MISTINGUETT

 

 

 

Jeanne Florentine BOURGEOIS dite MISTINGUETT

 

vedette française de music-hall, de théâtre, de cinéma

(Enghien-les-Bains, Seine-et-Oise [auj. Val-d’Oise], 03 avril 1875* Bougival, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 05 janvier 1956*)

 

 

Elle fut la plus grande meneuse de revues à grand spectacle et brilla au Moulin-Rouge, aux Folies-Bergère et au Casino de Paris. Elle eut pour partenaires les plus grands artistes du music-hall, dont Maurice Chevalier. Abandonnant pour un temps la revue, elle créa au Gymnase le rôle de Vivette dans l'Ane de Buridan (1909), au Palais-Royal Tais-toi mon coeur (1910), aux Variétés les Midinettes (1910), et reprit le rôle de Pauline dans la Vie parisienne (1911). En 1921, elle joua Madame Sans-Gêne au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Au cinéma, elle tourna dans un certain nombre de films : Fleur de pavé (1910), les Misérables (1913), Mistinguett détective (1917), la Glu (1926), Rigolboche (1936), etc. Parmi d'innombrables chansons à succès qu'elle a marquées de sa personnalité, il faut citer Mon homme (1920), J'en ai marre (1921), En douce (1922), la Java (1922).

En représentation, elle a dansé la création d'Idylle Carnavalesque, divertissement de Jacques-Charles, à l'Opéra-Comique le 16 avril 1920.

 

 

 

 

Maurice Chevalier et Mistinguett

 

 

 

Fille d'un père matelassier et d'une mère plumassière, Jeanne Bourgeois tient de son grand-père, fantaisiste amateur, le goût du spectacle. Elle exprime à douze ans le désir d'entrer au Conservatoire, tente de suivre un cirque et finalement travaille un peu le chant. Fleuriste devant le casino d'Enghien, elle débute à dix-sept ans sous son nom de famille à l'Eldorado. Au même programme figurent, en vedette, Polin, Dranem et Lejal, trois personnages du café-concert : le troupier, le naïf et le comique copurchic.

Son nom de théâtre lui est donné par le chansonnier-vaudevilliste Saint-Marcel, auteur de la Vertinguette. Il associa ce nom avec le titre de « Miss », trouvant à la jeune fille un genre anglais à cause de sa denture. Nouveaux débuts sous ce nom au Trianon, puis à la Gaîté-Rochechouart (1891). La première chanson écrite pour elle, la Femme torpille, lui vaut une ovation de la part d'une troupe d'étudiants, menée par Jean Cocteau.

Des engagements comme comédienne aux Folies-Dramatiques lui font créer de petits rôles dans le Coup de Jarnac et le 1 000e Constat. Appelée à camper un personnage d'arpette déguenillée, faussement ingénue, « la Môme Flora », elle achète la robe d'une employée des Galeries Lafayette pour donner plus de vérité à son personnage (1893).

 

 

 

Mistinguett dans le rôle de Madame Sans-Gêne, au théâtre de la Porte-Saint-Martin [photo Agence universelle de Presse]

 

 

Entre-temps, Mistinguett travaille la danse acrobatique. Son acharnement dans cette voie lui vaudra de lancer, aux côtés de Max Dearly, la « valse chaloupée » au Moulin-Rouge, en 1907. Cette « chaloupée », filmée par Pathé, marquera ses débuts au cinéma ; elle s'y produira dans d'autres petites bandes chorégraphiques de très court métrage, avant de tourner la Glu. En souvenir de la « valse chaloupée », Mistinguett tiendra, dans la plupart des revues où elle jouera, le rôle de la Gigolette.

Aux Folies-Bergère, en 1912, dans la Revue des crinolines, elle se montre déjà prodigue de beaux costumes et d'empanachements encombrants et fastueux, qui contribueront plus tard à assurer son « style ».

C'est à cette époque qu'elle rencontre Maurice Chevalier dans Courbette of Paris, au Casino de Paris. Elle ne cessera alors de collaborer avec lui jusqu'en 1920. Un des couples les plus extraordinaires du music-hall était né. En 1917, Maurice Chevalier, prisonnier, est en Allemagne ; Mistinguett parvient, avec le concours du roi d'Espagne Alphonse XIII, à le faire libérer.

De 1918 à 1939, elle va se produire sur toutes les scènes des grands music-halls parisiens : Moulin-Rouge, Folies-Bergère et, surtout, Casino de Paris, prenant une part très active à la réalisation des spectacles présentés. Elle s'occupe elle-même du choix des costumes, des décors, de la musique, des interprètes. Elle ne manque pas une répétition, travaille sans relâche, exigeante pour ses partenaires, mais aussi pour elle. Elle sait s'entourer de talents variés, aptes à la faire valoir dans tous les domaines où la souplesse de son talent la mène tour à tour. Elle joue des saynètes chantées avec Boucot, des fantaisies comiques mimées avec Dandy, danse avec Magnard, Ben Tyber, et avec de nombreux « boys », dont elle exige une discipline impeccable et de la troupe desquels sortiront, entre autres, Henry Garat et Jacques Pills. Elle interprétera aussi, en 1921, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, Madame Sans-Gêne.

Cependant, ses aptitudes pour la danse l'ont amenée, dès 1918, à régler spécialement des tempos pour le disque. On peut dire que presque tous les pas nouveaux ont connu une version enregistrée, étudiée sous son contrôle. C'est ainsi qu'elle introduira indirectement le premier jazz nègre en France, les Mitchell's Jazz Kings, ouvrant ainsi la porte à une branche musicale nouvelle particulièrement importante.

Mistinguett enregistre ses premiers disques seule ou en compagnie de Boucot, de Chevalier et de Saint-Granier. Elle fait ainsi graver dans la cire des petits duos burlesques, fort vivants, bien qu'un peu légers (les Chanteurs des cours ; Oh ! Mademoiselle ; le Gri-gri d'amour ; Pardon, Mam'zelle).

Son répertoire repose, d'une part sur des chansons écrites spécialement pour elle, qu'elle veut construites selon une courbe ascendante régulière, d'autre part sur des succès déjà éprouvés à l'étranger, mais dont elle fait faire un remaniement si total que certains auteurs d'outre-Atlantique ont bien du mal à reconnaître leurs œuvres.

Si, en 1920, Maurice Yvain compose Mon homme, qui est la chanson fétiche de Mistinguett, la chanteuse ne s'attache pas à ce seul compositeur. Tour à tour, Pearly, Gabaroche, Padilla, Oberfeld et Sylviano sont sollicités par elle de lui donner des musiques auxquelles elle fait faire le tour du monde : la Belote (1923), Valencia (1925), Ça, c'est Paris (1928), Gosse de Paris (1930), etc. Ses paroliers favoris sont Willemetz, Marc-Cab, Pothier ; Henri Varna est son principal directeur, et Jacques-Charles son metteur en scène.

Mistinguett a donné à la revue parisienne un style encore en honneur à présent : faste extraordinaire des costumes et des décors, rythme accéléré, sens inouï de l'éclat dans la bonne humeur. Son souci de renouveler sans arrêt un répertoire constamment enrichi ne l'empêche pas de conserver des attaches avec le passé, de manière à ne pas brusquer son public ; elle a su cultiver ce qu'on pourrait appeler le « sensationnel bourgeois ». Faisant de nombreuses concessions aux visiteurs étrangers, elle joue des sketches en plusieurs langues ; de fréquents voyages, en particulier aux États-Unis, lui permettent de juger sur place des effets et d'améliorer une présentation qu'elle désire internationale.

 

 

 

 

Mistinguett au music-hall [photo Lipnitzki]

 

 

En 1939, elle cesse de travailler, pour se retirer sur la Côte d'Azur, dans sa villa d'Antibes. De retour à Paris lors de la Libération, elle ne reprend pas sa place dans les grandes revues, mais accomplit en vedette deux tournées importantes, dont une en Angleterre, où Londres la reçoit avec enthousiasme. En 1949, elle danse en public pour la dernière fois, à soixante-dix-huit ans, à l'A.B.C., où son entrain fait merveille.

Le 5 janvier 1956, celle qui portait un des plus grands noms du music-hall mourait à Bougival, des suites d'une congestion cérébrale aggravée d'une congestion pulmonaire. Avec Mistinguett disparaissait une des figures les plus pittoresques du monde des spectacles et une des meilleures ambassadrices du music-hall français.

 

(Paul Caron, Larousse Mensuel Illustré, mars 1956)

 

 

 

 

 

 

 

Mistinguett habita et décéda dans cette maison, qui appartenait à son frère, 3 quai Rennequin-Sualem à Bougival [photos ALF, 2023]

 

 

 

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