le mouvement phonographique avec traducteur électro-magnétique ; plus haut, l'amplificateur alimenté directement par le courant d'un secteur alternatif ; au-dessus, le haut-parleur.
L'intensité de l'audition obtenue et sa qualité dépendent avant tout des caractéristiques de l'amplificateur, mais tous les organes du système doivent être parfaitement établis.
Un avantage supplémentaire du système consiste dans la possibilité d'écarter le haut-parleur ou les haut-parleurs de l'appareil reproducteur en les connectant simplement à ce dernier au moyen de câbles téléphoniques ordinaires.
Les traducteurs phonographiques ou « pick-up ».
L'organe le plus caractéristique du phonographe électrique consiste évidemment dans le traducteur ou pick-up, et ils existe théoriquement au moins trois catégories de ces accessoires :
1° Les traducteurs à grenaille de charbon ;
2° Les traducteurs électro-magnétiques ;
3° Les traducteurs électrostatiques.
Les modèles de la première catégorie ont été employés uniquement dans les premiers appareils à reproduction électrique réalisés en France ; on les a abandonnés ensuite, parce qu'ils ne permettaient pas d'obtenir une fidélité de reproduction suffisante sans bruits parasites (fig.100).
FIG. 100. — Un des premiers modèles de phonographes à reproduction électrique établis en France en 1922 (type Gaumont). Traducteur microphonique à grenaille de charbon.
Quant aux traducteurs électrostatiques, ce sont encore des appareils de laboratoire, en général, et leur description n'intéresse donc que les techniciens ; on emploie uniquement en France, en pratique, les « pick-up » électro-magnétiques.
La construction de ces derniers est basée sur le principe bien connu de la réversibilité des écouteurs téléphoniques, utilisé dans les premières installations de Graham-Bell.
L'aiguille phonographique (car les « pick-up » à saphir sont très peu employés), glissant sur le sillon acoustique, est fixée à une armature vibrante en fer doux se déplaçant en face des pièces polaires d'un électro-aimant (fig. 101).
FIG. 101. — Principe d'un pick-up électro-magnétique. L'aiguille en acier ou le saphir est fixé à une armature vibrante qui se déplace devant les pôles d'un électro-aimant dont les bobinages sont reliés à l'amplificateur.
Les déplacements de l'armature correspondant aux vibrations acoustiques de l'aiguille engendrent dans les bobinages des courants de fréquence musicale d'intensité très faible ; ces courants sont envoyés directement ou par l'intermédiaire d'un transformateur à un amplificateur basse fréquence, qui les transmet, après amplification, à un haut-parleur plus ou moins puissant, suivant le modèle même de l'amplificateur adopté.
Le principe du traducteur électro-magnétique est donc très simple, mais, en réalité, sa construction est assez délicate, parce qu'il faut déterminer exactement son poids, employer une armature vibrante de très faible inertie et cependant suffisamment amortie pour éviter la naissance de vibrations parasites, etc. (fig. 102).
FIG. 102. — Traducteur électro-magnétique avec dispositif d'amortissement.
Il nous est, d'ailleurs, évidemment impossible de nous étendre ici sur les détails de construction de ces « pick-up ».
Les amplificateurs phonographiques.
Les amplificateurs phonographiques destinés à amplifier les courants basse fréquence produits par « pick-up » sont des amplificateurs à lampes à vide de T. S. F. établis suivant les principes ordinaires, et, pour les usages courants d'amateurs, leur montage peut être extrêmement simple (fig. 103). Cependant, lorsqu'on veut obtenir une audition intense sans déformation et employer pour l'alimentation le courant d'un secteur alternatif d'éclairage, le problème devient évidemment plus complexe, et il faut, par exemple, adopter des lampes amplificatrices spéciales, dites lampes de puissance, souvent pourvues d'un filament de construction particulière permettant le chauffage direct par le courant de ce secteur alternatif.
FIG. 103. — Schéma d'un amplificateur phonographique très simple.
D'autre part, bien que le schéma de montage de ces amplificateurs soit, en principe, analogue à ceux des appareils ordinaires, les organes de liaison sont étudiés spécialement en vue du but à atteindre.
Pour éviter les bruits parasites dus au glissement de l'aiguille sur le disque, lorsque la surface interne du sillon n'est pas absolument homogène, il faut que la construction mécanique du traducteur soit étudiée particulièrement et que l'armature vibrante soit munie d'un dispositif d'amortissement mécanique.
Un moyen simple consiste à réaliser cet amortissement par des tampons en caoutchouc (fig. 102). Ce dispositif mécanique bien construit suffit à assurer la pureté de la reproduction, si les autres organes du système sont convenablement choisis.
On ajoute quelquefois, cependant, s'il y a lieu, entre le traducteur et l'amplificateur une boîte de couplage avec régulateur et circuit-filtre formée simplement d'une résistance variable R, de plusieurs milliers d'ohms, d'un bobinage S et d'une capacité C. S. sera, par exemple, un bobinage de 1500 spires, et C une capacité de 0,008 de microfarad (fig. 104).
FIG. 104. — Principe d'une boite de couplage, avec régulateur et circuit-filtre.
On peut utiliser, d'autre part, comme nous l'avons indiqué plus haut, un
haut-parleur radiophonique quelconque pour la reproduction électrique, encore
faut-il que ce haut-parleur soit capable de reproduire avec une fidélité
suffisante et une intensité convenable tous les sons musicaux sur la gamme des
fréquences phonographiques.
Notons seulement que l'on adopte de préférence, aujourd'hui, toutes les fois que cela est possible, un haut-parleur du type électro-dynamique à cône flottant (fig. 105). Cet appareil, employé avec un amplificateur de modèle convenable, permet, malgré son faible encombrement, une audition de grande intensité et une reproduction satisfaisante des notes basses.
FIG. 105. — Haut-parleur électro-dynamique type Thomson Rice Kellog employé dans les phonographes électriques.
Les modèles actuels de phonographes électriques.
On peut maintenant trouver dans le commerce, non seulement toutes les pièces détachées permettant de construire un phonographe électrique, mais encore les différentes parties de cet appareil, c'est-à-dire le mouvement phonographique, le « pick-up », ou traducteur électro-magnétique, l'amplificateur et le haut-parleur prêts à être assemblés.
On conçoit, cependant, que l'on obtiendra des résultats encore meilleurs, en adoptant un appareil complet dans lequel les caractéristiques des différents organes ont été étudiés en fonction les uns des autres.
Les dispositifs de ce genre sont réalisés sous la forme d'appareils-coffrets et même d'appareils portatifs ; les types les plus courants, et d'ailleurs ceux qui donnent les meilleurs résultats au point de vue musical, sont contenus dans des meubles souvent d'aspect très luxueux.
Aujourd'hui, la plupart des fabricants de
phonographes, et même d'appareils radiophoniques, réalisent des phonographes
électriques, généralement fort bien étudiés, et dont le prix moyen pour
l'appareil complet varie aux environs de 10.000 francs.
L'aspect extérieur d'un tel meuble est souvent celui d'un phonographe ordinaire,
et sa manœuvre n'est guère plus difficile que celle d'un phonographe mécanique
(fig. 106, 107 et 108).
FIG. 106. — Electrophone Columbia vu de face.
Au centre, on aperçoit le diffuseur ; à gauche, bouton interrupteur du courant ; à droite, le bouton de réglage de l'amplification ; de chaque côté du diffuseur, un casier à disques.
FIG. 107. — Vue du plateau d'entraînement, le couvercle soulevé. On aperçoit le reproducteur électro-magnétique ou pick-up reposant sur le disque.
FIG. 108. — Disposition des casiers porte-disques de l'appareil.
L'appareil étant entièrement alimenté par le secteur, il suffit de le connecter à une prise de courant, comme s'il s'agissait d'un appareil d'éclairage quelconque, et tous les organes du système : moteur d'entraînement du plateau porte-disques, bras porte « pick-up », avec « pick-up » électro-magnétique, haut-parleur électro-dynamique, lampes amplificatrices et de redressement avec leurs organes d'alimentation, sont contenus entièrement dans l'ébénisterie (fig. 109).
FIG. 109. — L 'appareil vu par derrière.
En 6, le haut-parleur ; 2 et 3, lampes amplificatrices ; 4 et 5, lampes redresseuses ; 7, moteur phonographique ; 10, fusible de protection.
Souvent même, ce meuble contient des casiers spéciaux pour le classement des disques, comme un phonographe mécanique, forme meuble ordinaire.
Pour la manœuvre, un bouton interrupteur de courant permet la mise en marche et l'arrêt du disque, une manette le réglage de la vitesse du plateau, et un autre bouton le réglage de l'amplification, depuis la plus faible jusqu'à la plus forte ; c'est dire que cet appareil, comme le phonographe ordinaire, n'exige la connaissance d'aucune notion spéciale et peut être mis, suivant l'expression consacrée, « entre toutes les mains ».
La reproduction phonographique et les amateurs de T. S. F.
C'est la radiotechnique, nous l'avons déjà indiqué plusieurs fois, qui a rendu possibles les progrès du phonographe, et l'industrie phonographique devient de plus en plus une alliée et une associée de l'industrie radio-électrique.
La radio-diffusion des disques, exécutée chaque jour par un grand nombre de postes émetteurs radiophoniques, a permis aux éditeurs de disques de faire connaître leurs nouveautés à la grande masse des sans-filistes, et il est bien rare de trouver un amateur de T. S. F. qui n'utilise pas, en même temps ou à côté de son poste récepteur, un phonographe mécanique ou électrique.
Tout possesseur d'un poste récepteur radiophonique comportant au moins deux étages basse fréquence, et c'est la majorité, peut en effet utiliser ces étages basse fréquence pour la reproduction phonographique.
Sans entrer dans les détails techniques inutiles ici, il nous suffira d'indiquer qu'on obtient facilement ce résultat en reliant un « pick-up » électro-magnétique, monté sur un mouvement phonographique à moteur mécanique ou électrique, à un « bouchon adaptateur » placé sur la lampe détectrice ou sur la lampe basse fréquence du poste récepteur.
Une résistance de réglage, d'ailleurs facultative, extérieure au poste, permet de régler à volonté l'intensité d'audition, si on le désire (fig. 110).
FIG. 110. — Utilisation d'un poste de T. S. F. quelconque pour la reproduction phonographique.
Nous pouvons noter, d'autre part, que la plupart des postes récepteurs radiophoniques modernes sont munis d'un dispositif spécial permettant de les utiliser immédiatement pour la reproduction phonographique, et il existe des mouvements phonographiques munis d'un bras porte « pick-up », qui peuvent être adaptés immédiatement à un de ces postes récepteurs pour constituer un ensemble reproducteur (fig. 111).
FIG. 111. — Phonographe à moteur électrique Gaumont muni d'un pick-up et pouvant être relié à un poste de T. S. F.
Si l'on possède un phonographe-meuble d'ancien modèle, on peut même facilement l'utiliser pour la reproduction électrique, en remplaçant son diaphragme par un « pick-up » électro-magnétique, et en plaçant les appareils d'amplification dans les casiers intérieurs du meuble, comme le montre la figure 112.
FIG. 112. — Les appareils d'amplification phonographique avec leurs accessoires peuvent être placés dans le meuble d'un phonographe ordinaire.
Les radiophonographes.
Nous venons d'indiquer que les étages basse fréquence d'un récepteur radiophonique peuvent être employés pour l'amplification phonographique ; il est donc possible d'établir des ensembles très complets, à la fois phonographiques et radiophoniques, permettant la réception des radio-concerts et la reproduction électrique des disques avec une pureté et une intensité très satisfaisantes.
Ces radiophonographes, contenus généralement dans de somptueux meubles en ébénisterie, sont des appareils complexes et coûteux, mais ils permettent aux usagers de jouir très agréablement de tous les avantages des applications modernes de la Science (fig. 113 et 114).
FIG. 113. — Un radiophonographe complet type Radio L. L.
A gauche, le poste de T. S. F. à réglage unique ; à droite, le mouvement phonographique ; en bas, au centre, le diffuseur du haut-parleur électro-dynamique.
FIG. 114. — Le radiophonographe vu par derrière.
A droite, le poste récepteur radiophonique avec son cadre ; à gauche, le mouvement phonographique, le haut-parleur, et en bas les appareils d'alimentation par le courant d'un secteur.
De tels dispositifs rendent possible, d'ailleurs, la réception des radio-concerts sur simple cadre, sans antenne, ni prise de terre. Le réglage du poste récepteur radiophonique est simplifié, au maximum, et enfin, ils sont alimentés généralement sans l'aide de batteries d'accumulateur, et simplement par le courant du secteur alternatif.
Les manœuvres d'entretien et de réglage sont donc réduites au minimum, et l'utilisation d'un tel appareil devient très facile pour tout usager, même entièrement dépourvu de connaissances techniques.