Yvette GUILBERT
Yvette Guilbert saluant le public, gouache sur carton d'Henri de Toulouse-Lautrec (1894)
Emma Laure Esther GUILBERT dite Yvette GUILBERT
chanteuse française
(78 rue du Temple, Paris 3e, 20 janvier 1865* – Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône, 03 février 1944*)
Fille d’Hippolyte GUILBERT (Saint-Lô, Manche, 15 mai 1843 – 13 août 1885), brocanteur et patron d’une fabrique de confection [fils de François GUILBERT (Saint-Jean-des-Baisants, Manche, 1810 – Saint-Lô, 27 février 1878), marchand de nouveautés], et d’Albine Hermance Julie LUBREZ (Orchies, Nord, 04 novembre 1844 – Vaux-sur-Seine, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 01 décembre 1910*), chapelière d’origine flamande, mariés à Paris 1er le 21 mars 1863*.
Epouse à Paris 17e le 22 juin 1897* Max SCHILLER (Jassy, Roumanie, 17 juillet 1861 – Paris 13e, 17 mai 1952*), chimiste américain d’origine allemande, naturalisé français le 16 mars 1927, fils d’Aron SCHILLER et de Bertha KAHANE.
Après avoir joué aux Bouffes-du-Nord, aux Nouveautés, à Cluny, aux Variétés, elle entra, en 1890, comme chanteuse à l'Eldorado. Sa voix souple, la netteté de sa diction, son intelligence, son esprit, ses longs gants noirs, sa physionomie spirituelle et mobile, lui conquirent aussitôt la faveur du public. Elle se fit entendre à l'Eden-Concert, au Concert-Parisien, aux Ambassadeurs, à l'Eldorado, à la Scala, dans les salons, et n'eut pas moins de succès dans ses tournées en Angleterre, en Amérique, etc. Le Fiacre et Madame Arthur restent ses chansons les plus célèbres. Dans la seconde partie de sa carrière, cette ambassadrice de la chanson française se consacra à la renaissance des vieilles chansons populaires. Elle épousa en 1897 un Américain, le Dr Schiller. Elle a publié : l'Art de chanter une chanson (1928) et ses mémoires : la Chanson de ma vie (1927) ; la Passante émerveillée (1929). Toulouse-Lautrec a fait d'elle plusieurs portraits et caricatures. Claude Roger-Marx a publié Yvette Guilbert vue par Toulouse-Lautrec (Au Pont des Arts, 1950). Le 09 juillet 1932, elle a été nommée chevalier de la Légion d'honneur.
En 1900, elle s'est fait construire un hôtel particulier, 23 bis boulevard Berthier à Paris 17e (détruit en 1950) [le ténor Albert Alvarez a fait construire le sien en 1902 au 23 ter]. En 1932, elle habitait 120 rue de Courcelles à Paris 17e. Elle est décédée en 1944 à soixante-dix-neuf ans, Hôtel Nègre Coste, Cours Mirabeau à Aix-en-Provence. Ses restes ont été transférés le 25 octobre 1946 d'Aix-en-Provence au Père-Lachaise (94e division).
Yvette Guilbert
quelques attitudes d'Yvette Guilbert (lithographies de Toulouse-Lautrec)
Yvette Guilbert débuta sur la scène du théâtre des Bouffes du Nord où elle interprétait pour 60 francs par mois les « levers de rideau ». Entre temps, elle jouait la comédie dans des sociétés d'amateurs. Elle chanta pour la première fois, à la Salle Dupré, dans l'Ile de Tulipan, un couplet de quatre vers. Le public, amusé, lui fit bisser et cette simple manifestation changea son destin. Elle crut comprendre que son avenir était dans la chanson... Après de pénibles expériences, (Yvette Guilbert fut sifflée au Casino de Lyon), elle eut la chance de chanter au Divan Japonais, rue des Martyrs, où se retrouvait une clientèle raffinée. Son répertoire, extrêmement léger, attira l'attention, et l'on s'aperçut bientôt qu'elle avait du talent. Yvette Guilbert a reconnu que le répertoire grivois de ses débuts l'avait menée à la gloire, mais elle affirma avoir été victime d'un malentendu. « Le public, dit-elle, dénaturait mes satires pour n'y savourer toujours que les mêmes polissonneries ». Le public ne vit, paraît-il, dans les Vierges, qu'une grivoiserie congestionnante alors que Mme Guilbert prétendait chanter « une effroyable fessée au génie génital » (sic). Les services de Censure qui avait accordé le visa à cette chanson reçurent une plainte anonyme. Yvette Guilbert fut convoquée par trois censeurs, MM. Bernheim, Defossés et Desforges. Ils lurent et relurent les couplets qu'ils avaient autorisés. Comme ils se préparaient à retirer le visa, Yvette Guilbert protesta : « Vous avez autorisé cette chanson... Je la chante... ; c'est mon succès ! Si vous supprimez mon succès, vous supprimez mon pain... » Les censeurs lurent de nouveau chaque couplet et Bernheim fit une proposition à la chanteuse : « Ou bien nous interdisons définitivement cette chanson, ou bien vous supprimez les mots parlés qui sont à la fin de chaque strophe... Ils sont vraiment un peu trop raides ! ». Yvette Guilbert put sauver le dernier, le mot méchants ne pouvant prêter à aucune équivoque. Le soir même, elle chantait les Vierges au Divan Japonais en présence de Mr Bernheim, qui s'était déplacé pour voir si elle trichait. Elle ne tricha pas. Elle ne prononça pas les mots interdits, elle les toussa... de façons différentes, et ce qui aggrava la grivoiserie du texte. Mr Bernheim était battu et la morale était sauve... théoriquement ! Pendant plusieurs années, chaque fois qu'une chanteuse venait défendre ses couplets menacés par la Censure, devant lui Mr Bernheim disait : « Surtout ne me racontez pas que vous allez les tousser... comme Mlle Guilbert »... Elle avoua, vingt ans après, que moyennant un pourboire de cent sous, un garçon de bureau lui prêtait le cachet de la Censure...
(Romi)
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Yvette Guilbert par Henri Dumont (1895)
Yvette Guilbert [coll. ALF]
autographe d'Yvette Guilbert [coll. ALF]
Yvette Guilbert [coll. ALF]
programme d'un Gala Yvette Guilbert du 29 juin 1934