ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR
L'AVANCEMENT DES SCIENCES
FUSIONNÉE AVEC
L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE
(Fondée par Le Verrier en 1864)
Reconnues d'utilité publique
CONFÉRENCES DE PARIS
COMPTE RENDU DE LA 31ME SESSION
PREMIÈRE PARTIE
DOCUMENTS OFFICIELS. - PROCÈS-VERBAUX
1902
- Séance du 8 août -
M. le Dr Léon AZOULAY, à Paris.
Les procédés de reproduction des phonogrammes pour musées phonographiques. - Pour multiplier les exemplaires d'un même morceau parlé, chanté ou joué devant le phonographe, la première idée qui soit venue à l'esprit a été d'exécuter le morceau devant un nombre plus ou moins grand d'appareils phonographiques. On avait ainsi une quantité donnée d'exemplaires identiques ou quasi identiques sur cire ou autre substance impressionnable. On imagina ensuite de copier un phonogramme original à l'aide d'une machine pantographique, qui fournissait de la sorte un nombre très grand d'exemplaires, passablement différents de l'original. Enfin, et c'est l'industrie étrangère qui tout récemment semble en avoir fait, la première, l'application avec succès, on a utilisé la galvanoplastie pour obtenir un moule métallique à l'aide duquel on peut indéfiniment reproduire le morceau original, sur cire principalement. Je laisse de côté le procédé de reproduction de Berliner pour grammophone, procédé qui n'a servi jusqu'ici qu'à la multiplication sur ébonite. Le procédé galvanoplastique, avec reproduction sur cire, mis actuellement en pratique, est d'une importance capitale pour les musées phonographiques, car en permettant une matrice indélébile des documents confiés au phonographe, on peut transmettre ceux-ci à la postérité. La conservation des documents linguistiques, musicaux, etc., par le phonographe et par la galvanoplastie, a été recherchée par maintes personnes. A Paris, on a obtenu depuis une couple d'années des moules métalliques cylindriques, mais la reproduction sur cire n'a pas encore été excellente ; j'ai essayé moi-même ces temps-ci et les résultats que j'ai obtenus à l'aide d'un moule prêté obligeamment par M. Stœsser, galvanoplaste à Paris, sont très encourageants. Le moulage sur cire étant la partie la plus compliquée et la plus importante du procédé, j'en publierai les détails complets aussitôt que j'aurai réussi entièrement, afin de permettre la multiplication des musées phonographiques.
La Commission phonographique de cette Académie a fait, le 11 juillet 1902, un rapport intitulé : Il Bericht ueber der Stand den Arbeiten der Phonogramm-Archivs-Commission, erstattet in der Sitzung der Gesammt-Akademie vom 11 Juli 1902, von W.-M. Sigmund Exner, als Obmann der Commission. Ce rapport qui est parvenu à ma connaissance, à l'état de placard, le 4 septembre suivant, grâce à l'obligeance de M. le Pr Sigmund Exner, m'a appris que la Commission avait réussi à obtenir des moulages en cire de matrices galvanoplastiques de phonogrammes sur disque, ce qu'elle cherchait depuis juillet 1900.
- Séance du 15 septembre -
M. le Dr Léon AZOULAY, à Paris.
Les musées phonographiques. - Il est de l'intérêt majeur de la science de ne pas laisser disparaître à tout jamais les manifestations vocales et musicales des divers peuples de la terre. On peut éviter cette perte, que nous regrettons tellement pour le passé, à l'aide du phonographe. Grâce aux perfectionnements actuels, la fidélité des phonogrammes est devenue remarquable. Mais, chose de beaucoup la plus importante, l'on peut maintenant conserver ces documents de façon indéfinie par le moyen de la galvanoplastie et du moulage de la matrice métallique indélébile et pour ainsi dire indestructible. L'industrie étrangère est actuellement maîtresse du procédé, mais les essais que je fais et qui sont fort encourageants me permettent d'espérer que nous ne tarderons pas à posséder cette technique. Puisque nous sommes maintenant absolument sûrs de pouvoir conserver et reproduire indéfiniment ces manifestations vocales et musicales, il faut de plus en plus songer à ces musées phonographiques dont l'Académie des Sciences de Vienne (1) et la Société d'Anthropologie de Paris ont voté la fondation, cette dernière sur mon initiative en 1900. Je suis d'avis que pour arriver à ce résultat en ce qui concerne la France et ses colonies anciennes et actuelles, il est nécessaire que chacun veuille bien dans sa sphère aider à la constitution des musées locaux. Pour ma part, je me mets à la disposition de quiconque voudra recueillir des phonogrammes dans sa région ou ailleurs pour lui enseigner les meilleurs procédés, et moi-même compte me mettre en rapport, avec les diverses Sociétés scientifiques des départements pour, le terrain une fois préparé, faire des campagnes phonographiques qui me permettront d'instituer le noyau d'un musée phonographique central.
(1) La Commission phonographique de cette Académie a fait, le 11 juillet 1902, un rapport intitulé : Il Bericht ueber der Stand den Arbeiten der Phonogramm-Archivs-Commission, erstattet in der Sitzung der Gesammt-Akademie vom 11 Juli 1902, von W.-M. Sigmund Exner, als Obmannder Commission, qui est parvenu à ma connaissance le 4 septembre suivant, grâce à l'obligeance de M. le Prof. Sigm. Exner, son président. Ce rapport nous apprend qu'elle a réussi à obtenir des moulages en cire de matières galvanoplastiques de phonogrammes sur disque, but de ses recherches depuis juillet 1900 (18 octobre 1902).
Discussion. - M. CARTAILHAC : La proposition de M. Azoulay est très digne d'intérêt. C'est une idée excellente que celle de vouloir conserver à nos descendants des documents de ce genre qui compléteront si bien nos livres, nos imprimés. On a beau soigner la description de la prononciation d'un peuple, d'une tribu, on ne peut arriver toujours à la bien faire comprendre ; le document phonographique, malgré ses imperfections actuelles, ajoutera quelque chose de précis aux descriptions écrites. Pour une foule de langues en voie de disparition, l'œuvre est tout indiquée. En ce qui concerne en particulier les dialectes populaires de nos pays, il me semble que le projet de M. Azoulay sera accueilli avec joie par les Félibres, bien qu'ils aient l'illusion que leurs dialectes soient en voie de renaissance et survivront. Je m'engage à le signaler à 1'Escolo Moundino de Toulouse, à l'Escolo Audenco de Carcassonne, et autres, auprès desquelles j'ai l'honneur d'avoir quelque crédit, étant de ceux qui déploient que les Français du Midi perdent la moitié de leur capital intellectuel en perdant le sens de la langue d'Oc, qui est leur langue maternelle. Je ne doute pas de leur adhésion. Avant peu, nous aurons nos rouleaux enregistreurs bien remplis.
Seulement ne parlons pas de musées spéciaux isolés exigeant un fonctionnaire nouveau, de locaux particuliers, de dépenses exagérées dans un pays appauvri comme le nôtre. Rattachons les rouleaux aux livres et obtenons un rayon phonographique auprès de nos Bibliothèques Universitaires. Les divisions départementales ont fait leur temps et cette décentralisation n'est plus que du morcellement néfaste. Ne rétablissons pas encore des provinces, puisque c'est impossible jusqu'ici, mais utilisons au moins avec grand profit nos grandes divisions administratives, les Universités. Là est la vie, le travail ; là est l'avenir, si Paris du moins cesse de les étouffer en les enrayant de mille manières.
M. G. CHAUVET dit que M. l'abbé Rousselot, pour ses études linguistiques, est entré dans la voie indiquée par M. le Dr Azoulay ; il recueille sur des rouleaux phonographiques les divers patois de l'Ouest.