Cinquante ans de musique française (1874 - 1925)

 

la loge d'Hortense Schneider aux Variétés, aquarelle d'Edmond Morin (offerte à Hortense Schneider par Ludovic Halévy)

 

 

CINQUANTE ANS D'OPÉRETTE

par Jacques BRINDEJONT-OFFENBACH

 

 

 

 

 

On réunit, peut-être trop généralement sous le titre « opérette » trois genres musicaux qui se distinguent cependant les uns des autres par des qualités bien différentes.

Si l'on étudie, en effet, l'histoire de l'opérette française, depuis ses origines jusqu'à nos jours, on peut constater que ce genre lyrique comporte trois périodes significatives :

1° L'Opéra-bouffe — ou l'opérette-bouffe — parodie du grand opéra, qui fleurit de 1855 à 1870.

2° L'Opérette, aimable légère et fantaisiste, fille de l'opéra-comique, qui fit fureur après la guerre, et dont la vogue se poursuivit, décroissante, jusqu'en 1914 ; enfin, 3° ce que nous appellerons la comédie musicale ou le vaudeville musical : genres inspirés des opérettes anglaises et viennoises, avec des couplets sur des airs à danser : la danse est à la mode !

L'Opéra-bouffe est, avant tout, une œuvre comique, burlesque, avec une pointe de sentiment. On doit en accepter allègrement les anachronismes voulus, le rythme débridé, l'entrain souvent irrésistible, la cocasserie et la verve si représentatives d'une époque où l'on s'amusait plus facilement qu'aujourd'hui. L'opéra-bouffe est en général une satire contre les institutions, les mœurs, les individus : une allusion discrète et voilée, lancée avec bonne humeur et sans prétention passait alors la rampe et ravissait un public bon enfant et prêt à tout entendre, et à tout comprendre, à demi mot ! L'action d'un opéra-bouffe se déroule ordinairement dans un cadre plaisant, à une époque réelle — ou souvent imaginaire — mais dans un pays toujours heureux. Les personnages, de composition classique, représentent un souverain gâteux, un chambellan sourd ou distrait, un prince niais, type de l'amoureux timide et transi, un traître qui n'a même pas le courage de se prendre au sérieux, une bergère, enfin, qui n'est autre que la fille d'un roi voisin et ganache et que le prince pourra épouser, après maintes péripéties, vers minuit moins dix, à la fin du dernier acte. Naturellement ces nouveaux époux qui ont eu sans doute beaucoup d'enfants auront ainsi permis à d'autres librettistes et à d'autres musiciens d'écrire de nouvelles œuvres sur le même moule. Cependant, après avoir épuisé les grands sujets historiques, après avoir raillé les dieux, les héros de l'Antiquité, ceux du Moyen Age ou de la Renaissance, auteurs et compositeurs, en feuilletant les siècles passés, sont arrivés aux règnes évocateurs de Louis XV et de Louis XVI. Nourris de ces époques galantes, élégantes et libertines, qui ne comportaient plus la grosse bouffonnerie parodique, ils ont donc substitué à la « charge » épique, la grâce des Porcherons, les intrigues de Versailles, les complots des Tuileries ou du Palais-Royal. La source était intarissable et les sujets abondants et variés. Les ducs et les marquis remplacèrent les souverains complaisants et débonnaires et leurs chambellans gaffeurs, les bergères devinrent des blanchisseuses, des dames de la halle des parfumeuses, les princes furent transformés en régents ou en guerriers, mais une union bien gagnée ne manquait pas de déchaîner le traditionnel couplet final.

Et toute cette production de quarante années fut baptisée du nom souvent un peu pompeux d'opéra-comique : cependant n'étant pas jouées Salle Favart, mais aux Bouffes, aux Délassements, à la Renaissance, aux Folies-Dramatiques ces pièces furent appelées opérettes ; et c'est bien là, la désignation qui leur convient.

 

 

 

Offenbach par Etienne Carjat

 

 

L'opéra-bouffe avait fait rire l'Empire au point de l'ébranler ; l'opérette, après 1870, fit sourire, avec du charme et de l'émotion, tout en égratignant la nouvelle république, sous une forme souvent ironique et irrévencieuse, mais jamais frondeuse, ou si gentiment ! En notre temps de démocratie et après 1918 l'opérette refleurit sous le genre de la comédie musicale : mais la recette de l'opéra-bouffe était bonne, elle s'était déjà modifiée pour l'opérette, c'est encore elle qui allait présider à la confection des vaudevilles musicaux à « lyrics » français.

Ici plus de rois, plus de ducs ni de marquis, de bergères ou de princesses, ce sont là des personnages usés et déchus du domaine... de l'opérette : plus de costumes, cela coûte trop cher ! plus de chœurs, c'est plus difficile à écrire : des one-step ou des shimmys suffisent ; plus de décors, le bois et la toile sont d'un prix exorbitant ! Non ! nos modernes producteurs aux idées avancées et révolutionnaires ont décidé de renouveler l'opérette : ils mettent en scène des nouveaux riches, des parvenus... à pas grand chose, des dactylos qui épousent des milliardaires américains, des amoureux mufles ou déjà désabusés, des confidents douteux et pratiques, des petites oies qui n'ont jamais connu la blancheur et des « demi mondaines », vertueuses, prudes et naïves ; en un mot un échantillonnage complet des nouveaux types qui, par leurs agissements, n'en compliquent et n'en dénouent pas moins des situations prévues dès la première scène.

Après la santé débordante, la joie exubérante, les fastes des yeux et des oreilles qu'offrait l'opéra-bouffe, après les reconstitutions raffinées et délicates, la gaîté communicative franche, fraîche et saine de l'opérette, l'opérette moderne, puisqu'il faut ne pas l'appeler par son nom, a diminué et simplifié l'importance de la musique, du livret et de la mise en scène. L'orchestre est réduit, les chœurs sont absents, les comédiens qui chantent un peu, remplacent les chanteurs qui ont perdu le secret de la fantaisie ; les décors d'un matériel moderne conviennent parfaitement à tous usages : chaque théâtre a toujours dans son magasin au moins un salon, un restaurant, un dancing, un jardin, une plage, tous endroits, en résumé, où on peut danser puisqu'aujourd'hui la danse, à elle seule, remplace les défilés, les finales, les quatuors, les trios et même les ballets !

L'étude que nous entreprenons ici comporte cinquante ans d'opérette. Toutefois avant de nous consacrer à cette période de 1874 à 1924, qu'il nous soit permis de passer rapidement en revue la grande et glorieuse époque qui précède ce demi-siècle de production française.

Comme tous les genres, l'opérette ne trouva pas immédiatement sa véritable voie. Elle procédait de l'opéra buta italien et du vaudeville à couplets. On sait qu'à ses débuts elle ne comportait qu'un seul acte et deux ou trois personnages : un quatrième rôle fut obtenu à grand peine par Jacques Offenbach pour Ba-ta-clan, en 1855. Les deux actes seuls autorisés un peu plus tard furent inaugurés le 21 octobre 1858 avec Orphée aux enfers ; mais commençons par le commencement de l'opérette.

Deux noms s'imposent alors à l'esprit, deux noms qui dominent la création de ce genre désormais classique, deux noms qui rayonnent sur toute la production française — Jacques Offenbach et Hervé. — Ils ont, l'un et l'autre un bagage formidable : le premier n'a pas écrit et fait jouer, de 1839 à 1880, moins de 120 partitions, le second en composa autant entre 1842 et 1892.

Des critiques distingués ont consacré d'importantes études à ces deux musiciens. M. André Martinet publia un très intéressant ouvrage sur « Offenbach, sa vie et son œuvre ». M. Louis Schneider vient de faire paraître deux volumes très documentés sur les maîtres de l'opérette française. Le premier : Offenbach et le second, Hervé et Charles Lecocq constituent une lecture attrayante et fort instructive que les « amateurs » du genre n'ont pas manqué de faire, et où nous aurons l'occasion de puiser, chemin faisant.

 

 

 

Offenbach, chef d'orchestre de la Comédie-Française

 

Offenbach en 1876

 

 

Le nom de Jacques Offenbach parut, pour la première fois sur l'affiche du Palais-Royal le 2 mars 1839 : il avait écrit la musique d'un vaudeville en 2 actes d'Anicet Bourgeois et Edouard Brisebarre : Pascal et Chambord.

Huit ans plus tard, le théâtre des jeunes élèves, donna, en avril 1847, l'Alcôve, opéra-comique en 1 acte de de Forges et de Leuven, musique de Jacques Offenbach. Le futur compositeur d'Orphée aux enfers avait également fait représenter sur une petite scène le Trésor à Mathurin qui devint plus tard le Mariage aux lanternes, actuellement au répertoire de l'Opéra-Comique. Mais ce ne fut qu'en 1853 qu'il réussit à se faire jouer sur un véritable théâtre avec Pepito, un acte de Léon Battu et Jules Moinaux, représenté le 28 octobre sur cette scène des Variétés dont il devait devenir, un jour, le maître. Oyayaïe, anthropophagie musicale en 1 acte de Jules Moinaux, allait être la dernière pièce produite ailleurs que dans un théâtre classé.

« Je restai, écrivit Offenbach, cinq années chef d'orchestre du théâtre français de 1850 à 1855 ; c'est à cette époque que, devant l'impossibilité de me faire jouer, l'idée me vint de fonder moi-même un théâtre de musique. Je me dis que l'opéra-comique n'était plus à l'Opéra-Comique, que la musique véritablement bouffe, gaie, spirituelle, la musique qui vit, enfin, s'oubliait peu à peu, les compositeurs travaillant pour l'Opéra-Comique, faisaient de petits grands opéras. — Je vis qu'il y avait quelque chose à faire pour les jeunes musiciens qui, comme moi, se morfondaient à la porte du Théâtre-Lyrique. » On sait la suite. Le petit théâtre construit pour le physicien Lacaze aux Champs-Elysées était à louer : 20 concurrents le briguaient.

 

 

 

Berthelier et Pradeau dans les Deux aveugles, représentés le 5 juillet 1855 aux Folies-Marigny

 

 

Offenbach l'emporta et le 15 juin 1855, il obtint le privilège des Folies-Marigny, mais il fallait faire vite à cause de l'Exposition ; aussi, en vingt jours, car l'ouverture du théâtre des Bouffes-Parisiens eut lieu le 5 juillet, — le directeur, compositeur forma sa troupe, restaura la salle, fit peindre des décors, exécuter des costumes, commanda des ouvrages et écrivit la musique de Entrez, Messieurs Mesdames, de Jules Néry et Jules Servières (ce dernier n'étant autre que Ludovic Halévy), de Une Nuit blanche d'Edouard Plouvier ; enfin les Deux Aveugles, de Jules Moinaux, trois pièces qui constituèrent le premier spectacle. On prétendait même spirituellement, tant l'activité d'Offenbach était grande, que pour être mieux servi, il signait les billets de sa main, distribuait les contremarques, siégeait au contrôle, habillait ses ouvreuses et commençait la queue à son théâtre. Successivement Jacques Offenbach composa et joua aux Bouffes-Parisiens, le Rêve d'une nuit d'été (opérette en 1 acte d'Etienne Trefeu, 30 juillet 1855), le Violoneux (opérette en 1 acte de Mestépès et Chevalet où débuta Hortense Schneider, 30 juillet 1855), Madame Papillon (opérette en 1 acte de Jules Servières, 3 octobre 1855), Elodie ou le Forfait nocturne (opérette en 1 acte de de Forges, 29 octobre 1855), Ba-ta-clan (chinoiserie musicale en 1 acte de Ludovic Halévy, 29 octobre 1855), Luce et Lucette (opérette en 1 acte de de Forges), le Postillon en gage (opérette en 1 acte de Jules Adenis, 9 février 1856), Tromb-al-Cazar (bouffonnerie musicale en 1 acte de Dupeuty et Bourget, 3 avril 1856), la Rose de Saint-Flour (opérette en 1 acte de Michel Carré, 12 juin 1856), les Dragées de baptême (opérette en 1 acte de Dupeuty et Bourget, 14 juin 1856), le 66 (opérette en 1 acte de de Forges et Laurencin, 31 juillet 1856), le Savetier et le Financier (opérette-bouffe en 1 acte d'Hector Crémieux, 23 septembre 1856), la Bonne d'Enfant (opérette-bouffe en 1 acte de Bercioux, 14 octobre 1856), les Trois baisers du diable (opérette en 1 acte de Mestépès, 15 janvier 1857), Croquefer ou le dernier des Paladins (opérette-bouffe en 1 acte de Jaime et Trefeu, 12 février 1857), et où un cinquième personnage fut ajouté, Dragonnette (opérette-bouffe en 1 acte de Jaime et Mestépès, 30 avril 1857), Vent du soir ou l'horrible festin (opérette-bouffe en 1 acte de Philippe Gille, 16 mai 1877), la Demoiselle en loterie (opérette-bouffe en 1 acte de Jaime et Crémieux, 27 juillet 1857), le Mariage aux lanternes (opéra-comique en 1 acte de Michel Carré et Léon Battu, 10 novembre 1857), les Deux Pêcheurs (opérette en 1 acte de Dupeuty et Bourget, 10 novembre 1857), Bruschino (opérette en 1 acte de de Forges en collaboration avec Rossini, 28 décembre 1857), Mesdames de la Halle (opérette-bouffe en 1 acte de A. Lapointe, 3 mars 1858, où le nombre indéfini des personnages est enfin admis), la Chatte métamorphosée en femme (opérette en 1 acte de Scribe et Mélesville, 19 avril 1858), Orphée aux Enfers (opéra-bouffe en 2 actes et 4 tableaux d'Hector Crémieux et Ludovic Halévy, 21 octobre 1858).

 

 

 

Mesdames de la Halle (lithographie de Loire)

 

 

Arrêtons-nous ici... Après cette nomenclature rapide de plus de trente pièces en 1 acte — opérettes-bouffes, opérettes, ou opéras-comiques, dans lesquels Offenbach avait prodigué ses dons rares, sa fantaisie, sa bouffonnerie et sa prodigieuse fécondité, Orphée aux Enfers éclatait le 21 octobre 1858... quelle date et quel événement ! A dire vrai, ce fut une surprise générale, mêlée d'étonnement, d'enthousiasme et d'indignation ; on cria au sacrilège ! Oser toucher à la mythologie !... Les premières représentations furent médiocres, mais peu à peu, le succès grandit, grandit et pendant deux cent vingt-huit jours tout Paris, toute la province et l'étranger défila, sans discontinuer, dans la petite salle des Bouffes-Parisiens.

 

 

 

Orphée aux enfers - dessin inédit de Gustave Doré

 

 

Depuis, Orphée a fait son tour du monde ; et le premier chef-d’œuvre de l'opéra-bouffe n'est pas loin d'atteindre aujourd'hui sa 2.000e représentation !...

 

 

 

invitation pour le souper de la 200e représentation d'Orphée aux enfers

 

 

Le 22 juin 1859, les Bouffes représentaient Un Mari à la porte, opérette en 1 acte de Delacour et Morand, suivi le 6 juillet de la même année de les Vivandières de la Grande Armée, opérette en 1 acte de Jaime et de de Forges.

Le 19 novembre 1869, vit la première de Geneviève de Brabant, opéra bouffon en 2 actes de Crémieux et Trefeu. Puis vinrent successivement toujours aux Bouffes Parisiens : Daphnis et Chloé (opérette en 1 acte de Grangé, Gille et Ludovic Halévy, 4 février 1860) ; la Chanson de Fortunio (opéra-comique en 1 acte de Crémieux et Halévy, 5 janvier 1861) ; les Musiciens de l'Orchestre, opérette en 1 acte de Bourdois et de de Forges dont la partition fut signée Hignard, Léo Delibes, Erlanger et Offenbach, 25 janvier 1861 ; le Pont des Soupirs, opéra-bouffe en 2 actes de Crémieux et Halévy (23 mars 1861) ; M. Choufleuri restera chez lui le..., opérette bouffe en 1 acte de Saint-Remy (duc de Morny), Crémieux et Halévy, 14 septembre 1861 ; Apothicaire et Perruquier, opérette en 1 acte de Elie Frébault (17 octobre 1861) ; le Roman Comique, opérette-bouffe en 1 acte de Crémieux et Ludovic Halévy (10 décembre 1861) ; M. et Mme Denis, opérette en 1 acte de Delaporte et Laurencin (11 janvier 1862) ; le Voyage de MM. Dunanan père et fils, opéra-bouffon en 2 actes de Siraudin et Jules Moinaux (22 mars 1862) ; Jacqueline, opérette en 1 acte de Pol d'Arcy (Crémieux et Halévy), musique d'Alfred Lange (Offenbach) (14 octobre 1862).

 

 

 

Dupuis dans la Grande-duchesse de Gérolstein

 

Dupuis dans la Grande-duchesse de Gérolstein par Stop

 

 

Citons encore les Bavards opéra-bouffe en 2 actes de Nuitter (Ems, 1862 et Bouffes-Parisiens, 20 février 1863), Lischen et Fritzchen, conversation alsacienne en 1 acte de Boisselot (Ems, 1863 et Bouffes-Parisiens, 5 janvier 1864), l'Amour Chanteur, opérette en 1 acte de Nuitter et Lépine (5 janvier 1864), Il Signor Fagotto, opérette en 1 acte de Nuitter et Trefeu (13 janvier 1864), les Georgiennes, opéra-bouffe en 3 actes de Jules Moinaux (16 mars 1864).

 

 

 

Hortense Schneider dans la Grande-duchesse de Gérolstein

 

 

Mais voici venir la grande série des chefs-d’œuvre, qui débute par un nouvel Orphée aux Enfers : il s'agit de la Belle Hélène, opéra bouffe en 3 actes de Meilhac et Ludovic Halévy donné aux Variétés le 17 décembre 1864. Après la Belle Hélène dont les deux principaux créateurs furent José Dupuis et Hortense Schneider, Offenbach donne à Ems en 1865, Coscoletto, opéra-comique en 2 actes de Nuitter et Tréfeu, puis le 21 septembre 1865 les Refrains des Bouffes. Suivent, le 3 novembre de la même année, Jeanne qui pleure et Jean qui rit, opérette en 1 acte de Nuitter et Tréfeu, les Bergers, opéra-comique en 3 actes de Crémieux et Philippe Gille, le 11 décembre 1865.

 

 

 

une scène de la Grande-duchesse de Gérolstein, d'après un dessin du prince de Joinville

 

 

Le 5 février 1866, les Variétés donnent la première de Barbe-Bleue, opéra-bouffe en 3 actes de Meilhac et Ludovic Halévy, et comme la Belle Hélène, avec Hortense Schneider, Boulotte et Dupuis. Barbe-Bleue, le nouvel ouvrage remporte un égal et considérable succès. Le 31 octobre 1866, le Palais-Royal représente pour la première fois la Vie Parisienne, opéra-bouffe en 4 actes de Meilhac et Halévy, auquel personne ne croyait et qui obtint un triomphe égal à celui de la Belle Hélène et de Barbe-Bleue. Mais voici le 12 avril 1867, aux Variétés, une quatrième réussite aussi éclatante que les autres : la Grande Duchesse de Gerolstein, opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux de Meilhac et Halévy, avec Schneider et Dupuis.

 

 

 

la Périchole (lithographie de Draner)

 

 

Le 6 mai 1868, Meilhac, Halévy et Offenbach donnent, au Palais-Royal le Château à Toto, opéra-bouffe en 3 actes et le Fifre enchanté ou le Magicien Soldat, opérette-bouffe en 1 acte de Nuitter et Trefeu, représentée à Ems en 1864, affichée aux Bouffes le 30 septembre avec l'Ile de Tulipatan, bouffonnerie en 1 acte de Chivot et Duru. Mais l'année ne s'achève pas sans une grande première et un grand succès : la Périchole, opéra-bouffe en 2 actes de Meilhac et Halévy, interprété par Schneider et Dupuis, commence une carrière éclatante le 6 octobre aux Variétés.

 

 

 

la Princesse de Trébizonde (lithographie de Stop)

 

 

En 1869, les Bouffes représentent, le 22 mars, la Diva, opéra-bouffe en 3 actes de Meilhac et Halévy, et le 7 décembre la Princesse de Trébizonde, opéra-bouffe en 3 actes de Nuitter et Trefeu. En fin d'année les Variétés, poursuivant la glorieuse série de Meilhac et Halévy, affichent, le 10 décembre, les Brigands, opéra-bouffe en 3 actes. Le lendemain, 11 décembre, les Bouffes corsent leur spectacle avec la Romance de la Rose, opérette-bouffe en 1 acte de Trefeu et Prevel... et puis vient l'année tragique. Le 14 décembre 1871, Boule de Neige, opéra-bouffe en 3 actes de Nuitter et Trefeu fait son apparition aux Bouffes. Le Roi Carotte, opéra-bouffe féerie en 4 actes et 18 tableaux de Victorien Sardou marque, à la Gaîté, l'année 1872 (15 janvier), tandis qu'à Vienne on représente Friquette, opéra-comique en 1 acte de de Forget et, le 21 septembre, le Corsaire Noir, opéra-comique en 3 actes, paroles et musique de Jacques Offenbach. En 1873, enfin, six œuvres du compositeur tiennent l'affiche : les Braconniers, opéra-bouffe en 3 actes de Chivot et Duru (29 janvier, aux Variétés), la Leçon de chant, opérette en 1 acte de E. Bourget (17 juin aux Folies Marigny), la Permission de dix heures, opérette en 1 acte de Mélesville et Carmouche, avec Pomme d'Api, opérette en 1 acte de Halévy et Busnach : pour terminer, au même théâtre, la Jolie Parfumeuse, opérette en 3 actes de Crémieux et Blum (29 novembre). Nous arrêtons ici ce résumé bien rapide de tant d'œuvres dont la plupart sont aujourd'hui classiques : nous allons arriver à l'année 1874 et il nous reste à considérer avant cette date, la production musicale non moins importante d'Hervé, celle de Léo Delibes, d'Emmanuel Chabrier ainsi que d'une vingtaine de compositeurs qui se partagent les premiers succès de l'opérette française.

 

 

 

Louise Théo et Mme Grivot dans la Jolie Parfumeuse

 

Louise Théo dans Pomme d'Api

 

 

***

 

Nous n'avons pas à retracer ici la vie d'Hervé. On connaît, par le livre de M. Louis Schneider, l'histoire de cet enfant, Florimond Ronger qui partit un jour de chez sa mère et se rendit, au hasard d'une promenade à Bicêtre. Il entra dans la chapelle, monta à l'orgue et improvisa avec tant d'autorité et de goût que le curé lui offrit la place d'organiste de Bicêtre. Ronger poussé lui aussi par le démon du théâtre organisa une représentation à l'Asile. Il fit jouer l'Ours et le Pacha, un vaudeville de Scribe et Saintine dont il composa la musique. C'était en 1842. Trois ans plus tard, après un concours il obtint la place d'organiste à Saint-Eustache et décida, sur le conseil de ses amis de garder son nom, comme organiste, mais de prendre celui d'Hervé pour le théâtre.

On connait les traits caractéristiques du talent d'Hervé : la truculence de sa verve bouffonne, son abracadabrante fantaisie, cette veine parodique étourdissante qui ont fait de lui un des maîtres de l'opérette à la création de laquelle son nom reste attaché.

Après l'Ours et le Pacha, Hervé donna en 1848, Don Quichotte et Sancho Pança : tableau grotesque, portait l'affiche : en réalité c'était bien là la formule nouvelle de l'opéra-bouffe. D'Hervé encore l'année suivante, à l'Odéon, les Gardes françaises et les Parisiens en voyage, vaudeville-opérette en 1 acte de Méry, Gérard de Nerval et P. Bocage. Pendant trois ans le Palais-Royal joua des bouffonneries d'Hervé : c'est, en 1851, Passiflor et Cactus, opéra-bouffe en vers d'Hervé, paroles et musique ; en 1852, l'Enseignement Mutuel, vaudeville-opérette en 1 acte (livret de Théodore Barrière et Adrien Decourcelle), la même année : Roméo et Mariette, parodie-opérette en 1 acte de Dumanoir. En 1853, enfin, un vaudeville-opérette en 5 actes de Dumanoir et Clairville : les Folies Dramatiques.

Pendant deux ans, Hervé réserve toute sa production aux Folies Concertantes : ce sont, pour l'année 1854, la Perle de l'Alsace, pastorale-opérette en 1 acte, le Compositeur toqué, bouffonnerie-opérette en 1 acte de Maurice Sand, Poésie et Turlupinade, opérette-bouffe en 1 acte, la Fine Fleur de l'Andalousie, bouffonnerie-opérette en 1 acte, la Caravane de l'amour. En 1855, les Folies Concertantes représentent, en dehors de nombreuses pantomimes, la Belle Créature, pochade-opérette en 1 acte, l'Intrigue espagnole, folie-opérette en 1 acte, le Sergent Laramé, opérette-bouffe en 1 acte, Un drame en 1779, folie-opérette en 1 acte, Latrouillat et Trufaldini, saynète opérette en 1 acte, Un ténor très léger, opérette-parodie en 1 acte. La même année, aux Folies Nouvelles, le Testament de Polichinelle, opérette en 1 acte, le Trio d'Enfoncés, parodie en 1 acte, Fifi et Nini, opérette en 1 acte. En 1856, Agamemnon ou le chameau à deux bosses, opérette-parodie en 1 acte, Tomette et son carabinier, opérette en 1 acte, Femme à vendre, opérette en 1 acte, le Pommier ensorcelé, Brin d'amour, Phosphorus, la Dent de sagesse, Vadé au cabaret ; quatre opérettes également en 1 acte, la Belle Espagnole, le Voiturier, Simple Histoire, l'Alchimiste, sont représentées en 1858 aux Bouffes Deburau (Champs-Elysées). Les Délassements-Comiques donnent en 1862, le Hussard persécuté, opérette en 2 tableaux, la Fanfare de Saint-Cloud, 1 acte, et le Retour d'Ulysse. Les Toréadors de Grenade, opérette en 2 actes, marquent le 15 juin 1863, le retour d'Hervé au Palais-Royal. Le Joueur de flûte, opérette en 1 acte de Jules Moinaux ouvre, le 16 avril 1864, à Hervé les portes des Variétés ; après une féérie et deux revues, dont la Liberté des Théâtres, le compositeur fait jouer aux Variétés le 12 novembre 1865, une Fantasia, opérette en 1 acte, livret de Nuitter et Desarbes.

Enfin, son premier opéra-bouffe en 3 actes voit le jour le 17 novembre 1866 aux Bouffes-Parisiens : les Chevaliers de la Table ronde de Chivot et Duru. A cette date Offenbach avait déjà donné Orphée aux Enfers, Geneviève de Brabant, la Belle Hélène, la Vie Parisienne. L'opéra-bouffe était alors en pleine vogue, et le succès de la première œuvre importante d'Hervé après ce délicieux Joueur de flûte, allait désormais ouvrir toutes grandes les portes des théâtres au futur compositeur de l’Œil crevé, de Chilpéric et du Petit Faust. Après avoir fait représenter cette même année à l'Eldorado, une opérette-bouffe en 1 acte, les Métamorphoses de Tartempion, Hervé allait sous peu connaître la gloire avec ce chef-d’œuvre d'irrésistible bouffonnerie qui s'appelle l'Œil crevé. N'ayant pu se faire jouer aux Variétés où Barbe-Bleue et la Grande Duchesse se succédaient sur l'affiche, Hervé porta sa partition aux Folies-Dramatiques qui jusqu’alors s'étaient consacrées au drame. La drôlerie épique du livret séduisit vite Moreau-Sainti, le directeur, et malgré quelque hésitation il monta l'ouvrage d'Hervé qui fut donné le 12 octobre 1867. Le succès fut triomphal et pendant près d'une année, les Folies-Dramatiques ne désemplirent pas.

L'année suivante ne se montra pas moins favorable. Après Trombolino, un opéra-bouffe en 1 acte que l'Eldorado représenta le 9 mai, les Folies-Dramatiques annoncèrent le 24 octobre, Chilpéric, opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux.

 

 

 

Hervé

 

 

L'incohérence du livret de Chilpéric au moins aussi grande que celle de l'Œil crevé, qu'imagina Hervé, librettiste, servit pleinement Hervé compositeur ; sa partition, comme écrivait Sarcey « alla aux nues » et le succès en fut considérable. La renommée d'Hervé était solidement établie, ce qui lui permettait en trois ans, cinq opéras-bouffes ...et non des moindres. Le premier n'est autre que le Petit Faust dont Hervé avait demandé le livret à Crémieux et Jaime et qui fut représenté pour la première fois, le 28 avril 1869 aux Folies-Dramatiques. Ici, après la folie et la mystification, Hervé entrait dans le véritable domaine de la parodie et le grand Faust fut par lui, caricaturé de la façon la plus amusante qui soit. Quant à la partition, elle rencontra un accueil enthousiaste. L'ouverture fut acclamée ainsi que tous les numéros que composa Hervé ; la presse se montra unanime à louer sans réserve le musicien dont les qualités géniales avaient enfin trouvé leur voie véritable. Mais l'année ne se termina pas aux Folies-Dramatiques sans une nouvelle œuvre d'Hervé et c'est ainsi que le 22 décembre, les Turcs, opéra-bouffe en 3 actes de Crémieux et Jaime sont représentés avec un égal succès.

Après la guerre, le 17 novembre 1871, les Variétés donnèrent la première représentation du Trône d'Ecosse, opéra-bouffe en 4 actes de Crémieux et Jaime, pour lequel Hervé avait écrit une de ses plus heureuses partitions. Quelques semaines après, en décembre, aux Folies-Nouvelles, Hervé et Thomson faisaient jouer un opéra-bouffe en 4 actes : le Nouvel Aladin. Enfin, le 26 avril 1873, les Variétés représentaient la Veuve du Malabar, opéra-bouffe en 4 actes de Crémieux et Delacour : ici s'arrête ce rapide tableau ; mais nous aurons maintes occasions de revenir sur ce grand compositeur dont la dernière œuvre fut donnée en 1897, cinq ans après sa mort.

L'opéra-bouffe et l'opérette étaient créés. D'innombrables compositeurs allaient désormais exploiter cette veine mélodique ; tous allaient tenter ce genre léger et gai, selon leur tempérament et leur verve. Jetons donc encore un coup d'œil sur les musiciens qui s'illustrèrent dans l'opérette avant 1874.

L'année même de la création des Bouffes-Parisiens, en octobre 1855, Emile Jonas, faisait représenter une opérette-bouffe en 1 acte de Mestépès : le Duel de Benjamin. En avril 1857, il donnait, également aux Bouffes, en collaboration avec Jaime et Mestépès : le Roi Boit, opérette en 1 acte, et le 19 novembre de la même année, au même théâtre, les Petits Prodiges, (livret de Jaime fils et Trefeu). Puis vinrent : Job et son chien, opérette en 1 acte de Mestépès, le 6 février 1863 (Bouffes-Parisiens), le Manoir des Larenardière, opérette-bouffe en 1 acte de Mestépès (Bouffes-Parisiens), le 29 novembre 1864. Au même théâtre, le 24 mars 1865, Avant la Noce, opérette en 1 acte de Mestépès et Boisselot. Les deux Arlequins, opérette en 1 acte de Mestépès (Fantaisies-Parisiennes, 1865). L'Athénée donna le 15 décembre 1867, un opéra-bouffe en 4 actes, Malbrough s'en va-t-en guerre dont les paroles étaient de Siraudin et Busnach et la musique de quatre compositeurs, un par acte : Georges Bizet, Emile Jonas, Legouix et Léo Delibes. Jonas écrivit le deuxième acte.

Après tous ces essais heureux, Jonas écrivit un opéra-bouffe en 3 actes : le Canard à trois becs, livret de Jules Moinaux. Cette farce d'une cocasserie bouffonne fut créée le 6 février 1869 aux Folies-Dramatiques ; signalons, la même année, un acte aux Bouffes, Désiré, sire de Champigny et mentionnons Javotte, opérette en 3 actes, qui avait été représentée en Angleterre sous le titre de Cinderella et qui fut donnée à l'Athénée en décembre 1871.

Né à Nantes le 20 mai 1822, Aristide Hignard est, aujourd'hui peu connu comme compositeur d'opérettes. Signalons, pourtant, dans ce domaine, Monsieur de Chimpanzé, un acte de Jules Verne et Michel Carré représenté aux Bouffes le 18 février 1858. Le 14 janvier 1860, il y donnait le Nouveau Pourceaugnac, opérette en 1 acte de Scribe et Poirson et en 1861, en collaboration, pour les paroles avec Bourdois, et pour la musique avec Léo Delibes et Erlanger, les Musiciens de l'Orchestre, opérette-bouffe en 2 actes (25 janvier). Ajoutons enfin, Monsieur Fanchette, opérette en 1 acte, paroles de Bordogni (29 mars 1867, Bouffes-Parisiens).

De Gastinel, né le 15 août 1823, on peut citer, l'Opéra aux fenêtres, opérette en 1 acte de Ludovic Halévy (Bouffes-Parisiens, 1857) ; Titus et Bérénice, opérette-bouffe en 1 acte d'Edouard Fournier et Ludovic Halévy (Bouffes-Parisiens, 11 mai 1860).

Eugène Déjazet, fils de Déjazet, né en 1825, après avoir acheté le théâtre des Folies-Nouvelles, lui donna le nom de théâtre Déjazet et y joua un certain nombre de ses opérettes dont aucune ne reste aujourd'hui : ce sont, toutes des pièces en 1 acte, sur le ton de l'opéra-comique léger : Fanchette (4 février 1860) ; Galuchon (28 février 1861) ; la Rosière de 40 ans (mai 1862) ; Deux gloires (15 août 1862) ; l'Argent et l'amour (3 actes, février 1863) ; la Nuit de la Mi-Carême (mars 1864) ; Monsieur de Belle-Isle (1865) ; la Tentation d'Antoine (25 février 1865) ; les Sept baisers de Buckingham (27 octobre 1866).

Né à Orléans en 1828, Laurent de Rillé avant d'écrire pour le théâtre s'occupa de toutes les questions relatives au chant populaire. Il donna une quinzaine d'opérettes en un acte pour la plupart : une seule de ces bouffonneries est venue jusqu'à nous : Pattes blanches. Il fit jouer successivement, aux Folies-Nouvelles, en 1857, le Sire de Framboisy, Aimé pour lui-même (février), Bel-Boul (mars), la Demoiselle de la Hoche-Trombelon (de Jules Moinaux, octobre), Achille à Scyros (septembre) ; en 1858 : Frilby (janvier), le Moulin de Catherine (1er septembre), le Jugement de Pâris (11 février 1859), Elle a des bottes... (30 mars 1859), le Sultan de Mysapour, Frasquita (Bouffes-Parisiens 1859), Au Fond du Verre (Déjazet, mars 1861), le Petit Poucet (opéra-bouffe en 3 actes de Leterrier et Vanloo, Athénée, 8 octobre 1868), les Pattes blanches, (opérette en 1 acte, 21 mai 1873, Bouffes-Parisiens), enfin, le 11 décembre, de la même année, la Liqueur d'or de Busnach et Liorat aux Menus-Plaisirs.

Si Laurent de  Rillé laissa son nom aux Pattes blanches, Jules Costé, né en 1828, attacha le sien à ce petit chef-d’œuvre bouffe que les Variétés représentèrent en 1877 : les Charbonniers. Mais auparavant, Costé avait donné, le 29 août 1855, aux Bouffes-Parisiens, c'est-à-dire un peu plus d'un mois après leur création : Une Pleine Eau, opérette en 1 acte de Jules Servières (Ludovic Halévy) et le comte d'Osmond. Quelques années plus tard, après avoir fait jouer les Horreurs de la guerre, paroles de Philippe Gille, au Cercle des Mirlitons, cet opéra-bouffe en 2 actes fut représenté le 9 décembre 1868 à l'Athénée : tandis que le 16 avril, de la même année, et à ce même cercle, Costé offrait la primeur de la Paix armée, opérette en 1 acte.

Citons, pour mémoire, les petits actes qu'Auguste L’Eveillé, né en 1828, fit interpréter aux Folies-Nouvelles : le Cinquième Acte, 25 octobre 1856, puis à Marigny, alors qu'il était chef d'orchestre de ce théâtre : le Sire de Barbe Bleue (5 août 1864) ; les Virtuoses du Pavé (19 avril 1864) ; Chez les Montagnards (6 juillet 1866) ; l'Héritage d'un postillon (30 août 1867) ; Vive la ligne (16 mai 1868) ; le Fils à Ko-Kli-Ko (10 septembre 1869) ; l'Alchimiste des Batignolles (20 juin 1870) ; le Sire de Beaumerlan (21 mai 1870, Concert Gaulois) ; A droite Conversation (la Tour d'Auvergne, 4 avril 1873) ; Monsieur Pygmalion (22 mars 1873, la Tour d'Auvergne).

Frédéric Barbier né le 15 novembre 1829, est, pour nous, un inconnu ; et cependant il fit représenter plus de soixante ouvrages (opéras-comiques, opérettes, ballets), et n'écrivit pas moins de trois cents chansonnettes, duos, romans et mélodies.

Frédéric Barbier produisit sa première opérette aux Folies-Nouvelles en 1858 : le Pacha en 1 acte de Nuitter (mars). Francastor fut représenté la même année, ainsi que le Page de Madame Malborough et, en novembre de la même année, sur la même scène le Faux Faust, opérette-bouffe parodique qu'il signa : Stephan. L'année suivante il fit jouer à Déjazet, en octobre, Monsieur Deschalumeaux, opérette en 2 actes, puis en décembre, le Grand Roi d'Yvetot, opérette en 3 actes. En octobre 1862, le Loup et l'Agneau, opérette en 1 acte fut représentée, Simon Terre-Neuve, en 1863, et Deux permissions de 10 heures en 1864. Le chalet des îles du Bois de Boulogne avait alors un théâtre où Barbier fit entendre les Amours d'un schah (opérette en 2 actes le 13 juin 1861) et le 3 août de la même année, Flamberge au vent, opérette en un acte. Mentionnons encore : la Gamine du Village (15 juillet 1863, Folies-Marigny) ; Madame Pygmalion, opérette bouffe en 1 acte de Jules Adenis et François Tourte (6 février 1863, Bouffes-Parisiens) ; les Trois Normandes (21 mars, Folies-Marigny) ; Achille chez Chiron (14 octobre 1864, Folies-Marigny) ; Un congrès de modistes (Bouffes-Parisiens, 16 février 1865) ; Une femme qui a perdu sa clé (Bouffes, 21 octobre 1866) ; les Oreilles de Midas (avril 1866, Fantaisies-Parisiennes) ; les Légendes de Gavarni (opérette en 3 actes, Bouffes, 1867) ; le Soldat malgré lui (opérette en 2 actes, Fantaisies-Parisiennes, 17 octobre 1868) ; Mam’zelle Pierrot, opérette en 1 acte, (26 octobre 1869, Folies-Bergère) ; enfin une trentaine d'actes à l'Eldorado et à l'Alcazar d'Été où il remplit les fonctions de chef d'orchestre.

Jules Duprato qui connut un début éclatant ne fut pas favorisé par le sort : il possédait des dons charmants et M'sieur Landry, une délicieuse opérette en 1 acte, livret de du Locle représentée aux Bouffes le 24 novembre 1856, faisait espérer une belle carrière à ce distingué compositeur. En 1866, le 24 septembre, il fit jouer sa deuxième opérette aux Fantaisies-Parisiennes le Baron de Groschaminet (sur un livret de Nuitter et Garnier) ; le Sacripant, opérette en 2 actes de Philippe Gille. Signalons encore la Reine Mozab, septembre 1866, aux Fantaisies-Parisiennes, enfin, le 21 décembre 1871, les Folies-Dramatiques représentaient : la Tour du chien vert, opérette bouffe en 3 actes, de Philippe Gille. Signalons encore la Reine Mozal, Une promenade de Marie Thérèse et Marie Stuart au château de Cochleven, trois opérettes non jouées.

 

 

 

Charles Lecocq

 

 

Si Offenbach et Hervé furent les maîtres de l'opéra-bouffe, Charles Lecocq (1831-1892) fut le maître de l'opérette, c'est-à-dire de l'opéra-comique gai et fantaisiste. S'il ne posséda pas les qualités bien particulières de ses devanciers, il n'en fut pas moins profondément personnel par la grâce, l'élégance et le charme de son inspiration. Il ne possède ni la verve bouffonne, ni l'irrésistible mouvement, ni les rythmes endiablés d'un Offenbach et d'un Hervé, mais il a sa manière à lui, faite de finesse, de franche gaîté et d'agréable séduction ; dans une cinquantaine de partitions qui composent son œuvre théâtrale, on retrouve cette même verve mélodique, ce même entrain, cette même bonne humeur qui « déclenchent », dans le public des « délicieux », des « exquis », des « adorables », tout autant qu'on en murmure, derrière un éventail, en entendant une tendre phrase de Werther ou de Manon ; et, si l'on ose dire, Lecocq est le Massenet de l'Opérette.

Charles Lecocq fit ses études au Conservatoire. Il remporta un premier prix comme élève de la classe d'harmonie et d'accompagnement de Bazin, l'auteur du Voyage en Chine. Dans la classe de fugue et de composition dirigée par Halévy, il remporta un second accessit puis un second prix de fugue et passa dans la classe d'orgue où le premier accessit lui fut accordé.

Ses débuts furent aussi durs que ceux de ses prédécesseurs. On sait qu'Offenbach, après avoir fondé les Bouffes ouvrit un concours d'opérette en un acte intitulée le Docteur Miracle (livret de Léon Battu et Ludovic Halévy). Sur quatre-vingt musiciens, six furent classés en tête : Charles Lecocq, Georges Bizet, Erlanger, Demerssemann, Manniquet et Limagne. Offenbach retint seulement les ouvrages des deux premiers qui furent représentés alternativement aux Bouffes le 8 avril 1857.

 

 

 

Fleur de thé (lithographie de Cham)

 

 

Deux ans après cette épreuve, sans éclat, Lecocq fit jouer, aux Folies-Nouvelles, une autre opérette en un acte Huis Clos qui n'ajouta rien aux débuts du maître. De 1864 à 1868, il donna, aux Folies-Marigny, à Tertulia et au Palais-Royal quelques petits actes tels que : le Baiser à la porte (26 mars 1864), Liline et Valentin (25 mai 1864), Ondines au champagne (5 septembre 1866), le Myosotis (2 mai 1866), le Cabaret de Ramponneau (11 octobre 1867). Le 30 janvier 1866, l'Amour et son Carquois (2 actes à l'Athénée), enfin son premier grand succès : Fleur de Thé (opérette en 3 actes de Chivot et Duru, 11 avril 1868 à l'Athénée).

 

 

 

le Testament de M. de Crac (lithographie de Barbizet)

 

 

L'accueil fait par le public à cette œuvre fut si vif que l'année suivante elle continuait sa carrière aux Variétés. Le 20 novembre 1868, l'Athénée représentait un acte de Lecocq et Busnach, les Jumeaux de Bergame et le 30 décembre 1868, le Carnaval d'un merle blanc, folie en 3 actes de Chivot et Duru. Cinq opérettes en un acte suivirent : Gandolfo (Chivot et Duru, Bouffes, 16 janvier 1869), Deux portières pour un cordon (Palais-Royal, 15 mars 1869), le Rajah de Mysore un très amusant petit opéra-bouffe de Chivot et Duru (Bouffes, 21 septembre 1869), et le non moins amusant Beau Dunois, de Chivot et Duru (Variétés, 13 avril 1870), le Testament de M. de Crac de Jules Moinaux (Bouffes, 23 octobre 1871), le Barbier de Trouville de Jaime et Noriac (Bouffes-Parisiens, 19 novembre 1871). Pendant la guerre, Lecocq s'était retiré à Bruxelles ; il y donna, aux Pantomimes-Parisiennes, le 16 mars 1873, les Cent Vierges (livret de Clairville, Chivot et Duru), qui furent reprises aux Variétés le 13 mai de la même année. Lecocq avouait une tendresse particulière pour cette œuvre qui ne fut réellement appréciée qu'en 1875, lorsque le directeur des Folies-Dramatiques la monta. Il en fut de même, cette année là, pour la partition la plus célèbre et la plus populaire de Charles Lecocq, et de l'opérette française : la Fille de Madame Angot (Clairville, Koning et Siraudin), représentée le 4 décembre 1872 aux Fantaisies-Parisiennes de Bruxelles et le 21 février 1873 aux Folies-Dramatiques.

 

 

 

Alice Regnault dans les Cent Vierges (lithographie de Maurou)

 

 

M. Louis Schneider dans son volume sur Lecocq a raconté d'innombrables anecdotes sur la Fille de Madame Angot. Il nous apprend — entre autres — que Lecocq écrivit sa partition en quatre mois et que Cantin, directeur des Folies-Dramatiques avait tout d'abord refusé de monter la pièce. Mais devant le « triomphe » qui accueillit l'œuvre à Bruxelles, il voulait bien consentir à la recevoir en ajoutant : « Je la jouerai bien une dizaine de fois, et encore si on va jusqu’au bout... ». Et cette première série de représentations atteignit le chiffre de 400... Depuis...

 

 

 

la Fille de Madame Angot (lithographie de Barbizet)

 

 

Elève d'Halévy, Jules Erlanger, né le 25 juin 1830 a fait représenter 4 opérettes aux Bouffes-Parisiens : Mesdames de Cœur volant, 1 acte, 16 avril 1859, les Musiciens de l'orchestre, 2 actes de Léo Delibes et Hignard, 25 juin 1861, la Servante à Nicolas, 1 acte, 11 mars 1861, et l'Arbre de Robinson, 1 acte, 19 octobre 1867 ; le musicien dont les débuts ne passèrent pas inaperçus abandonna, ensuite, le théâtre pour les affaires.

Contemporain d'Erlanger, Georges Rose composa et interpréta lui-même ses opérettes, dont aucune ne parvint jusqu'à nous. Parmi celles-ci : Entre 11 heures et minuit (1 acte, 10 octobre 1866) ; la Fille aux bruyères (5 avril 1867) ; la Réconciliation et Tintano (5 juin 1867) ; la Belle Hélène dans son ménage (11 juillet 1867), ces cinq ouvrages aux Nouveautés. Il donna en 1868, la Famille Duverglas au théâtre Saint-Pierre, le Robinson du Faubourg Saint-Denis, au concert du Gaulois en 1872, et la même année, le 4 avril, Casse Cou aux Nouveautés, puis, sur la même scène, Une partie de Valets ; le Cousin don César, en 2 actes. fut joué au Concert Tivoli en 1873, le Hareng saur sur le gril, 4 actes à la salle Saint Laurent (1870), enfin, Mon cousin Victoire, 11 mai 1873 aux Folies-Nouvelles.

Isidore Legouix né le 18 avril 1834 ne laissa dans le domaine de l'opérette aucune œuvre saillante. Musicien ayant obtenu un premier prix d'harmonie au Conservatoire, élève d'Ambroise Thomas, il composa une dizaine de pièces : Un Othello (1 acte, 20 juin 1863, Champs-Elysées) ; le Lion de Saint-Marc, opéra bouffe en 1 acte de Nuitter et Beaumont représenté le 24 novembre 1864 pour l'inauguration du théâtre Saint-Germain (aujourd'hui théâtre Cluny) ; Ma Fille, opérette en 1 acte d'Alexis Bouvier (Délassements-Comiques, 20 mars 1866). Legouix collabora également avec Delibes et Jonas à Malbrough s'en va-t-en guerre, puis il fit représenter le 20 novembre 1868, à l'Athénée, le Vengeur, opéra-bouffe en 1 acte, de Nuitter et Beaumont ; enfin, l'Ours et l'Amateur des Jardins, bouffonnerie musicale en 1 acte de Busnach et Marquet, le 1er septembre 1869 aux Bouffes.

Si Hervé fut organiste, Léo Delibes — né en 1836 — fut enfant de chœur à la Madeleine. Après un premier prix de piano il fut admis dans la classe de Le Couppey puis dans celle de Bazin et devint élève d'Adam pour la composition. Il entra vers 1853, comme organiste à Saint-Jean et Saint-François et se livra, presque en même temps à la composition. Il débuta, lui aussi, dans l'opérette, aux Folies-Nouvelles, en 1855 — il avait dix-neuf ans — en donnant : Deux sous de charbon, un acte avec Jules Moinaux. Hervé en tenait le rôle principal. L'année suivante, il faisait représenter aux Bouffes, le 8 août 1856, les Deux Vieilles gardes, dont une amusante polka est restée célèbre. La même année, le 12 novembre, il donnait : Six demoiselles à marier. Après un petit acte, Maître Griffard (3 octobre 1857, au Théâtre-Lyrique), Léo Delibes fit représenter : l'Omelette à la Follambuche (opérette en 1 acte de Philippe Gille (Bouffes, 4 février 1860) ; les Musiciens de l'Orchestre, opérette en 2 actes avec Hignard et Erlanger (Bouffes, 25 janvier 1861) ; les Deux Buveurs, opérette en 1 acte (Bouffes-Parisiens 1861) ; la Tradition (prologue pour les Bouffes, 5 janvier 1864) ; le Serpent à plumes, opérette bouffe en 1 acte de Cham (Bouffes, 16 décembre 1864) ; le Bœuf Apis, opéra bouffe en 2 actes de Philippe Gille et Furpille (15 avril 1865, Bouffes) ; à Ems il fit jouer, les Eaux d'Ems, opérette en 1 acte de Crémieux et Ludovic Halévy, qui fut reprise aux Bouffes le 9 avril 1863, et Mon ami Pierrot, en 1862. Le 15 décembre 1867 l'Athénée représentait Malbrough s'en va-t-en guerre, opérette en 4 actes, musique de Georges Bizet, Emile Jonas, Legouix et Delibes. Le futur auteur de Coppelia et de Lakmé écrivit le 4e acte de cette œuvre. Il fit jouer, le 16 janvier 1869, aux Bouffes, l'Ecossais de Chatou, opérette en 1 acte de Jaime et Philippe Gille, bientôt suivie d'un opéra-bouffe en 3 actes : la Cour du Roi Pétaud de Philippe Gille et Jaime, représenté le 26 avril 1869, sur la scène des Variétés. Ici finit la carrière de Léo Delibes compositeur d'opérettes ; il allait être le musicien de Sylvia, du Roi l'a dit, de Jean de Nivelle, tant d'œuvres exquises d'une inspiration fraîche et mélodique qui ont fait de lui un des maîtres de la musique française.

 

 

 

Deux Vieilles Gardes (lithographie de Loire)

 

 

Comme tous les compositeurs Paul Lacôme (né en 1838), eut des débuts difficiles. Appartenant à une famille de musiciens, extrêmement bien doué, il finit par se faire jouer en juillet 1870 aux Folies-Marigny. Il eut la grande satisfaction de voir enfin représenter : Epicier par amour. En 1872, le 11 et le 28 mai à Tertulia il donna successivement, J' veux mon peignoir et En Espagne. L'année suivante, l'Athénée montait, avec le plus grand succès, la Dot mal placée, opéra-bouffe en 3 actes (28 février 1873). Le 27 mai de cette même année, les Bouffes représentaient une opérette en 1 acte qu'il écrivit sur un livret de Noriac et Jaime : le Mouton enragé. Nous aurons l'occasion de revenir au cours de cette étude sur Paul Lacôme qui connaîtra son premier grand succès avec une opérette particulièrement appréciée : Jeanne, Jeannette et Jeanneton.

Ce fut encore un organiste, Léon Roques, né en 1839, qui, après de brillantes études au Conservatoire écrivit quelques opérettes telles que : le Diable rouge, le Secret du sapeur, l'Anglais et l'artiste (Folies-Marigny, 6 juin 1863), Une Fille tombée du ciel (Eldorado, 28 juillet 1868), enfin la Rosière d'ici, opéra-bouffe en 3 actes d’Armand Liorat donnée le 27 mars 1873 aux Bouffes-Parisiens.

Si Albert Grisar compositeur charmant, de l'école de Boieldieu composa des œuvres légères, pleines d'une inspiration aimable et alerte, son homonyme, Charles Grisart, né en 1840, élève de Léo Delibes se fit connaître par deux ou trois opérettes : Douze innocents, 1 acte de Najac qui fut représenté aux Bouffes, le 19 octobre 1865 ; Memnon ou la Sagesse humaine, 1 acte de Paul Bocage et Edouard Cadol (Folies-Bergère 2 décembre 1871), enfin la Grenouille de verre, opéra-bouffe en 3 actes d'Albert Millaud et Moreno représenté le 7 novembre 1871 aux Bouffes.

Louis Deffès, compositeur aimable et léger, a fait représenter : Passé Minuit, opérette en 1 acte d'Edouard Lockroy et Anicet Bourgeois (Bouffes-Parisiens, décembre 1863), la Boîte à surprises, opérette en 1 acte de de Forges et Laurencin à Ems, 2 août 1865 ; la Comédie en voyage, opérette en 1 acte au Kursaal d'Ems en juillet 1867 ; les Croqueurs de pommes, opérette en 5 actes (Menus-Plaisirs, 29 septembre 1868). Ajoutons pour compléter ce modeste bagage : Petit bonhomme vit encore, opérette en 2 actes (Bouffes, le 19 décembre 1868), et Valse et Minuit, opérette en 1 acte jouée à Ems en juillet 1865 et donnée à l'Athénée, le 16 avril 1870.

Parmi les compositeurs légers de cette époque, en voici encore un qui, malgré son importante production n'a rien laissé... Il s'agit de Debillemont. Parmi ses œuvrettes, citons : C'était moi, opérette en 1 acte de Deulin et de Najac (Bouffes, 27 mars 1860) ; As-tu déjeuné Jacquot ?, opérette en 1 acte (Déjazet, 29 octobre 1860) ; la Tour de Bondy, opérette en 1 acte de Francis Tourte (Théâtre Féerique, 13 juin 1861) ; Un Premier Avril, opérette en 1 acte (Bouffes-Parisiens, 6 mai 1862) ; la Vipérine, opérette en 1 acte de Prevel et Busnach (Folies-Marigny, 19 octobre 1866) ; Roger Bontemps, opérette en 2 actes de Clairville et Lopez (Fantaisies-Parisiennes, 18 mars 1868) ; le Grand Duc de Matapa, opérette en 3 actes de Clairville et Gastineau (Menus-Plaisirs, 16 novembre 1868) ; Mousseline Club, 1 acte (Menus-Plaisirs, 22 novembre 1868) ; la Revanche de Candaule, opérette en 1 acte de H. Thierry et Paul Avenel (Bouffes, 31 mai 1870) ; la Cigale espagnole, opérette en 1 acte (même date) ; le Tonneau de Mignonne, opérette en 1 acte de Francis Tourte (12 février 1872) ; le Pantalon de Casimir, opérette en 1 acte de Galiet (Eldorado, 31 mai 1873).

Chef d'orchestre des Variétés pendant vingt ans, Nargeot écrivit de nombreux couplets de vaudeville et des chansons devenues vite populaires. Il composa aussi quelques petites opérettes en 1 acte : la Volonté de mon oncle (Vaudeville, 12 juillet 1862) ; les Pifferari de A. de Jallais (Folies-Marigny, 30 août 1863) ; les Exploits de Sylvestre (Théâtre Saint-Germain, 14 avril 1865) ; Dans le pétrin (Folies-Marigny, 1866).

Victor Robillard, pas plus illustre aujourd'hui que Delillemont ou Nargeot a fait représenter une dizaine d'actes : Un ténor pour tout faire (Palais-Royal, 15 novembre 1863) ; la Revanche de Fortunio (Folies-Marigny, 1er juillet 1865) ; les Défauts de Jacotte, opérette de Chivot et Duru (Fantaisies-Parisiennes, 27 avril 1867) ; le Docteur Purgandi de Chivot et Duru (Folies-Bergère, 2 mai 1869) ; l'Oncle Pomard (Folies-Bergère, 10 octobre 1869) ; le Singe et la Mariée (Folies-Bergère, 26 octobre 1869) ; Hussard et fantassin (Folies-Bergère, 23 décembre 1869) ; Amour et Spiritisme (Tertulia, novembre 1872).

Amateur riche et indépendant, Georges Douay, né en 1840, élève de Duprato, écrivit une trentaine d'opérettes en un acte dont aucune ne reste attachée au nom oublié de leur compositeur. Citons-les cependant, bien que la place de Georges Douay soit assez insignifiante dans cet historique musical : la Barbe de Bétasson (Folies-Marigny, 1864) ; Jérôme Pointu (Bouffes-Parisiens, 21 mai 1864) ; les Amoureux de Fanchon (Folies-Marigny, 17 octobre 1864) ; les Crêpes de la Marquise (Bouffes-Parisiens, 20 mars 1865) ; les Gammes d'Oscar (Folies-Marigny, 20 mai 1865) ; Vauvanet l'empailleur (Délassements-Comiques, 5 mai 1866) ; Un bureau de nourrices (Théâtre Lafayette, 4 mai 1867) ; l'Ecaillerie africaine, (Théâtre Saint-Germain, 18 avril 1867) ; Un merlan frit (Folies-Marigny, 9 avril 1868) ; le Double piège (Salle Hertz, juin 1868) ; le Bon roi Dagobert (Folies-Marigny, 12 mars 1869) ; la Première Escarmouche (avril 1870) ; le Phoque à ventre blanc (Alcazar, 1871) ; Crème fouettée (Tertulia, 1871) ; le Petit Vert-Vert (Tertulia, 1872) ; le Garnisaire (1872) ; le Pommier des amours (Tertulia, 1er avril 1872) ; le Trésor de la tante Béchu (Tertulia, 14 septembre 1872) ; la Tunique fatale (Tertulia, 1873) ; le Piège (1874) ; le Hanneton de la Châtelaine (Théâtre Taitbout, 1875) ; les Mules de Suzette (Bouffes-Parisiens, 1875) ; Oh ! c' Paladin (Folies Marigny, 29 juin 1875) ; Un trio d'affamés (Fantaisies Oller, 1876) ; le Pays des Bijoux (2 actes, Folies-Marigny, 1876).

De Charles Pourny, qui écrivit une quantité appréciable de chansonnettes pour les cafés-concerts, on peut mentionner quelques opérettes telles que : Chez un garçon (Pré Catelan, 1864) ; la Clochette (Folies-Marigny, 25 avril 1870) ; l'Ondine de Plougastel (Folies-Dramatiques, 7 septembre 1872) ; Mazeppa, opéra-bouffe en 3 actes (Folies-Dramatiques, 7 septembre 1872).

 

 

 

la Timbale d'argent (lithographie de Stop)

 

 

Avec Léon Vasseur, né le 28 mai 1844, nous retrouvons un organiste distingué et un compositeur léger. A l'âge de vingt ans, après un premier prix de piano et un premier prix d'orgue, il obtint la place d'organiste de Saint-Symphorien à Versailles puis celle d'organiste de la cathédrale. Ses débuts au théâtre furent sans gloire. Il donna à l'Alcazar, le 1er avril 1872, une opérette intitulée : Un fi, deux fi, trois figurants. Est-il besoin d'ajouter que cette opérette ne réussit pas. Cependant il se releva vite de cet échec : les Bouffes-Parisiens se trouvant à la veille de fermer leurs portes, cherchaient une dernière chance de salut : il fallait rapidement une opérette en 3 actes au berceau de l'opérette. Léon Vasseur, sur un livret de Jaime et Noriac, écrivit et fit monter et représenter en un mois, le 9 avril 1872, la Timbale d'argent qui le lança ; les Bouffes étaient sauvés, Vasseur connu et la Timbale d'argent se joua 200 fois de suite avec le plus brillant succès. Pour accompagner sur l'affiche ses trois actes, Léon Vasseur donna un mois après, le 9 mai : Mon Mouchoir, opérette en 1 acte de Jaime. L'année suivante il fit représenter toujours aux Bouffes, le 9 janvier 1873, la Petite Reine, opéra bouffe en 3 actes de Noriac et Jaime et le 20 mai, le Grelot, opérette en 1 acte de Victor Bernard et Grangé. Le Roi d'Yvetot, opéra-bouffe de Chabrillat et Emery, créé à Bruxelles le 25 octobre 1873, fut joué le 3 avril 1876 au théâtre Taitbout.

 

 

 

dessin d'Edouard Detaille pour le programme de la représentation donnée le 18 novembre 1880 à l'inauguration du buste de Jacques Offenbach aux Variétés

 

 

Avant d'entreprendre l'histoire aussi complète et aussi détaillée que possible de l'opérette française de 1874 à nos jours, signalons les œuvres isolées qui furent représentées avant cette époque.

— 1856 —

Venant de Pontoise, opérette en 1 acte, paroles de Gaston Mestépès, musique d'Alfred Dufresne (Bouffes-Parisiens, 20 mars) ; le Thé de Polichinelle, opérette en 1 acte, paroles d'Edouard Fournier, musique de Poise (Bouffes-Parisiens, 4 mars) ; Madame Mascarille, opérette en 1 acte, paroles de Viart, musique de Bovery (Folies-Nouvelles, mars) ; les Pantins de Violette, opérette bouffe en 1 acte, paroles de Léon Battu, musique d'Adolphe Adam (Bouffes-Parisiens, 29 avril) ; Polkette, opérette en 1 acte, paroles de Firmin, musique de Bernardin, (Folies-Nouvelles, juin) ; le Guetteur de Nuit, opérette en 1 acte, paroles de Beauvallet et de Jallais, musique de Paul Blaquières (Bouffes-Parisiens, 30 août) ; le Calfat, opérette en 1 acte, paroles de Paul Mercier, musique de E. Cahen (Folies-Nouvelles, novembre) ; l'Orgue de Barbarie, opérette en 1 acte, paroles de Leris, musique de Alary (Bouffes-Parisiens, décembre).

— 1857 —

Après l'Orage, opérette en 1 acte, paroles de Boisseaux, musique de Galibert (Bouffes-Parisiens, mars) ; Cinq minutes trop tard, opérette en 1 acte, paroles de Vernon, musique de Villebichot (Folies-Nouvelles, mai) ; la Momie de Roscoco, opérette en 1 acte, paroles de Najac, musique d'Eugène Ortolan (Bouffes-Parisiens, 27 juillet) ; Au clair de la lune, opérette en 1 acte, paroles de Léris, musique de Renaud de Vilbac (Bouffes-Parisiens, 4 septembre) ; l'Arbre de Ro­binson, opérette en 1 acte, paroles de Michel Carré, musique d'Erlanger, (Bouffes-Parisiens, 19 octobre) ; le Portrait de Séraphine, opérette en 1 acte, musique de Simiot (Folies-Nouvelles).

— 1858 —

Mam’zelle Jeanne, opérette en 1 acte, paroles de E. de Najac, musique de Léonce Cohen, (Bouffes-Parisiens, 17 février) ; Bon Nègre, opérette en 1 acte de Musard fils (Folies-Nouvelles, mars) ; la Charmeuse, opérette en 1 acte, paroles d'Edouard Fournier, musique de Caspers (Bouffes-Parisiens, 12 avril) ; Fra Diavolino, opérette en 1 acte, paroles d’Amédée de Jallais, musique de L. Roques (Folies-Nouvelles, 4 décembre) ; les Filles du lac, opérette en 1 acte, paroles de Lambert, musique d'Adolphe Nibelle (Folies-Nouvelles, décembre).

— 1859 —

La Polka des Sabots, opérette en 1 acte, paroles de Dupeuty et Bourget, musique de Varney, (père de Louis Varney), (Bouffes-Parisiens, 28 octobre) ; Mam'zelle Pénélope, opérette en 1 acte, paroles de Boisseaux, musique de Théodore de Lajarte (Théâtre-Lyrique, 3 novembre).

— 1860 —

Croquignolle XXXVI, opérette en 1 acte, paroles de de Forges et Gastineau, musique d'Ernest Lépine (Bouffes-Parisiens, 14 janvier) ; L'Ile du sol, si, ré, opérette en 1 acte, paroles de Julian, musique d'Auguste Pilati (Déjazet, 16 mars) ; le Panier de Jeanne, opérette en 1 acte de de Delteil et Alfred Joly (Belleville, 20 mai) ; la Gageure d'Ali-Boron, opérette en 1 acte, paroles de H. Lefebvre et J. Lambert. musique de Simiot (Délassements-Comiques, 7 juin) ; l'Hôtel de la Poste, opérette en 1 acte, paroles de Philippe Gille, musique d'Alfred Dufresne (Bouffes-Parisiens, 15 novembre).

— 1861 —

Les Deux Cadis, opérette bouffe en 1 acte, paroles de Philippe Gille et Furpille, musique de Ymbert (Théâtre-Lyrique, 8 mars) ; la Servante à Nicolas, opérette bouffe en 1 acte, paroles de Truinet et Desarbres, musique de Erlanger (Bouffes-Parisiens, 11 mars) ; les Brioches du Doge, opérette en 1 acte, paroles d'Hector Crémieux et Busnach, musique de Demarquette (Bouffes-Parisiens, 19 août) ; la Baronne de San Francisco, opérette en 2 actes, paroles d'Hector Crémieux et Ludovic Halévy, musique de Caspers (Bouffes-Parisiens, 27 novembre).

— 1862 —

Une fin de bail, opérette en 1 acte, paroles de Ludovic Halévy et Hector Crémieux, musique de Varney (Bouffes-Parisiens, 29 janvier) ; les Marionnettes amoureuses, opérette en 1 acte de Doyen et Javelot (Champs-Elysées, 18 mai) ; les Deux Bouquets, opérette en 1 acte, musique de Maréchalle (Beaumarchais, 15 août) ; les Cornes de Clochenville, opérette-bouffe

en 2 actes de Louis Olona et Cressonnais fils (Bouffes du Nord, 8 octobre) ; Euréka, opérette en 1 acte de Bouvier et E. Jouffroy (Champs-Elysées, 6 novembre).

— 1863 —

La Veuve d'un vivant, opérette en 1 acte, paroles d'Alexis Bouvier, musique de Charles Domergue (Champs-Elysées, 7 février) ; la Chercheuse d'esprit, opéra-bouffe en 1 acte de Pages, d'après Favart, musique de Pilleveste (Vaudeville, 2 juin).

— 1864 —

En garde, opérette en 1 acte de Mme Lionel Ventejoul (Champs-Elysées. 15 février) ; les Deux Clarinettes, opérette en 1 acte, musique de Simiot (Bouffes-Parisiens, 9 mai) ; les Petits du premier, opérette en 1 acte de William Busnach, musique de E. Albert (Théâtre Saint-Germain, 3 décembre).

— 1865 —

Jupiter et Léda, opérette en 1 acte, paroles de J. Bertrand, musique de Suzanne Lagier (Bouffes-Parisiens, 29 janvier) ; Didon, opérette bouffe en 2 actes, paroles d'Adolphe Belot, musique de Blangini (Bouffes-Parisiens, 5 avril).

— 1866 —

Robinson Crusoé, opérette en 1 acte, paroles de Busnach, musique de Pilleveste (Fantaisies-Parisiennes, 21 février) ; la Sérénade interrompue, opérette en 1 acte, musique de J.-B. Weckerlin (Salle Hertz, 17 mars) ; Tabarin duelliste, opérette en 1 acte, paroles de Philippe Gille et Furpille, musique de L. Pillaud (Bouffes-Parisiens, 13 avril) ; le Fils d'Ulysse, opérette en 1 acte, paroles et musique d'Eugène Moniot (Délassements-Comiques, 5 mai) ; Il faut semer pour récolter, opérette en 1 acte, musique d'Anthiome (Fantaisies-Parisiennes, 6 mai) ; Bettina, opérette en 1 acte, paroles de Najac, musique de Léonce Cohen (Fantaisies-Parisiennes, 14 juin) ; Amoureux d'une valse, opérette en 1 acte, paroles et musique d'Eugène Moniot (Nouveautés, octobre).

— 1867 —

Une halte au moulin, opérette en 1 acte, musique de Mme Ugalde (Bouffes, 11 janvier) ; le Cabaret de Louison, opérette en 1 acte, paroles de Durafour, musique de Javelot (Délassements-Comiques, 2 février) ; le Grillon, opérette en 1 acte, musique de Marius Boullard (Nouveautés, 9 mars) ; l'Amour mannequin, opérette en 1 acte, paroles de Jules Ruelle, musique de Gallyot (Fantaisies-Parisiennes, 16 mars) ; Clodoche et Normande, opérette en 1 acte, paroles de Blondelet et Beaumaine, musique de Villebichot (Alcazar, 30 octobre) ; la Traite des maris, opérette en 1 acte de E. Abraham et H. Cartier (Athénée, 24 décembre) ; les Amoureux de Lucette, opérette en 1 acte, musique de Boissat (Beaumarchais).

— 1868 —

L'Amour mouillé, opérette en 1 acte, paroles de J. Barbier et Arthur de Beauplan, musique de Hartog (Fantaisies-Parisiennes, 30 mai) ; A la bretonne, opérette en 1 acte, paroles de Mme Lionel de Chabrillan, musique d'Oray (Folies-Marigny, 8 août) ; Mlle Marguerite, s. v. p., opérette en 1 acte, paroles de Francis Tourte et Adenis, musique de Lajarte (Bouffes-Saint-Antoine, 1er septembre) ; l'Arche Marion, opérette en 1 acte, paroles d'Alberic Second, musique d'Adolphe Nibelle (Bouffes-Parisiens, 30 septembre).

— 1869 —

Madeleine, opérette en 1 acte, paroles de Leterrier et Vanloo, musique d'Henri Potier (Bouffes-Parisiens, 16 janvier) ; l'Astronome du Pont-Neuf, opérette en 1 acte, paroles de Jules Moinaux, musique d'Emile Durand (Variétés, 18 février) ; la Veilleuse, opérette en 1 acte, musique de Loïsa Puget (Gymnase, 27 septembre) ; le Moulin ténébreux, opérette en 1 acte, paroles de Charles Narrey, musique d'Albert Vizentini (Bouffes-Parisiens, 28 octobre).

— 1870 —

Lucrèce, opéra-bouffe en 3 actes, paroles d'A. Lefebvre, musique de Ben Tayoux (Déjazet, 3 mars) ; le Secret de l'oncle Vincent, opérette en 1 acte, paroles de Boisseaux, musique de Lajarte (Athénée, 16 avril).

— 1871 —

A la bonne franquette, opérette en 1 acte, paroles de H. Houssot, musique de Paul Henrion (Nouveautés, 6 octobre) ; Gabrielle de Vergy, opérette en 1 acte, paroles de Blondeau et Monréal, musique de Demarquette (Folies-Marigny, 11 novembre).

— 1872 —

Les 400 femmes d'Ali Baba, opérette en 2 actes, paroles d'Elie Frebault, musique de Nibelle (Marigny, mars) ; la Bourse ou la Vie, opérette en 1 acte, musique de Francis Thomé (Salle Erard, mars) ; Un Garçon de cabinet, opérette en 1 acte, paroles de A. de Najac, musique de Talexy (Folies-Marigny, mai) ; Madame Turlupin, opérette en 2 actes, paroles de Cormon et Granvallet, musique de Guiraud (Athénée 23 novembre) ; Deux à deux, opérette en 1 acte, musique de Firmin Bernicat (Tertulia).

— 1873 —

Achante et Scyllis, opérette en 1 acte, musique de Emile Vois (Salle Duprez, février) ; Balayeurs et Balayeuses, opérette en 1 acte, paroles de Sigel et Bataille, musique de Paul Henrion (Eldorado, avril) ; l'Huissier mélomane, opérette en 1 acte, paroles de Francis Tourte, musique d'Albert Barlatier (Tertulia) ; la Guerre du diable, opérette en 1 acte, musique de Firmin Bernicat (Tertulia) ; la Leçon d'Amour, opérette en 1 acte, paroles de Liorat, musique de Wachs (Bouffes-Parisiens, 14 septembre).

Et maintenant que ce coup d'œil rapide, mais nécessaire, a embrassé l'opérette, depuis son origine, nous entreprenons, à présent, l'historique des cinquante dernières années de ce genre.

 

 

 

Henri Meilhac [à dr.] et Ludovic Halévy (dessin d'Henri Meilhac)

 

 

— 1874 —

01 janvier. — la Jolie Parfumeuse, opérette en 3 actes de Crémieux et Blum, musique de Jacques Offenbach (en représentation à la Renaissance depuis le 29 novembre 1873).

01 janvier. — les Poupées du diable, opérette en 1 acte de Sède, musique de Schmidt (Bouffes-Parisiens).

23 janvier. — la Branche cassée (1re), opérette en 3 actes de Jaime fils et Jules Noriac, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens).

30 janvier. — Une nuit à Venise, opérette en 1 acte de Bornier, musique de G. Rose (Folies-Bobino).

05 février. — Madame de Rabucor (1re), opérette en 1 acte de Jaime fils, musique de Mme de Sainte-Croix (Bouffes-Parisiens).

07 février. — Orphée aux Enfers (1re à ce théâtre), opéra-bouffe féerie en 4 actes et 12 tableaux de Crémieux, musique de Jacques Offenbach (Gaîté).

13 février. — Minuit (1re), opérette en 1 acte, paroles et musique de Eugène Moniot (Menus-Plaisirs).

07 mars. — le Bouton perdu (1re), opérette en 1 acte de Grangé et Bernard, musique de Talexy (Bouffes-Parisiens).

12 mars. — Paille d'Avoine (1re), opérette en 1 acte de A. Lemonnier et Jaime, musique de Robert Planquette (Délassements-Comiques).

31 mars. — les Parisiennes (1re), opéra bouffe en 4 actes de Jules Moinaux et Koning, musique de Léon Vasseur (Bouffes-Parisiens).

05 avril. — la Tour du Moulinet (1re), opérette en 1 acte de Paul Avenel, musique de Charles Hubam (Bouffes-Parisiens).

11 avril. — la Belle Bourbonnaise (1re), opérette en 3 actes de Dubreuil et Chabrillat, musique de Coedès (Folies-Dramatiques).

11 avril. — Madame Angot à Constantinople (1re), opérette en 3 actes de Séminily, musique de Valentin (Ambigu du Havre).

17 avril. — l'Adorable Bel-Boul (1re), opérette en 1 acte de Louis Gallet, musique de Massenet (Cercle des Mirlitons).

21 avril. — Un soir d'orage (1re), opérette en 1 acte de de Marthold, musique d'Olivier Métra (Folies-Bergère).

25 avril. — la Périchole (reprise avec un 3e acte inédit), opéra-bouffe en 3 actes d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach (Variétés).

27 avril. — Cent mille francs et ma fille (1re), opérette en 4 actes, musique de Jules Costé (Menus Plaisirs).

21 mai. — Bagatelle (1re), opérette en 1 acte d'Hector Crémieux, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

28 août. — Un heureux quiproquo (1re), opérette en 1 acte de Paul Max, musique de Fortin (Concert Européen).

3 septembre. — les Actrices pour rire, opérette bouffe en 3 actes de F. Savard et G. Numa, musique de Charles de Sivry et le Rhinocéros et son enfant, opérette bouffe en 1 acte de Saint-Fargeau, musique de Charles de Sivry (Délassements-Comiques).

10 septembre. — la Famille Trouillat (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Crémieux et Blum, musique de Léon Vasseur (Folies-Dramatiques)

10 octobre. — les Heures diaboliques (1re), opéra-bouffe en 5 actes de Léon et Frantz Beauvallet, musique d'Eugène Moniot (Déjazet).

17 octobre. — Chignon d'or (1re), opérette de Grangé et Tréfeu, musique d'Émile Jonas (Bruxelles, Fantaisies-Parisiennes).

22 octobre. — le Vicomte de Chrysocale (1re), opérette de de Dharme et G. Escudier, musique de Charles de Sivry (Délassements-Comiques).

22 octobre. — le Repassage de Vénus, vaudeville opérette en 1 acte de Montbard, musique de Robillard (Délassements-Comiques).

03 novembre. — Madame l'Archiduc (1re), opérette en 3 actes d'Albert Millaud, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

11 novembre. — Giroflé-Girofla (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

12 novembre. — Amour et cor de chasse (1re), opérette en 1 acte de Laroche, musique de F. Wachs (Concert des Porcherons).

14 novembre. — les Prés Saint-Gervais (1re), opérette en 3 actes de Victorien Sardou et Philippe Gille, musique de Charles Lecocq (Variétés).

29 novembre. — Charbonnier est maître chez lui (1re), opérette en 1 acte de Clairville et Busnach, musique de Clairville fils (Château d'Eau).

29 novembre. — Une pleine eau à Chatou (1re), opérette en 1 acte de Liorat, musique de Wachs (Folies-Bergères).

29 novembre. — Pendant la chasse, opérette en 1 acte de Paul Henrion (Alcazar).

08 décembre. — On demande une bonne qui boite, opérette en 1 acte de Tourte, musique de Sailly (La Tour d'Auvergne).

09 décembre. — l'Avocat noir, opérette en 1 acte de Faure et Fontaine, musique de Fougue (Alcazar).

27 décembre. — Un mariage en Chine, opérette en 1 acte de Clerc frères, musique de Léopold Dauphin (Bouffes-Parisiens).

27 décembre. — Tata chez Toto, opérette en 1 acte de Cram, musique de Wachs (Folies-Bergère).

 

Parmi les autres nouveautés, en janvier, représentation à Vienne de la Japonaise, opéra bouffe en 3 actes de Grangé et Victor Bernard, musique de Jonas ; et trois opérettes en 1 acte de Bernicat, représentées aux Folies-Bergère : Ah c't’ Indien, Par la fenêtre et Ali, Pot de rhum.

Le 1er janvier 1874, tandis que la Fille de madame Angot triomphait aux Folies-Dramatiques depuis 313 représentations, la Renaissance donnait la 40e de la Jolie Parfumeuse qu'Offenbach avait écrite non plus dans le ton de l'opéra-bouffe, mais dans celui de l'opérette. Le sujet d'ailleurs l'exigeait ainsi.

Le 4 septembre 1873, Hostein, directeur de la Renaissance avait monté Pomme d'Api, une opérette en 1 acte d'Halévy et Busnach, musique de Jacques Offenbach. Dans cet acte avait débuté avec un succès éclatant la divette Louise Théo qui, d'un sourire avait conquis Paris. Au lendemain de cette heureuse réussite, Offenbach s'adressant à ses collaborateurs Crémieux et Blum leur dit : « Je pense qu'à présent, Théo est mûre pour trois actes ». Crémieux et Blum avaient compris et sept semaines après, le temps d'écrire, de composer et de monter ces trois actes, la Jolie Parfumeuse était jouée. Rose Michon, la jolie parfumeuse, ce fut Louise Théo, entourée de Bavolet, Mme Grivot, Poirot et de l'amusant Daubray.

 

 

 

Daubray

 

 

La première œuvre nouvelle de l'année fut : la Branche cassée, de Serpette aux Bouffes. Cette opérette était la première du compositeur de tant d'œuvres charmantes. La Branche cassée avec Anna Judic qui était, alors, l'idole du public parisien, remporta un accueil des plus favorables pendant 37 représentations. Glissons sur Madame de Rabucor, pour arriver à la première d'Orphée aux Enfers à la Gaîté. Offenbach directeur de ce théâtre résolut de réaliser un projet qu'il avait depuis longtemps : transformer l'Orphée aux Enfers des Bouffes-Parisiens en un opéra féérie à grand spectacle. Les quatre décors de la création étaient augmentés : l'orchestre fut triplé, sans compter une musique militaire et la partition, ce qui seul nous occupe ici, considérablement développée. Bien entendu le compositeur respecta les airs de sa partition première, mais les nouveaux, tels que : le chœur du Conseil municipal de Thèbes, les couplets de l'opinion publique, la Valse des élèves d'Orphée, la Saltarelle de Mercure, l'air en prose de Pluton et les couplets de Cupidon, pour n'en citer que quelques-uns, furent écrits sans qu'on pût soupçonner qu'ils fussent récents. On racontait que pour cela, Offenbach s'en fut à Etretat et qu'il découvrit, dans une des armoires de sa villa Orphée, la robe de chambre et les pantoufles qu'il portait en 1858, lors du premier Orphée : « Ainsi, ajoutait-il j'ai retrouvé mon inspiration d'autrefois ». La distribution comprenait : Christian (Jupiter), Montauban (Pluton), Alexandre (le Roi de Béotie), Grivot (Mercure), Meyronnet (Orphée), Marie Cico (Eurydice), Elvire Gilbert (l'opinion publique), Matz Ferrare (Cupidon), Perret (Diane).

Le Bouton perdu, opérette espagnole de Talexy avec ses boléros et ses séguedilles, fut fort bien interprété par Mme Peschard ...il n'en reste, pour mémoire, qu'un très agréable solo de hautbois.

Le 31 mars les Bouffes représentèrent les Parisiennes de Jules Moinaux et Koning, musique de Léon Vasseur. Cette opérette qui réunissait pourtant une belle distribution avec Mmes Judic, Peschard, Berthe Legrand, Rose-Marie et M. Edouard Georges ne connut pas la réussite de la Timbale d'Argent du même compositeur.

La Belle Bourbonnaise, l'opérette de Coedès eut cette particularité : c'est qu'elle remplaça, le 11 avril, sur l'affiche des Folies-Dramatiques l'inépuisable succès de la Fille de Madame Angot qui interrompait passagèrement sa carrière après quatre cent onze représentations : à la dernière la salle était comble et la recette dépassait 3.600 francs, ce qui, alors, au prix des places, était une recette magnifique !... Cantin, le directeur était quelque peu inquiet : « Pourvu, disait-il en riant, que mes chœurs ne se trompent pas et que, par habitude, ils ne se mettent pas à chanter le chœur des conspirateurs au lieu d'un air de Coedès ». On raconte même que le jour de la dernière représentation de la Fille de Madame Angot, les auteurs de la Belle Bourbonnaise ayant vu tant de monde au bureau de location pour cette « dernière » avaient manœuvré en sorte que Cantin ignorât l'empressement du public... « sans cela, ajoutaient-ils, il serait capable de nous remettre... »

Le 17 avril eut lieu un événement sensationnel : Massenet faisait représenter sa première et unique opérette au Cercle des Mirlitons : il s'agit de l'Adorable Bel-Boul, un acte de Louis Gallet. Les interprètes étaient deux amateurs du cercle et trois artistes, mesdames Dartaux, Wertheimber et une débutante, la « petite Granier ». Cette débutante a fait son chemin depuis... il s'agit en effet de Mme Jeanne Granier à qui, treize ans plus tard, Massenet pensa pour reprendre Manon à l'Opéra-Comique.

Si nous signalons ici la reprise que les Variétés firent, de la Périchole, le 25 avril, c'est que l'opéra-bouffe de Jacques Offenbach joué jusqu'alors en 2 actes, s'enrichit, ce soir là, d'un troisième acte.

Bagatelle, opérette en 1 acte de Crémieux, Blum et Offenbach, fut représentée pour la première fois le 21 mai aux Bouffes. Vers la fin avril les auteurs avaient terminé leur livret, mais le compositeur n'avait pas écrit une note de sa partition. « Il l'écrira pendant les répétitions », pensait-on ; une crise de goutte l'obligea à garder le lit : néanmoins, malgré d'intolérables douleurs, il travailla, puis s'interrompit complètement. A force de volonté il acheva son orchestration et la répétition générale eut lieu... chez lui. Judic, adorable Bagatelle remporta un de ses plus grands succès dans le Rondo de l'amitié, le duo de la pincette avec Madame Grivot, le nocturne et le trio, enfin les couplets de Javotte.

La saison théâtrale débuta, en septembre, par une importante première : la Famille Trouillat, opérette de Léon Vasseur, aux Folies-Dramatiques. Et cette première faisait prime. Elle offrait, en outre, un fort attrait d'interprétation : à côté de Vauthier, alors dans tout son éclat, on avait engagé Paulin Menier, le Choppart du Courrier de Lyon et Thérésa. Rarement salle fut mieux disposée... avant le lever du rideau. La pièce, qui se passe en 1820, était une amusante reconstitution des modes de l'époque ; cependant la partition, pleine de réminiscences, ne contribua pas à la réussite de l'ouvrage.

 

 

 

Anna Judic dans Madame l'Archiduc

 

 

31 octobre : Madame l'Archiduc aux Bouffes-Parisiens.

« Dans la profusion des morceaux courts ou développés dont se compose la nouvelle partition de M. Offenbach, écrivit le lendemain un critique, on a fait bisser tant de couplets que je n'en sais plus le nombre ». En effet, le premier acte fut joué presque deux fois. Et quelle distribution : Judic, Madame l'Archiduc, faisait sa rentrée passage Choiseul, Grivot, le travesti du Petit Capitaine, Daubray, l'archiduc original, puis Fugère, Scipion, Grivot.

Deux semaines plus tard, en deux jours Lecocq fit représenter deux opérettes nouvelles : Giroflé-Girofla, à la Renaissance et les Prés Saint-Gervais aux Variétés. Ce fut d'ailleurs entre les deux théâtres une course à qui arriverait le premier !

La lutte devint épique : finalement Giroflé-Girofla fit son apparition le 12 novembre devant les Parisiens charmés et ravis. Comme la Fille Angot, Giroflé-Girofla fut donnée à Bruxelles avant Paris. De sorte que la première, à la Renaissance était en réalité la 222e, si l'on compte cent quatre-vingt-sept représentations à Bruxelles et trente-quatre au Philharmonic théâtre de Londres. On pense combien la nouvelle œuvre du compositeur de la « Fille », était attendue ! Si la partition qui ne comporte pas moins de trente morceaux ne devint pas aussi célèbre et aussi populaire que celle de la Fille, elle n'en remporta pas moins un succès éclatant, à cause de sa grâce, son charme, sa séduction et son deuxième acte, plein de gaîté et d'entrain.

 

 

 

Giroflé-Girofla (lithographie de Détis)

 

 

Un des gros attraits de cette création fut le début de Mme Jeanne Granier. La grande comédienne que l'on applaudit tant aujourd'hui, avait remplacé une vingtaine de fois Théo dans la Jolie Parfumeuse ; ses incomparables qualités, sa voix délicieuse, sa diction impeccable, enfin son esprit et sa sensibilité bien connues avaient, dès le premier jour retenu l'attention. Au lendemain de Giroflé-Girofla, Mme Jeanne Granier était illustre... et lancée !

Mais un jour après cette première, les Variétés annonçaient pour le lendemain les Prés Saint-Gervais de Sardou et Philippe Gille. Sardou très méticuleux réclamait une répétition supplémentaire. Lecocq ne croyait pas qu'il fût possible de passer et il ne prenait pas au sérieux la date arrêtée par Bertrand. Il le croyait si peu que, fatigué, la veille, Lecocq s'était couché de bonne heure lorsqu'on sonna brusquement à sa porte, « Vous savez, dit cet ami qui sortait de la répétition, on joue demain..., levez-vous vite et faites votre ouverture ». — « Jamais de la vie », répliqua Lecocq ; mais l'ami lui parla raison, Lecocq se leva, s'habilla, fit rallumer son feu et gagna sa table de travail. Toute la nuit, en buvant du café, il écrivit et orchestra, et, à l'aurore, il terminait son ouverture. Cependant, malgré ses indiscutables qualités, on s'accorda à trouver que la partition de Lecocq était moins heureusement venue que les autres : Christian, Berthelier, Mmes Paola Marié et Aline Duval en furent les créateurs.

Et le soir de la première, Lecocq resta tranquillement dans son petit appartement de la rue Rossini là, en pantoufles et en robe de chambre, il fit un bézigue en famille...

 

 

 

Paola Marié [à gauche] et Blanche d'Antigny

 

 

— 1875 —

27 janvier. — la Blanchisseuse de Berg-op-Zoom (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Léon Vasseur (Folies-Dramatiques).

06 février. — la Belle Lina (1re), opérette en 3 actes de Paul Avenel et Paul Mahalin, musique de Charles Hubans (Athénée).

18 février. — le Dada (1re), opérette en 3 actes, musique de Costé (Variétés).

25 février. — Geneviève de Brabant, opéra bouffe, de Jacques Offenbach (Gaîté).

28 février. — Pygmalion (1re), opérette en 1 acte de Eugène Hulot, musique de Mme de Sainte-Croix (Déjazet).

11 mars. — Clair de Lune (1re), opérette en 3 actes de Dubreuil et Bocage, musique de Coedès (Folies-Dramatiques).

20 mars. — les Diamants de Florinette (1re), opérette en 1 acte d'Ordonneau, musique de Desormes (Pépinière).

27 mars. — Une ruse sous Louis XV (1re), opérette en 1 acte de Corbié, musique de Clairville fils (Folies-Bobino).

27 mars. — les Œufs de Pâques, opérette en 1 acte de Jouhaud (Folies-Bobino).

28 mars. — Trois grands prix (1re), opérette en 1 acte de Le Senne et Delilia, musique de Bernicat (Théâtre Taitbout).

22 avril. — Alice de Nevers (1re), opéra-bouffe en 3 actes d'Hervé, (Folies Dramatiques).

22 avril. — les Mules de Suzette (1re), opérette en 1 acte de François Tourte, musique de G. Douay (Bouffes-Parisiens).

23 avril. — l'Homme est un singe perfectionné, opérette en 1 acte de Géraldy (Folies-Bergère).

24 avril. — Avant la retraite (1re), opérette en 1 acte, musique de Léon Roques (Eldorado).

10 mai. — Un casque en tête, opérette en 1 acte de Corbré et Muller (Folies-Bobino).

26 mai. — l'Emballage d'Arthur (1re), opérette en 1 acte, musique de Patusset (Déjazet).

28 mai. — le Manoir du Pic Tordu (1re), opérette en 3 actes de Crémieux et Saint Albin, musique de Serpette (Variétés).

05 juin. — Double Six, opérette en 1 acte de S. Mille (Folies-Bobino).

29 juin. — Oh ! c' paladin ! (1re), opérette en 1 acte, musique de G. Douay (Folies-Marigny).

17 juillet. — Madame le docteur (1re), opérette en 1 acte, musique de Wachs (Eldorado).

11 septembre. — les Deux Choristes (1re), opérette en 1 acte, musique de Frédéric Barbier (Eldorado).

19 octobre. — la Boulangère a des écus, opéra-bouffe en 3 actes de Meilhac et Halévy, musique de Jacques Offenbach (Variétés).

23 octobre. — la Filleule du Roi (1re), opérette en 3 actes de Cormon et Deslandes, musique de Vogel (Renaissance, 11 représentations).

26 octobre. — le Voyage dans la lune (1re), opérette féérie en 4 actes de Leterrier, Vanloo et Mortier, musique de Jacques Offenbach (Gaîté).

27 octobre. — la Cruche cassée (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Jules Noriac et Jules Moinaux, musique de Léon Vasseur (Théâtre Taitbout).

30 octobre. — le Secret de Rose, opérette en 1 acte de E. Durafour, musique de Talexy (Pépinière).

03 novembre. — la Créole (1re), opéra-bouffe en 3 actes d'Albert Millaud, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

10 novembre. — le Pompon (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Charles Lecocq (Folies-Dramatiques).

14 décembre. — Tarte à la crème (1re), opérette en 1 acte d'Albert Millaud, musique de Lange [J. Offenbach] (Bouffes-Parisiens).

21 décembre. — la Petite Mariée (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

30 décembre. — la Belle Poule (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Crémieux et Saint Aubin, musique d'Hervé (Folies-Dramatiques).

 

 

 

la Blanchisseuse de Berg-op-Zoom (lithographie de Lamy)

 

 

Après la Timbale d'Argent et la Famille Trouillat, M. Léon Vasseur donna la Blanchisseuse de Berg-op-Zoom, le 27 janvier aux Folies-Dramatiques. Cette opérette créée par Mmes Van Ghell, Tassily et Luco, Milher, Vavasseur et Mario Widmer, n'a laissé qu'un souvenir lointain.

Mentionnons la Belle Lina qui jouée par Noël Martin, Mlles Sichel et Girard, ne fit qu'une courte carrière à l'Athénée.

La magnifique réussite d'Orphée aux Enfers transformé pour la Gaîté, ayant donné à Jacques Offenbach le désir d'opérer le même agrandissement pour Geneviève de Brabant, Crémieux et Trefeu se mirent à l'ouvrage. Ils créèrent un personnage nouveau que l'on confia à Thérésa, ils développèrent l'intrigue initiale l'entourant de défilés, de cortèges et de ballets. Le compositeur écrivit dix-huit morceaux nouveaux et trois grands divertissements. Les quatorze tableaux furent accueillis avec enthousiasme, cependant le succès ne vint pas récompenser cet important effort. C'est d'ailleurs après cette infructueuse reprise que Jacques Offenbach abandonna la direction de la Gaîté.

Le mois de mars ne révéla aucune première sensationnelle ; à signaler un seul événement important dans le courant d'avril : une œuvre nouvelle d'Hervé. Il s'agit d'Alice de Nevers. Le compositeur qui avait déjà interprété Chilpéric créa également cet opéra bouffe avec Desclauzas et Mme Perrier. Cette fantaisie parut assez incohérente : la censure avait déjà émondé le texte, la pièce n'en restait pas moins abracadabrante avec ses anachronismes effarants qui faisaient voisiner Jean Goujon avec Molière et Molière avec Charles IX. La partition, dont un seul morceau demeura, les couplets de la « belle cousine », ne réussit pas à sauver Alice de Nevers qui obtint 21 représentations.

Le 28 mai, les Variétés donnèrent la première de le Manoir de Pic Tordu de Gaston Serpette.

Une jolie valse à la fin du premier acte reste, principalement, de cette partition pleine de qualités : le Manoir de Pic Tordu n'eut que 14 représentations. Pradeau, Berthelier, Léonce en furent les principaux interprètes avec Mmes A. Duval et Berthe Legrand (Esbroufette). Le rôle joué par cette dernière devait être créé par Mme Priston qui tomba malade le jour même de la première. Berthe Legrand passa au théâtre pour demander à Bertrand s'il n'aurait pas un « petit coin » pour elle... « Comment donc, répliqua le directeur des Variétés, ...mais un grand ! » Elle sut que sa camarade souffrante ne pouvait jouer, et qu'on allait faire relâche, aussi accepta-t-elle d'apprendre le rôle dans la journée et elle joua le soir même...

Le début de l'année théâtrale vit un nouvel opéra bouffe de Meilhac, Halévy et Jacques Offenbach, aux Variétés, la Boulangère a des écus. Depuis les Brigands, la « trinité » n'avait pas été réunie. « Vois-tu, mon cher Meilhac, disait un soir de 1874, Jacques Offenbach, la reprise récente de la Périchole est ta condamnation. Tu as beau faire des petits chefs-d’œuvre comme les Sonnettes et la Petite Marquise, c'est la Belle Hélène, la Grande-Duchesse et la Vie Parisienne qui rapporteront encore des droits à tes petits enfants si tu en as jamais. Crois-moi, on aura déjà oublié Frou-Frou quand on parlera encore de la Périchole ». Et, ajoute Arnold Mortier qui rapporte cette déclaration, quelques jours après il fut question, aux Variétés, de la Boulangère. La partition est pleine de pages ravissantes et d'une irrésistible gaîté. Cependant, malgré tant de fantaisie, la pièce manquait quelque peu d'équilibre : elle n'eut qu'une cinquantaine de représentations. Et pourtant, les créateurs s'appelaient Dupuis, Pradeau, Berthelier, Baron. Hortense Schneider devait faire partie de la distribution, mais elle refusa le rôle qui fut donné à Aimée. Paola Marié interprétait l'autre personnage féminin. A ce propos, on racontait que cette artiste ordinairement insupportable pendant les répétitions, avait fait preuve, cette fois, d'une docilité si grande qu'Offenbach dit un jour à Bertrand : « Mais cher ami, êtes-vous bien sûr d'avoir engagé la vraie Paola Marié ? »

 

 

 

Christian, Léonce, Habay, Grivot et Zulma Bouffar dans le Voyage dans la Lune

 

 

Quatre actes et vingt-trois tableaux, ainsi se présenta le Voyage dans la Lune. Pièce à grand spectacle, comme on pense, pour laquelle Offenbach écrivit une très importante partition. Elle ne compte cependant pas parmi les plus réussies : on y trouve tout de même des motifs ravissants, tels que les couplets du prince Caprice, le chœur des artilleurs, le duo de la Pomme, l'ensemble de la neige, enfin, et surtout, le boniment des charlatans qu'on ne se lassait pas de faire reprendre à Zulma Bouffar et à Christian, qui, avec Léonce et Habay, Laurent, Grivot et Tissier furent les interprètes de cette amusante et luxueuse féerie reprise depuis avec éclat à la Gaîté.

 

 

 

une scène du Voyage dans la Lune

 

 

La Cruche cassée n'est certainement pas parmi les meilleurs ouvrages de Léon Vasseur. Le livret n'est qu'un commentaire très détaillé de la célèbre toile de Greuze : rien n'est resté de cette opérette qu'une chanson espagnole.

En deux mois Offenbach donna trois opérettes : la troisième fut la Créole représentée le 3 novembre aux Bouffes-Parisiens. La Créole, malgré une distribution remarquable qui comprenait Judic, Van Ghell, Cooper et Daubray n'atteignit pas sa centième à Paris ; à Vienne, une dizaine de couplets furent bissés et ce fut un éclatant succès.

Après la Fille de Madame Angot et Giroflé-Girofla, la nouvelle partition de Lecocq était fort attendue : c'est le 10 décembre qu'aux Folies-Dramatiques il fit jouer le Pompon, 3 actes de Chivot et Duru, qui avaient été les librettistes de ses deux premiers succès, Fleur de Thé et les Cent Vierges.

Bien que les Prés Saint-Gervais n'aient pas connu l'heureuse réussite aux Variétés, la carrière du Pompon fut moins brillante encore : l'opérette nouvelle n'obtint pas plus de quatorze représentations. Mais la Petite Mariée allait connaître un véritable succès (21 décembre) à la Renaissance. « Partition aimable et agréable », a dit un critique de l'époque.

 

 

 

la Petite Mariée (lithographie de Barbizet)

 

 

Cependant la grâce et l'agrément de cette partition, chantée à ravir par Mme Jeanne Granier, Alphonsine et Vauthier, Dailly et Puget, ont mis la Petite Mariée en bonne place parmi les œuvres réunies du répertoire. On raconte, à ce sujet, qu'Alphonsine qui débutait dans l'opérette, ravie de son rôle, rentra le soir chez elle et travailla à sa façon une valse qu'elle interprétait langoureusement. Le lendemain à la répétition, elle détailla cette valse de mélancolie et sentiment. « Qu'est-ce que vous chantez-là ?, s'écria Lecocq... » Mais votre valse... ! « Çà ! ma valse à deux temps ! jamais, elle est à trois temps, ma valse, comme toutes les valses... » C'était une valse bouffe !...

 

 

 

Thérésa dans la Petite Mariée par Barbizet

 

 

Un des gros attraits de la Belle Poule, l'opéra-bouffe d'Hervé que les Folies-Dramatiques représentèrent le 30 décembre, fut la présence d'Hortense Schneider. Brouillée avec les Variétés depuis la Boulangère, Schneider avait accepté cette création par laquelle elle comptait prendre une éclatante revanche.

La diva était alors dans toute sa gloire. Capricieuse et très gâtée, elle se montra d'une exigence infinie vis-à-vis de son nouveau directeur. Elle voulut sa loge sur la scène, et prit d'autorité, le cabinet directorial... on fit venir cinquante pièces d'étoffe pour choisir un certain velours cardinal qu'elle désirait pour un costume ; aucune ne lui plut. La semaine suivante, cinquante nouvelles autres pièces de velours étaient apportées au théâtre. Rien ne convenait encore.

« Mais enfin, s'écria le directeur, qu'est-ce que c'est au juste que votre velours cardinal.

« C'est du velours rouge, du velours couleur de vin de Bordeaux...

« Du vin de Bordeaux répliqua Cantin spirituellement ! de quelle année ?... »

Enfin au bout de six semaines de répétition, la Belle Poule fut prête. La partition parut inégale ; les principales pages en sont : l'ouverture, le quatuor de la chasse, la romance de Poulet, les couplets du dragon du Roi, enfin, une polonaise chantée en patois bordelais par Schneider qui alla aux nues ; les autres interprètes furent Milher, Simon Max, Mlles Toudouze et Prelly.

 

— 1876 —

23 janvier. — la Chasse aux Rivaux (1re), opérette en 1 acte de Francis Tourte, musique du marquis Jules d'Aoust (Salle Hertz).

18 février. — le Dada, opérette en 3 actes de San Divet, musique de Costé (Variétés).

24 février. — Fleur de Baiser (1re), opérette en 3 actes d'Alexandre, musique de Coedès (Folies-Dramatiques).

01 avril. — le Mariage d'une étoile (1re), opérette en 1 acte de E. Grangé et V. Bernard, musique de Legouix (Bouffes-Parisiens).

03 avril. — le Roi d'Yvetot (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Chabrillat et Emery, musique de Léon Vasseur (Théâtre Taitbout).

12 avril. — le Moulin du Vert Galant (1re), opérette en 3 actes de V. Bernard et E. Grangé, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens)

06 mai. — la Dompteuse de Chatou, opérette en 1 acte de Delilia et Le Jeune, musique de Ben Tayoux (Fantaisies-Parisiennes).

15 juin. — le Troubadour Jonquille, opérette en 1 acte de Blondeau et Montréal, musique de Demarquette (Folies-Marigny).

01 juillet. — Pierrot ténor, opérette en 1 acte de Langlé et Ruelle, musique de Th. de Lajarte (Enghien).

02 septembre. — Estelle et Nemorin (1re), opéra-bouffe en 1 acte de de Jallais et Gardel, musique d'Hervé (Menus-Plaisirs).

13 octobre. — Pierrette et Jacquot (1re), opérette en 1 acte de Gille et Noriac, musique d'Offenbach (Bouffes-Parisiens).

18 octobre. — Kosiki (1re), opérette en 3 actes de Busnach et Liorat, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

27 octobre. — Jeanne, Jeannette et Jeanneton, opérette en 3 actes de Delacour et Clairville, musique de Lacôme (Folies-Dramatiques).

31 octobre. — Jeanne, Jeannette et Jeanneton, opérette en 1 acte de Emile Abraham et Marc Constantin, musique de J. Nargeot (Folies-Marigny).

03 novembre. — la Boîte au lait (1re), opérette en 4 actes de Grangé et Noriac, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

La Confession de Rosette et On demande une femme de chambre, opérettes en 1 acte de R. Planquette.

 

Les Variétés affichèrent pour la première fois, le 18 février, le Dada, 3 actes de Gondinet, musique de Costé : les avant-premières de l'époque, sous la signature du « Monsieur de l'orchestre » racontent que depuis un an, Costé ne s'occupait plus que du Dada. Il y travaillait sans cesse : huit jours avant la première, le compositeur des Horreurs de la Guerre, n'était plus que l'ombre de lui-même. Parmi les interprètes, Léonce, A. Pradeau, Baron, Mmes Aline Duval, Berthe Legrand, Angèle et surtout miss Kate Vaugham une jeune et charmante anglaise qui fit en un soir la conquête de Paris.

Fleur de Baiser de Coedès n'offre rien de particulier : la musique en parut accorte et légère ; elle ne laissa d'autres souvenirs qu'un chœur de pensionnaires et certains couplets de Fleur de Baiser. Coedès, comme on le sait était souffleur de musique à l'Opéra. Après la Belle Bourbonnaise, il donna sa démission pour se consacrer plus complètement à la composition. Il resta cependant comme chef de chant au Théâtre-Lyrique et le jour même de sa première il faisait répéter le Dimitri de Victorien de Joncières. On raconte même que ce compositeur frémissait en entendant Coedès glisser des ritournelles badines dans sa musique grave. Parmi les interprètes, citons Simon Max, Michu et une charmante débutante de seize ans et demi, Mademoiselle Jane May. Malgré un « trac » horrible la délicieuse actrice eut beaucoup de succès.

Comme la Fille Angot et Giroflé, le Roi d'Yvetot fut représenté en 1873 à Bruxelles, sur la même scène. Malheureusement l'opéra-bouffe que le Théâtre Taitbout représenta le 3 avril ne connut pas les mêmes heureuses fortunes. L'ouvrage de Léon Vasseur ne réussit pas.

Le Moulin du Vert Galant, 12 avril (Bouffes-Parisiens), partition copieuse et considérable de Gaston Serpette fut particulièrement bien accueilli. La critique s'accorda à reconnaître les qualités de ce compositeur, grand Prix de Rome, qui, dans la musique légère réussissait et avait la faveur du public. Daubray, Fugère et Scipion avec Mme Théo et Paola Marié en furent les créateurs. Ajoutons cependant que le rôle de Paola Marié devait être joué par Mme Luce. Mais le jour même de la première, cette artiste perdit sa mère. Comte, directeur des Bouffes-Parisiens fit appel à Paola Marié qui accepta la bonne grâce. Même aventure était arrivée, on s'en souvient à Serpette lors du Manoir de Pic Tordu aux Variétés où Berthe Legrand avait doublé au pied levé et dans la journée Mme Priston malade. Lorsque Serpette apprit la chose : « J'y suis habitué », dit-il simplement. Cependant en arrivant à six heures au théâtre pour faire répéter son interprète il s'aperçut que le copiste lui avait donné le rôle de Théo. Serpette se mit alors à copier lui-même... et comme au théâtre tout s'arrange toujours, la représentation marcha sans la moindre anicroche.

Mentionnons une reprise de la Boulangère a des écus, aux Variétés le 27 avril. Une Boulangère remaniée, allégée, comportant des airs nouveaux et une autre distribution. Paola Marié reprenait son rôle mais Thérésa succédait à Aimée, la Boulangère. Offenbach avait complètement refait la fin du deuxième acte ce qui permit au public d'acclamer Thérésa avec une fureur qui lui fit recommencer trois fois la Marseillaise des femmes. La troisième fois, la salle entière chantait avec Thérésa.

Le 2 septembre, les Menus-Plaisirs qui avaient fermé leurs portes, les ouvrirent sous le titre de l'Opéra-Bouffe. Et on y donnait une œuvre d'Hervé : Estelle et Némorin. Depuis longtemps d'ailleurs, les habitués du café de la gare d'Asnières, connaissaient la nouvelle partition d'Hervé. En effet, chaque soir, le compositeur du Petit Faust se mettait au piano placé à côté du comptoir de la caissière et il chantait régulièrement les couplets d'Estelle à Némorin et ceux de Némorin à Estelle.

Malgré l'agrément incontestable de la partition qu'Hervé avait écrite sur un livret que de Jallais et le fils du compositeur Gardel-Hervé avaient tiré de l'idylle de Florian, la pièce ne dépassa pas cinquante représentations. Les interprètes étaient Mme Matz-Ferrare, le ténor Audran, père du compositeur de la Mascotte, enfin Gabel. Mais Hervé prit vite sa revanche : une éclatante reprise de Chilpéric succéda à Estelle et Némorin tandis que le Petit Faust revenant aux Folies-Dramatiques fit dire, le soir de la reprise, à Cantin, après le succès complet de la pièce : « Enfin je puis donc reprendre autre chose que la Fille de Madame Angot ! »

Après une magnifique reprise de la Belle Hélène avec Judic aux Variétés, Offenbach qui venait de passer quatre mois en Amérique, donna aux Bouffes, un petit acte : Pierrette et Jacquot, le 13 octobre. C'est une opérette fort agréable qui contient, entre autres, trois numéros fort réussis : un duo, une chanson savoyarde et le quatuor du souper. Les interprètes en furent Daubray et deux jeunes filles découvertes par Offenbach, Mlles Cécile et Esther Grégoire et qu'il engagea au nom de son gendre Charles Comte entre deux trains à Strasbourg.

Lecocq qui, lui aussi ne s'était contenté jusque-là que de ses succès en cours de représentations, parut de nouveau sur l'affiche de la Renaissance le 18 octobre avec Kosiki. L'Extrême-Orient a porté bonheur au compositeur ; après Fleur de Thé qui était chinoise, Kosiki est japonais. Bien des morceaux sont à citer dans cette opérette, d'une qualité de grâce et de charme très personnels : le chœur des yacounines ; les ravissants couplets de la poupée ; le chœur à l'unisson des demoiselles d'honneur et les couplets du jongleur, un trio-bouffe, le rondo de la lettre, etc.

 

 

 

Conchita Gélabert

 

 

Le 27 octobre, les Folies-Dramatiques donnaient pour la première fois une opérette en 3 actes de Lacôme : Jeanne, Jeannette et Jeanneton ; le 31 les Folies-Marigny affichaient une autre Jeanne, Jeannette et Jeanneton, opérette en 1 acte de J. Nargeot : nous ne retiendrons que la première. Le livret de Clairville et Delacour subit, dit-on, un sort bien tourmenté. Huit compositeurs l'ont eu entre les mains. Offenbach fut le premier, la pièce lui plut, mais non les trois rôles de femmes, il voulait — car il voyait grand — trois étoiles : Judic, Théo et Jeanne Granier. Le projet en resta là. Un autre, également connu, se récusa. Alors le directeur des Folies eut l'idée de tenter une épreuve : il remit le premier acte — au concours — à plusieurs musiciens. Devant l'insuccès de cet essai, Cantin s'adressa à Lacôme qui avait donné en 1873 à l'Athénée, une opérette charmante : la Dot mal placée ; il lui demanda de choisir trois morceaux, de les écrire et de le prévenir quand il aurait terminé. Six jours après Lacôme avait écrit deux actes : « Pendant que j'y étais, dit-il... mais cela ne vous engage à rien... » On devine le reste... Arnold Mortier qui nous donne ces amusants détails, nous apprend également que le rôle de Jeanne fut distribué à Mme Prelly ; celui de Jeannette à Mme Stuart ; celui de Jeanneton à Mlle Gélabert, une jeune artiste qui, au dernier concours du Conservatoire avait si joliment chanté l'air des Bijoux de Faust que le public lui décerna le premier prix alors que le jury ne lui avait accordé qu'un premier accessit. Le soir même Cantin, prévoyant, était chez elle : « Faites de l'opérette, lui dit-il, je vous engage ». Le lendemain Mme Gélabert signait avec les Folies-Dramatiques. Le 3 novembre, enfin, les Bouffes-Parisiens représentaient la Boîte au lait, opérette de Jacques Offenbach d'après un vaudeville de Grangé et Noriac qui avait obtenu plus de cent cinquante représentations aux Variétés. Cependant l'opérette fut loin de connaître le succès du vaudeville. Malgré une amusante reconstitution de 1820, malgré des interprètes éprouvés tels que Théo, Paola Marié, Luigini, Blanche Miroir, et Daubray, et Fugère et Colombey, malgré la partition qui renferme des morceaux charmants, l'œuvre ne connut pas une longue carrière.

 

 

 

 

les Cloches de Corneville (lithographie de Donjean)

 

 

— 1877 —

06 janvier. — les Trois Margot (1re), opérette en 3 actes de Bocage et Chabrillat, musique de Ch. Grisart (Bouffes-Parisiens).

26 janvier. — le Docteur Ox (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Jules Verne, Philippe Gille et Arnold Nortier, musique de J. Offenbach (Variétés).

03 février. — la Marjolaine (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Leterrier, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

10 février. — la Foire Saint-Laurent (1re), opéra-bouffe en 3 actes d'Hector Crémieux et de Saint Albin, musique de Jacques Offenbach (Folies-Dramatiques).

28 février. — l'Education d'Achille, bouffonnerie musicale, musique de Coedès (Cercle artistique et littéraire).

17 mars. — Tyrolienne et Clarinette, opérette en 1 acte, musique de Georges Rose (Délassements-Comiques).

23 mars. — De bonne guerre, opérette en 1 acte, musique de Georges Rose (Délassements-Comiques).

24 mars. — la Sorrentine (1re), opérette en 3 actes de Jules Moinaux et Jules Noriac, musique de Léon Vasseur (Bouffes-Parisiens).

24 mars. — Deux Panthères, opérette en 1 acte, musique de Lagoanère (Bouffes du Nord).

04 avril. — les Charbonniers (1re), opérette en 1 acte de Philippe Gille, musique de Costé (Variétés).

19 avril. — les Cloches de Corneville (1re), opérette en 3 actes de Clairville et Gabet, musique de Robert Planquette (Folies-Dramatiques).

01 mai. — l'Ascenseur, opérette en 1 acte, paroles et musique de Raymond Cartier (Bouffes-Parisiens).

02 mai. — l'Oppoponax, opérette en 1 acte de Busnach et Nuitter, musique de Léon Vasseur (Bouffes-Parisiens).

12 mai. — Un gilet de flanelle, opérette en 1 acte, musique de Pourny (Eldorado).

08 août. — le Trompette de Chamboran, opérette en 1 acte de J. Adenis et de Leuvau, musique de Deffès (Casino de Dieppe).

01 septembre. — Chanteur par amour, opérette en 1 acte de Vibert et Toché, musique de P. Henrion (Variétés).

04 octobre. — la Petite Muette (1re), opérette en 3 actes de Ferrier, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens).

13 octobre. — Paille d'Avoine, opérette en 1 acte, musique de Robert Planquette (Théâtre de la Porte Saint-Denis).

13 octobre. — Kiss me quick, opérette en 1 acte, musique de Lagoanère (Porte Saint-Denis).

27 octobre. — l'Explosion, opérette en 1 acte, musique de Douay (Bouffes-Parisiens)

28 novembre. — l'Etoile (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique d'Emmanuel Chabrier (Bouffes-Parisiens).

13 décembre. — A qui la trompe, opérette en 1 acte, musique de Raoul Pugno (Asnières).

Citons encore, A l'américaine, opérette en 1 acte, musique de Francis Chassaigne (Eldorado) ; Bataille de Bossus, opérette en 1 acte de Péricaud et Delormes, musique de Charles Malo (Eldorado) ; le Diable blanc, opérette en 1 acte de Martyns (Scala).

 

 

 

Robert Planquette

 

fac-similé d'un autographe de Robert Planquette sur les Cloches de Corneville

 

 

L'année 1877 est, avant tout, l'année des Cloches de Corneville et celle de l'Etoile ; la première œuvre — en date — est restée parmi les plus populaires du répertoire, l'autre, d'une qualité musicale exceptionnelle, d'une verve stimulante marquant la personnalité d'Emmanuel Chabrier demeure parmi les chefs-d’œuvre de la musique bouffe française.

L'année avait débuté le 6 janvier par les Trois Margot de Grisart aux Bouffes ; après Jeanne, Jeannette et Jeanneton, les Trois Margot s'imposaient. Il n'y a d'ailleurs aucun rapport entre ces deux opérettes, si ce n'est dans le titre : la première se déroulait sous Louis XV, la seconde se passe en plein moyen âge. La musique agréable et bien écrite, fut jugée cependant comme étant sans grande originalité, mais remarquablement interprétée, elle fut applaudie. Parmi les interprètes, citons Mme Peschard qui faisait sa rentrée aux Bouffes. Elle eut les honneurs de la soirée et chanta trois fois la chanson à boire. A propos de Mme Peschard, sa superstition était bien connue. Elle réclama, exigea certaines conditions bien particulières. Elle voulut que le praticable d'où elle descend, au premier acte fût celui de la Timbale d'Argent, un de ses grands succès. Elle voulut que le numéro de sa loge fût favorable, c'est-à-dire impair ; ayant, enfin une prédilection pour le mardi, elle exigea que la pièce passerait ce jour-là. Pendant une répétition on la vit fort occupée, elle cherchait et espérait trouver trois clous sur la scène. Le lendemain un de ses auteurs en sema trois... qu'elle ramassa avec émotion, mais quelques pas plus loin, son compositeur en ayant déposé également trois, Peschard jugea que la pièce n'irait pas loin... Elle fit cinquante représentations.

Le Docteur Ox, un des plus jolis ouvrages qu'on ait montés aux Variétés, pièce gaie, adroite et amusante de Philippe Gille et Arnold Mortier (d'après Jules Verne), partition de Jacques Offenbach qui, sans être une des meilleures du compositeur, contient une fantaisie primesautière, et des pages charmantes, mise en scène exceptionnelle et distribution « de vedettes » le Docteur ne réussit pas : sa carrière fut de courte durée. Les créateurs s'appelaient Dupuis, Pradeau, Léonce, Baron, Cooper, Dailly, Guyon, Bac, Hamburger, Germain et à côté de Judic, Aline Duval, Angèle et Beaumaine (42 représentations).

Après Giroflé-Girofla et la Petite Mariée, la trinité Leterrier-Vanloo-Lecocq devait donner une troisième pièce à la Renaissance. Ce fut la Marjolaine (3 février). Mais si Giroflé fit 225 représentations et la Petite Mariée 225 également, la Marjolaine se joua 116 fois, mais avec un grand succès. Le premier acte fut chaleureusement accueilli : le compositeur l'avait aussi bien réussi que les librettistes, mais le deuxième et le troisième marquèrent un intérêt diminué. On reprocha même à Lecocq une certaine facilité que le musicien rachetait d'ailleurs par une écriture toujours soignée. Mlle Jeanne Granier absente de la Renaissance depuis quelques mois y fit une rentrée sensationnelle ; elle partagea les applaudissements avec Mme Théo et ses excellents camarades Berthelier, Vauthier et Puget.

Offenbach qui avait été joué dans tous les théâtres de Paris, Opéra, Opéra-Comique, Variétés, Gaîté, Palais-Royal, Bouffes-Parisiens, Renaissance, fit son entrée aux Folies-Dramatiques le 10 février, avec la Foire Saint-Laurent. A dire vrai, cet opéra-bouffe sur lequel on avait beaucoup compté ne réussit pas aussi brillamment que les autres œuvres du compositeur. Lucien Fugère y créa son dernier rôle aux Bouffes. Il venait d'être engagé à l'Opéra-Comique, et il était plus ému que le jour de ses débuts. « Pensez donc, disait-il, que je donne une nouvelle audition à mon futur directeur... » (40 représentations).

Le nom de Jules Costé reste principalement attaché à un acte qui est, dans le genre, un petit chef-d'œuvre : les Charbonniers. Aussi lorsque cette opérette fut donnée, le 4 avril aux Variétés, le public s'y rendit avec autant d'empressement que s'il s'était agi d'une grande première. Mais ajoutons que Dupuis et Judic en étaient les interprètes. Le succès fut si grand que Bertrand offrit, à cette occasion, gratuitement les secondes galeries, le mardi et le samedi, à tous les charbonniers et charbonnières de profession, qui voulurent bien venir aux Variétés en tenue de travail.

Le 19 avril est une date dans l'histoire de l'opérette, c'est celle de la première des Cloches de Corneville et du début du compositeur Robert Planquette. Arnold Mortier raconte que les librettistes avaient d'abord porté leur pièce à Hervé. Mais après en avoir pris connaissance, le compositeur leur déclara : « Cela manque de calembours. La scène de la folie me paraît originale, mais je verrais là-dedans, une consultation de médecin, qui finirait par extraire une énorme araignée du cerveau de... Vous verrez mon septuor de l'opération... quant aux couplets de pommes et du Cidr' de Normandie ...il faudrait les mettre en scène en faisant venir pour le finale Adam et Eve, Pâris, Guillaume Tell, et tous ceux qui ont une histoire de pomme dans leur existence ». Mais, comme on le pense, les auteurs n'acceptèrent pas les conditions d'Hervé et Cantin remit le manuscrit à Robert Planquette, un jeune compositeur qui écrivait des chansonnettes pour Judic et Théo et qui chantait lui-même très agréablement.

Lorsque la pièce fut jouée aux Folies-Dramatiques, le 19 avril, un critique écrivit, le lendemain : « M. Planquette s'imagine, sans doute, avoir fait de la musique... sa partition des Cloches de Corneville est un ramassis de polkas, de valses et de rondeaux qui sont autant de réminiscences... » Nous n'insistons pas.

Interprètes principaux : Milher, Simon-Max, Luco, la « petite Girard » dans le rôle de Serpolette, Mme Gélabert dans celui de Germaine, sa dernière création avant son mariage ; on lui avait distribué le rôle, mais elle le refusa pour raison matrimoniale. On le donna alors à Mme Berthe Stuart qui, d'une santé faible, renonça à cette création. Gélabert, pour sauver la situation, accepta et apprit paroles et musique en quatre jours ; la première série des « Cloches » fit 213 représentations…

 

 

 

les Cloches de Corneville (lithographie d'Ancourt)

 

 

De mai à octobre, peu de nouveautés : quelques petits actes sans grande valeur et sans importance ; et nous voici, à la rentrée où les Bouffes donnent l'opérette nouvelle de Serpette : la Petite Nicette (4 octobre). Les critiques ont reproché à Serpette son manque d'originalité et à Paul Ferrier d'avoir écrit un livret dont le point de départ est amusant et pittoresque mais coulé dans le moule ordinaire de toutes les opérettes jouées depuis quelques années sur la scène des Bouffes ; (34 représentations). Enfin, l'année 1877 s'acheva sur un événement musical ; il s'agit de l'Etoile, opéra-bouffe en 3 actes d'Emmanuel Chabrier, représenté aux Bouffes le 28 novembre.

Leterrier et Vanloo après avoir terminé leur livret avaient décidé qu'ils le confieraient à un musicien inconnu. Dès que Charles Comte eut accepté l'Etoile les auteurs se mirent en quête d'un musicien. Ils se souvinrent alors d'un jeune compositeur qu'ils avaient rencontré une fois chez un de leurs amis, le peintre Hirsch, et qui leur avait fait entendre des mélodies dont la forme et le ton avaient attiré leur attention : ils lui proposèrent leur livret et en 23 jours Chabrier, car c'était lui, avait écrit non seulement l'Etoile, mais encore assez de musique pour en faire plusieurs partitions. Si Chabrier était alors inconnu du public, certains ne l'ignoraient pas. Il avait commencé par écrire une opérette en 3 actes dont le livret signé Paul Verlaine était intitulé : Vaucochard et fils Ier. Il avait également sur le chantier une autre opérette avec Verlaine, Fisch-Ton-Kan, mais le compositeur demeurait inconnu. L'Etoile allait réparer cette situation. Les répétitions allèrent vite ; bien qu'en commençant on se fût aperçu que, par manque d'habitude, Chabrier avait bien orchestré sa musique mais n'avait pas écrit une partie de piano. Il s'offrit donc, pour accompagner aux répétitions et pendant trois semaines, il obéit docilement au chef d'orchestre sans que ce dernier eût une seule fois à se plaindre de son... compositeur-pianiste. Il faut dire que le succès de l'Etoile ne fut pas très grand : le public trouva que l'œuvre était trop musicale pour le cadre et, cependant, quelle originalité dans l'improvisation et le rythme, qu'il s'agisse du premier chœur d'employés, des couplets de Ouf, allègres et pimpants, du chœur Méfions-nous, enfin des morceaux d'une qualité musicale adorable, tels que les couplets de la Rose et la romance à l'Etoile, une « merveille de grâce attendrie et souriante » écrit M. Robert Brussel, éminent critique et l'ami fidèle de Chabrier. Malgré une partition exquise d'un bout à l'autre, l'Etoile ne fit que 34 représentations... Une réparation et une revanche s'imposent : nous l'attendons aujourd'hui encore.

 

 

 

le Petit Duc (lithographie de W. M.)

 

 

— 1878 —

16 janvier. — Babiole (1re), opérette en 3 actes de Clairville et Gastineau, musique de Laurent de Rillé (Bouffes-Parisiens).

25 janvier. — le Petit Duc (1re), opérette en 3 actes de Meilhac et Halévy, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

27 janvier. — le Coq de Viroflay, opérette en 1 acte de Paul de Cède, musique de Lucien Poujade (Bouffes-Parisiens).

28 janvier. — Actéon et le Centaure Chiron, opérette en 1 acte de Leuven, musique de Francis Chassaigne (Palais-Royal).

02 février. — les Cornes de Clochenville, opérette-bouffe en 2 actes de Louis Olora, musique de Cressonnois (Bouffes du Nord).

14 février. — Niniche, vaudeville-opérette en 3 actes de Hennequin et Millaud, musique de Marius Boullard (Variétés).

13 mars. — Maître Péronilla, opérette en 3 actes, paroles de X, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

17 mars. — le Cabaret du Sabot d'Or, opérette en 1 acte de P. Calixte, musique de Clairville fils (Beaumarchais).

10 avril. — le Troisième Mari, opérette en 1 acte de Clairville père, musique de Clairville fils (Folies-Dramatiques).

05 mai. — Quand on manque le Coche, opérette en 1 acte de J. de Rieu et E. d'Au., musique de A. Talexy (Bouffes-Parisiens).

29 août. — la Croix de l'Alcade, opérette en 3 actes de Vast Ricouart et Favin, musique de Henry Perry (Fantaisies-Parisiennes).

03 septembre. — le Pont d'Avignon (1re), opérette en 3 actes de Liorat, musique de Charles Grisart (Bouffes-Parisiens).

31 octobre. — Don Juan marié, opérette en 1 acte de H. Escoffier, musique de Anthiome (Fantaisies-Parisiennes).

20 novembre. — la Camargo (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Leterrier, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

07 décembre. — Fleur d'Oranger, vaudeville-opérette en 3 actes d'Alfred Hennequin et Victor Bernard, musique d'Auguste Coedès (Nouveautés).

13 décembre. — le Droit du Seigneur (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et Maxime Boucheron, musique de Léon Vasseur (Fantaisies-Parisiennes).

18 décembre. — Madame Favart (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Jacques Offenbach (Folies-Dramatiques).

 

L'Etoile, sur laquelle on comptait beaucoup n'ayant pas réussi, les Bouffes montèrent rapidement Babiole. La partition de Laurent de Rillé fut écoutée avec agrément, bien que cette musique ne soit pas d'une bien grande originalité non plus que d'une prétention musicale excessive. Babiole fut jouée 52 fois.

Un soir de janvier 1877, raconte le Monsieur de l'Orchestre, Meilhac avant de se coucher lisait le Dernier amour de Mirabeau : soudain il rencontra ces lignes : « Le duc de Bourbon ayant été marié fort jeune, on le sépara de sa femme. II parvint à enlever cette dernière du couvent où on l'avait enfermée... » Tiens, se dit-il, voilà un sujet… et un joli rôle pour Granier ! ». Le lendemain à déjeuner, Halévy et lui proposèrent l'affaire à Koning et le jour même le traité fut signé entre le directeur de la Renaissance, Lecocq, Meilhac et Halévy, pour le Petit Duc qu'on appelait dans les couloirs le Petit Marié.

 

 

 

Jeanne Granier dans le Petit Duc

 

 

Le Petit Duc étant, si l'on ose dire, le frère de la Fille de Madame Angot, nous n'osons pas insister sur ce ravissant ouvrage aussi connu, aussi célèbre que son aînée. « La partition de Charles Lecocq qui ne compte pas moins de vingt et un morceaux ne renferme pas, sauf peut-être le rondeau du Petit Duc déguisé en paysanne, affirme Auguste Vitu, une seule note qui rappelle les cascades de l’opérette. Elle est écrite toute entière avec une élégance aisée, une netteté d'idées musicales et une science aimable dont le charme est irrésistible : c'est une partition « comme il faut ».

A la répétition générale, Lecocq était désolé, après le premier acte : « Cela marche trop bien, disait-il, la première sera mauvaise. » Mais dans le finale du « Deux », plusieurs choristes détonèrent. « Eh bien, dit-on au compositeur, vous devez être content ?... ». — « Content ? s'écria Lecocq... Ils m'ont massacré mon finale... » Et cette première série fit 301 représentations.

Si nous avons cité Niniche qui n'est à proprement parler pas une opérette, c'est pour pouvoir signaler les couplets que Marius Boulard écrivit pour Judic à la place d'Offenbach qui refusa de les composer, couplets qui sont encore aujourd'hui dans toutes les mémoires.

Le 13 mars, les Bouffes affichaient Maître Péronilla, opérette en 3 actes de X..., musique de Jacques Offenbach. Nous croyons savoir que M. X. n'était autre que le compositeur lui-même. Mais nous n'insistons pas sur cette œuvre (50 représentations).

La Croix de l'Alcade fut représentée le 29 août aux Fantaisies-Parisiennes (ex-théâtre Beaumarchais). De cette partition nous relevons deux critiques : la première, dit « M. Perry, un jeune compositeur a écrit vingt-cinq morceaux qui n'attestent pas une vocation bien prononcée pour la musique bouffon. » L'autre critique s'exprime en ces termes : « La partition de M. Perry est généralement scénique et elle ne manque ni d'entrain ni de gaieté » (100 représentations).

La première nouveauté de la saison fut donnée aux Bouffes le 3 septembre. C'est le Pont d'Avignon ; nous passons sous silence cette partition de Grisart qui fit péniblement 28 représentations.

Mais quelle revanche avec la Camargo l'opérette opéra-comique de Lecocq (Renaissance, 20 novembre). Lorsque l'orchestre attaqua l'ouverture, ce soir là, quelqu'un dans la salle désignant les spectateurs déjà souriants, s'écria : « Ils s'amusent d'avance. »

Cependant, comme pour sa pièce précédente, Lecocq n'était pas content... « Ordinairement, disait-il, j'ai une foule d'ennuis, d'énervements, d'accrocs... avec la Camargo tout marche très bien... trop bien. Je suis inquiet... » A la générale, cependant, sur une question de costume de Desclauzas on ne fut pas d'accord, « à la bonne heure, cela va mieux, s'écria Lecocq. Voilà les ennuis qui commencent... » La partition charmante fut bien accueillie.

Comme Niniche, la Fleur d'Oranger représentée le 7 décembre aux Nouveautés fut plus un vaudeville qu'une opérette. Mais Coedès écrivit quelques couplets pleins de verve et de joyeuse distinction.

Le Droit du Seigneur, opérette en 3 actes, musique de Léon Vasseur fut représentée le 13 décembre aux Fantaisies-Parisiennes. « La partitionnette de Léon Vasseur, écrit un critique est vive, légère, brillante, dépourvue d'originalité, mais très scénique et presque toujours très agréable à écouter ».

L'année s'acheva, le 28 décembre, avec la première de Madame Favart aux Folies-Dramatiques. Depuis 18 mois l'opérette nouvelle de Jacques Offenbach était prête à passer, mais il fallait attendre la fin des représentations des Cloches de Corneville qui approchaient de la six centième. Cependant quand on voulut répéter, les artistes avaient oublié leurs rôles, les costumes étaient défraîchis, il fallut se remettre à l'ouvrage. Cantin n'était pas pour les vedettes, Offenbach, au contraire, en désirait. On raconte que le compositeur adressa au directeur des Folies-Dramatiques la distribution telle qu'il l'exigeait, c'est-à-dire : MM. Faure, Capoul, Gailhard, Ismaël, Mmes Christine Nilsson, Marie Heilbronn, Engally.

Cantin comprit la plaisanterie et on distribua Madame Favart à MM. Lepers, Simon-Max, Luco, Maugé ; Mmes Juliette Girard et Gélabert.

Madame Favart fut l'éclatante revanche des demi-succès des dernières pièces.

 

 

 

la Petite Mademoiselle (lithographie de Coindre)

 

 

— 1879 —

11 janvier. — Au rendez-vous d'amour, opérette en 1 acte d'Eugène Viteau, musique d'Auguste L’Eveillé (Batignolles).

11 janvier. — le Grand Casimir (1re), opérette en 3 actes de Jules Prével et A. de Saint-Albin, musique de Charles Lecocq (Variétés).

13 janvier. — la Marocaine (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Paul Ferrier, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens).

22 février. — la Marquise des rues (1re), opérette en 3 actes de Siraudin et G. Hirsch, musique d'Hervé (Bouffes-Parisiens).

03 mars. — le Chevalier Gaston (1re), opérette en 1 acte de Pierre Véron, musique de Robert Planquette (Monte-Carlo).

08 mars. — Mascarille le troubadour, opérette en 1 acte de Victor Grasset, musique de H. Bovery (Batignolles).

23 mars. — Chaufinard, opérette en 1 acte, musique de Matz Ferrare (Bordeaux).

10 avril. — les Deux Alcades, opérette en 1 acte de G. Chauvin, musique de G. Douay (Bouffes-Parisiens).

12 avril. — la Petite Mademoiselle (1re), opérette en 3 actes de Meilhac et Halévy, musique de Lecocq (Renaissance).

10 mai. — l'Oraison de Saint-Julien, opérette en 1 acte de C. Lafrique, musique de Marius Baggers (Fantaisies-Parisiennes).

05 juin. — Jean sans le Sou, opérette en 1 acte de Catelain, Roulaud et Abel Queille (Scala).

28 juillet. — Diablotine, opérette en 1 acte de Lebreton, musique de Martyns (Scala).

09 août. — la Belle au Bois Dormant, opérette en 1 acte de Ph. Dupin, musique de Chouey (Folies-Marigny).

22 août. — Mon Gendre, tout est rompu, opérette en 1 acte de Paul Burani et William Busnach, musique de Coedès (Casino de Dieppe).

23 août. — Estafette, opérette en 1 acte de Eugène Viteau, musique de Victor Bovery fils (Montmartre).

29 août. — C'est un Rubens, opérette en 1 acte de P. Prax, G. Dorante, musique de M. de Lauzun (Scala).

07 septembre. — Jean la Bête, opérette en 1 acte de Francis Tourte, musique de Georges Villain (Saint-Malo).

10 septembre. — Panurge (1re), opérette en 3 actes de Clairville et Gastineau, musique d'Hervé (Bouffes-Parisiens).

13 septembre. — l'Education mutuelle, opérette en 1 acte de Clairville, musique de Clairville fils (Bouffes-Parisiens).

21 octobre. — Pâques fleuries (1re), opérette en 3 actes de Clairville et Delacour, musique de Paul Lacôme (Folies-Dramatiques).

28 octobre. — la Jolie Persane (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

13 novembre. — les Noces d'Olivette (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

15 novembre. — le Billet de Logement (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et Maxime Boucheron, musique de Léon Vasseur (Fantaisies-Parisiennes).

03 décembre. — la Femme à papa, comédie-opérette en 3 actes de Hennequin et Millaud, musique d'Hervé (Variétés).

13 décembre. — la Fille du Tambour-Major (1re) opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Jacques Offenbach (Folies-Dramatiques).

 

 

 

le Grand Casimir (lithographie de Lamy)

 

 

Le Grand Casimir est dans tout l'œuvre de Lecocq, la seule pièce qui soit intitulée opérette, et encore Bertrand, qui la monta aux Variétés la considérait comme un vaudeville à couplets. Toujours est-il que vaudeville ou opérette, la partition nouvelle de Lecocq n'en contenait pas moins une quinzaine de morceaux en tout. Dupuis, Léonce, Baron, Germain ; Mmes Céline Chaumont et Beaumaine en furent les interprètes (113 représentations).

Le 13 janvier, les Bouffes jouèrent la Marocaine de Jacques Offenbach qui ne donna plus d'autre pièce dans ce théâtre qu'il avait fondé. Ludovic Halévy ne signa pas cet ouvrage auquel il collabora, laissant à Paul Ferrier toute la responsabilité du livret. Mais ni livret, ni musique ne réussirent, et la Marocaine (12 représentations) compta vite parmi les plus rares et les plus complets insuccès du compositeur d'Orphée aux Enfers.

Au lendemain de la Marocaine, Charles Comte qui espérait un succès se trouva fort embarrassé : il fouilla dans ses cartons et y découvrit la Marquise des rues, une opérette d'Hervé qu'il s'était promis de monter un jour ; on mit la pièce en répétition : vingt-cinq jours séparaient la lecture de la première représentation, mais Hervé, qui n'avait pas été joué depuis longtemps désirait prendre une revanche après ses dernières partitions dont les carrières n'avaient pas été heureuses. Il écrivit rapidement les couplets et ensembles inachevés et l'on fut prêt à l'heure dite (68 représentations).

Lecocq qui avait l'habitude de travailler lentement avait écrit deux actes de la Petite Mademoiselle lorsque Koning le pressa de finir sa partition pour passer le plus rapidement possible. Et les deux premiers actes étaient complètement sus que le troisième n'était pas terminé. Lecocq dut s'enfermer chez lui et pendant un mois travailler sans relâche ne s'arrêtant qu'aux heures des repas.

La partition comprend dix-neuf numéros : « Elle est, écrivit Lecocq, une des meilleures, selon moi, que j'aie faites et il est vraiment regrettable que le poème qui allait s'affaiblissant d'acte en acte, ait entraîné dans l'oubli une partition qui méritait de vivre ».

La Petite Mademoiselle obtint 83 représentations interprétée supérieurement qu'elle était par Mmes Jeanne Granier, Desclauzas, Mily-Meyer, MM. Berthelier et Vauthier.

 

 

 

Desclauzas [à gauche] et Mili-Meyer

 

 

Comte ayant abandonné les Bouffes à Cantin, ce dernier inaugura sa direction le 10 septembre avec une opérette d'Hervé : Panurge. La partition, d'un comique très gai, fut fort goûtée ; Hervé vint saluer le public à la première. Malgré cet accueil qui semblait annoncer un gros succès, Panurge n'obtint que soixante-deux représentations.

Le compositeur de Jeanne, Jeannette et Jeanneton, qui n'avait rien donné depuis la création de cette charmante opérette fit jouer Pâques fleuries (3 actes), aux Folies-Dramatiques le 28 octobre. Rien ne reste de cette partition que chantèrent et jouèrent Mme Simon-Girard et Mlle Blanche Monthi ; MM. Simon Max et Maugé.

La Jolie Persane (28 octobre) n'obtint pas à la Renaissance un succès supérieur à celui de la Petite Mademoiselle. Un intérêt cependant s'offrait, celui des débuts de Jane Hading dans l'opérette. « Les deux premiers actes réussirent beaucoup, mais le troisième était insuffisant et beaucoup moins amusant que les deux autres, écrivit Lecocq. Plusieurs morceaux de cette partition furent très remarqués, poursuivit-il, notamment la chanson persane. Le troisième acte mal venu, finissait sans effet, il manquait complètement de brio et de mouvement scénique. »

 

 

 

Jane Hading dans la Grande Mademoiselle

 

 

Le 13 novembre, les Bouffes-Parisiens firent connaître un nouveau compositeur, Edmond Audran, qui avait déjà fait jouer, à Marseille, une opérette intitulée le Grand Mogol mais que Paris ignorait encore.

Mais Audran débuta par les Noces d'Olivette dont Chivot et Duru avaient écrit le poème. Fils de l'ancien ténor de l'Opéra-Comique et frère du jeune chanteur d'opérette applaudi à la Renaissance, Edmond Audran s'était acquis de très nombreuses sympathies dans le monde dramatique. Lorsqu'on le vit arriver aux Bouffes, les artistes avaient pensé : « Il est petit, il doit être rageur. Il fit, au contraire, preuve d'une patience et d'une égalité bien rares chez les compositeurs », écrivait Arnold Mortier, et ce début fut plein de promesses qui se réalisèrent, comme on le vit par la suite.

 

 

 

la Femme à papa (d'après une lithographie)

 

 

Les Variétés donnèrent le 3 décembre la Femme à Papa qu'interprétaient Judic, Dupuis, Hambuyer, Baron et Didier. Il fut naturellement question de mettre un peu de musique dans la pièce. Les auteurs, Alfred Hennequin et Albert Millaud confièrent leur manuscrit à Hervé qui, le lendemain, revenant au théâtre déclara avoir trouvé matière à 33 morceaux dont 13 au troisième acte : c'est à peine s'il restait de la place pour le dialogue. Hennequin et Millaud calmèrent cette ardeur, en réduisant les morceaux à sept ou huit dont « la chanson du colonel » où triompha Judic.

 

 

 

Simon-Max dans la Fille du Tambour-major

 

Mme Simon-Girard dans la Fille du Tambour-major

 

 

Le 13 décembre enfin, les Folies-Dramatiques représentèrent pour la première fois la centième partition d'Offenbach : la Fille du Tambour-Major. L'œuvre est populaire et la partition est dans toutes les mémoires. Offenbach l'écrivit en grande partie à Etretat : la première fut retardée en raison de la température sibérienne qui régnait alors à Paris ; mais ayant entendu parler de dégel, le directeur des Fol' Dram', Blandin, décida de passer le lendemain. Offenbach s'y opposa, n'étant jamais complètement satisfait d'une œuvre. « Eh bien, passez si vous voulez, s'écria le compositeur ; je jure que je ne m'occupe plus de la pièce ». Cinq minutes après Offenbach se démenait sur la scène au milieu de ses interprètes et donnait à tous les conseils suprêmes. La soirée fut triomphale et toute la critique louait le lendemain la nouvelle partition de « Jacques ».

« La musique de la Fille du Tambour-Major possède, dit Auguste Vitu, à mon avis, une qualité : c'est de la musique nette, claire, écrite par une plume qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle peut ». Créateurs : Luco, Lepers, Simon-Max, Maugé, Mmes Simon-Girard, Vernon, etc...

 

 

 

une scène de la Fille du Tambour-major

 

 

— 1880 —

07 janvier. — les Voltigeurs de la 32e (1re), opérette en 3 actes de Gondinet et Duval, musique de Robert Planquette (Renaissance).

24 janvier. — la Princesse Marmotte (1re), opérette en 3 actes de Clairville, Busnach et Gastineau, musique de Laurent de Rillé (Nouvelles Galeries Saint-Hubert).

03 mars. — la Girouette (1re), opérette en 3 actes de Bocage et Halévy, musique de Coedès (Fantaisies-Parisiennes).

16 mars. — les Mousquetaires au couvent (1re), opérette en 3 actes de Jules Prevel et Paul Ferrier, musique de Louis Varney (Bouffes-Parisiens).

17 mars. — Madame Diogène, opérette en 1 acte de Legentil et Ryon, musique de Queille (Scala).

20 mars. — la Nuit de Saint-Germain (1re), opérette en 3 actes de Gaston Hirsch, Saint­Arroman, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens).

27 mars. — le Jeune Télémaque, opérette en 2 actes de G. Derriaz, Laurence et F. Cumin, (Célestins à Lyon).

28 avril. — l'Article 324, opérette en 1 acte, musique de L’Eveillé (Scala).

10 juin. — Yvonnette, opérette en 1 acte de Francis Tourte, musique de Georges Douay (Folies-Nouvelles).

17 juillet. — En contravention, opérette en 1 acte de Gresset et Bovery (Batignolles).

01 août. — Quand la mariée est trop belle, opérette en 1 acte de L. Roulaud, J. Warnier, musique de Clairville (Scala).

01 août. — Pierrot jaloux, opérette en 1 acte de Lucien Roulaud, musique de Clairville fils (Deauville).

28 août. — Entre Enghien et Trouville, opérette en 1 acte, musique de L’Eveillé (Folies-Rambuteau).

01 septembre. — le Ménétrier de Meudon, opérette en 3 actes de Gaston Laurent, musique de Jonathan (Bouffes-Parisiens).

16 septembre. — le Voyage en Amérique (1re), opérette en 3 actes de Rouget de l'Isle, musique d'Hervé (Nouveautés).

08 octobre. — le Beau Nicolas (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Lacôme (Folies-Dramatiques).

16 octobre. — la Cantinière (1re), opérette en 3 actes de P. Burani et Rybère, musique de Robert Planquette (Nouveautés).

30 octobre. — Belle Lurette (1re), opérette en 3 actes d'Ernest Blum, Blau et Toché, musique de Jacques Offenbach (Renaissance).

15 décembre. — la Mère des Compagnons (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Hervé (Folies-Dramatiques).

21 décembre. — le Portrait de Colette, opérette en 1 acte de Meillet et Dehelle, musique de Montaubry (La Tour d'Auvergne).

29 décembre. — la Mascotte (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Audran (Bouffes-Parisiens).

Enfin un acte d'Olivier Métra : la Fée aux Perles, et le Chercheur d'Aventures, opérette en 1 acte de Vazeulle, musique de Georges Rose (Folies-Parisiennes).

 

 

 

les Voltigeurs de la 32e (lithographie de Barie)

 

 

De même que l'opérette de Charles Lecocq qui suivit la Fille de Madame Angot fut très attendue, la nouvelle opérette du compositeur des Cloches de Corneville, les Voltigeurs de la 32e n'excita pas moins de curiosité. Le travail des répétitions fut particulièrement fiévreux ; la partition n'était pas achevée, quelques remaniements s'imposaient et Planquette n'avait même pas le temps d'échanger quelques mots avec ses interprètes, si bien que le soir de la première, pendant un entr'acte, Mme Jeanne Granier s'écria : « Et maintenant, mon cher directeur, présentez-moi donc Planquette... »

Les Voltigeurs de la 32e eurent comme créateurs, en dehors de Jeanne Granier, l'enfant chérie de la Renaissance, Ismaël, Marchetti, Lary, Mmes Desclauzas et Mily-Meyer (73 représentations).

Coedès, à cette époque comptait parmi les musiciens les plus gais de Paris. Plein de cordialité et de bonne humeur, on le considérait comme un boute-en-train fort sympathique. Pianiste excellent et chanteur remarquablement bien doué, il jouait et chantait ses œuvres à décourager ses interprètes. Aussi sa nouvelle pièce la Girouette fut-elle accueillie avec plaisir. Cette partition qui semblait avoir été improvisée en quelques jours, et peut-être même le fut-elle, fut jugée vive, légère, spirituelle et très en situation avec la bouffonnerie du livret de Bocage et Halévy. La Girouette, oubliée aujourd'hui comme son compositeur, fit une centaine de représentations aux Fantaisies-Parisiennes.

 

 

 

les Mousquetaires au couvent (lithographie de Lamy)

 

 

Parmi les œuvres populaires, les Mousquetaires au Couvent de Louis Varney occupent une place appréciable. Les Théâtres de quartier l'affichent périodiquement et la pièce amusante que Paul Ferrier et Jules Prevel ont tiré d'un vieux vaudeville de Saint-Hilaire et Dupont : l'Habit ne fait pas le moine, divertit toujours un certain public.

Pour sa partition de début Louis Varney eut la main heureuse. Fils d'un ancien chef d'orchestre des Bouffes, appartenant lui-même au théâtre, depuis une quinzaine d'années, le jeune compositeur avait été à bonne école. La musique qu'il écrivit pour les Mousquetaires au Couvent, musique agréable, facile et sans grande originalité, séduisit les auditeurs dès le premier soir. Bien que son inspiration ait peut-être manqué de quelque personnalité, on reconnut vite que le musicien avait de très aimables qualités.

 

 

 

Albert Piccaluga dans les Mousquetaires au couvent

 

 

Citons, le 16 septembre, la première de le Voyage en Amérique, opérette d'Hervé aux Nouveautés. A dire vrai, cet ouvrage ne réussit pas. La pièce, habilement faite, n'était point marquée d'originalité ; quant à la musique uniquement parodique, elle dérouta quelque peu le public ; il y avait des réminiscences voulues et déformées des Huguenots, de la Dame Blanche, de la Muette de Portici, de la Fille de Madame Angot, de la Marseillaise, enfin : les spectateurs protestèrent contre cette dernière parodie qui fut supprimée aux représentations suivantes par ordre de la censure. On racontait à ce propos, mais fallait-il prendre au sérieux les boutades de ce grand « pince-sans-rire » qu'Hervé était un des ennemis les plus acharnés de Rouget de Lisle, sa haine étant uniquement une haine de musicien. « Le monsieur de l'orchestre » disait que l'hymne dans son ensemble ne déplaisait pas à Hervé qui en admirait le souffle et l'inspiration, mais ce qui l'exaspérait, et ce qu'il ne pardonnait pas à Rouget de Lisle, c'est le malencontreux bémol de « mugir » qui, selon lui, n'avait pas de raison d'être. Il attribuait ce bémol à une faute de copie. « Jamais, affirmait-il, on ne me fera croire que Rouget de Lisle ait voulu mettre là un bémol aussi idiot... », et Hervé se bouchait les oreilles, chaque fois qu'il entendait la Marseillaise lorsqu’il voyait arriver le fameux bémol. Interprètes : Brasseur, Berthelier, Guyon, Scipion, Albert Brasseur, affiché simplement sous le nom d'Albert — tout court, Mlles Humberta et Gilberte.

Le Beau Nicolas, opérette de Lacôme, inaugura le 8 octobre, la direction Blandin aux Folies-Dramatiques. Ce Parisien intermittent et discret, vivait dans le Gers et ne venait à Paris que pour ses pièces : il se livrait aux joies de la campagne, aux travaux des champs, à la culture de la vigne... et il aurait toujours continué si une circonstance imprévue n'était venue bouleverser son existence. Enfant, il adorait la musique et faisait chaque jour quelques lieues à pied pour prendre des leçons d'orgue. Sa famille considérant que la musique était un art et non une profession et personne autour de lui ne songeait qu'on pût vivre de ses compositions : un « magazine », le Musée des Familles organisa un jour un concours Il publia un livret d'opérette en un acte que les abonnés devaient mettre en musique, et le directeur, Pitre-Chevalier, s'engageait à user de son influence pour que la meilleure partition fût jouée dans un théâtre de Paris. Le petit Lacôme devint l'heureux concurrent. On devine la surprise et l'émoi du village et de sa famille quand on apprit le nom du lauréat. Les parents proches ou éloignés furent réunis et on agita la question : l'enfant irait-il à Paris pour suivre sa carrière ? ou en resterait-il là ?... L'avis du père l'emporta. Cependant malgré l'appui de Pitre-Chevalier, l'acte de Lacôme ne fut pas représenté : l'enfant revint au village un peu déçu, mais non découragé... on sait la suite.

Cependant le Beau Nicolas ne connut pas le succès de Jeanne, Jeannette et Jeanneton. La musique fit bien oublier l'insuffisance du livret de Leterrier et Vanloo, mais la carrière de cet ouvrage qui compta plus de 70 représentations, fut sans lendemain.

Le 30 novembre la Renaissance affichait pour la première fois Belle Lurette de Jacques Offenbach : la dernière partition du compositeur. Elle était en répétition depuis plus d'un mois déjà, et le musicien d'Orphée, malade, n'avait pu se rendre une seule fois au théâtre : le 5 octobre, Offenbach mourait et Léo Delibes, avec un dévouement tendre et affectueux, se chargea de diriger les dernières répétitions.

Belle Lurette l'ultime opérette d'Offenbach était bien conçue dans la formule opérette : plus de grosse bouffonnerie, de l'entrain, cet entrain qu'on a qualifié d'irrésistible, du charme, de la mélodie, de l'esprit, telles sont les qualités de cette œuvre que créèrent Jane Hading, Mily-Meyer, et MM Jolly, Vauthier et Cooper.

Cette année n'allait pas se terminer sans une œuvre d'Hervé : la Mère des Compagnons dont les Folies-Dramatiques donnèrent la première représentation le 15 décembre. La partition que le compositeur de Chilpéric écrivit sur le livret de Chivot et Duru ne contient pas moins de vingt-cinq morceaux. Pleine de verve et de franche bonne humeur, cette partition fut appréciée.

 

 

 

Edmond Audran

 

 

Si les Noces d'Olivette n'eurent qu'un nombre restreint de représentations aux Bouffes-Parisiens, Edmond Audran prit, le 29 décembre, une éclatante et triomphale revanche sur cette même scène en donnant la Mascotte.

Les porte-veine étaient alors à la mode et le compositeur Audran n'avait, paraît-il, pas son pareil comme porte-bonheur. Cantin avait monté aux Bouffes les Noces d'Olivette… immédiatement après il joua 200 fois les Mousquetaires au Couvent et avait reçu la Mascotte. Cette pauvre Mascotte attendit cependant trois mois son tour : les Mousquetaires tenaient bon l'affiche et ne semblaient pas disposés à l'abandonner. Enfin les créateurs, Morlet, Hittemans, Lamy, Mmes Montbazon, Dinelli et Gilberte qui savaient la pièce par cœur purent, le 29 décembre, la livrer au public. Nous ne ferons pas l'injure à nos lecteurs de leur parler plus longuement de la partition d'Audran, partition pleine de constante bonne humeur et d'agréable facilité d'inspiration : ils en connaissent les pages principales. La Mascotte porta chance à tous ceux qui la montèrent et qui l'interprétèrent : aujourd'hui encore, la Mascotte est en province comme à Paris la grande ressource des théâtres qui ne réussissent pas.

 

 

 

Madame Thuillier-Leloir dans la Mascotte

 

 

— 1881 —

21 janvier. — Janot (1re), opérette en 2 actes de Meilhac et Halévy, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

28 janvier. — la Roussotte, vaudeville-opérette en 3 actes de Meilhac, Halévy et Millaud, musique d'Hervé et Lecocq (Variétés).

07 février. — Belle Femme à vendre, opérette en 1 acte de Basieux, musique de P. Wachs (Folies-Dramatiques).

08 février. — la Calza, opérette en 3 actes de Tillier, musique de Mansour (Fantaisies-Parisiennes).

27 février. — la Chasse aux Pierrots, opérette en 1 acte de de Clercq, musique de L’Eveillé (Belleville).

09 avril. — les Poupées de l'Infante (1re), opérette en 3 actes de H. Bocage et Liorat, musique de Charles Grisart (Folies-Dramatiques).

01 mai. — la Contrainte, opérette en 1 acte, musique de Ponsin (Pépinière).

10 mai. — Mademoiselle Moucheron (1re), opérette en 1 acte de Leterrier et Vanloo, musique de Jacques Offenbach (Renaissance).

20 juillet. — Djelma, opérette en 1 acte, musique de J. Laurens (Château-d'Eau).

01 septembre. — Maître Grelot, opérette en 1 acte de R. de Najac, musique de Talexy (Bordeaux).

20 octobre. — les Deux Roses (1re), opérette en 3 actes de Clairville, Victor Bernard, Eugène Grangé, musique d'Hervé (Folies-Dramatiques).

25 octobre. — Faublas (1re), opérette en 3 actes de Cadol et Duval, musique de François Luigini (Cluny).

05 novembre. — le Jour et la Nuit, opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Charles Lecocq (Renaissance).

27 décembre. — Un lycée de Jeunes Filles, vaudeville-opérette en 3 actes d'Alexandre Bisson, musique de Gregh (Cluny).

 

 

 

le Jour et la Nuit (lithographie de Cointras)

 

 

Lecocq qui, après la Jolie Persane était resté un an et demi sans donner d'opérette nouvelle fit représenter le 21 janvier : Janot, à la Renaissance, « pièce médiocre, écrit lui-même le compositeur... quant à la partition, ajouta-t-il, elle aurait pu être meilleure... ». Janot fut sa dernière pièce à la Renaissance : une scène nouvelle allait l'accueillir, les Nouveautés, où il allait faire jouer le Jour et la Nuit et, plus tard, le Cœur et la Main. En six semaines la pièce avait été écrite et la musique composée. La partition se ressent de cette hâte, et Lecocq lui-même, critiqua loyalement ses morceaux.

Aussi, malgré les interprètes, Mmes Jeanne Granier, Desclauzas, Mily-Meyer, MM. Jolly et Vauthier, Janot fut fraîchement accueilli et atteignit péniblement quarante-neuf représentations.

Lecocq devait faire également la musique de la Roussotte, mais malade, puis fatigué par les répétitions de Janot il renonça à ce projet. Hervé fit les couplets, et Marius Boulard orchestra ceux que Lecocq avait ébauchés.

Evidemment la Roussotte n'est pas à proprement parler une opérette, mais la musique y tient une place importante. On connaît, entre autres la chanson qui devint vite populaire : Piouitt, un des plus forts succès de Judic.

Les Poupées de l'Infante, opérette de Charles Grisart, n'a laissé qu'un souvenir très vague, et rien ne reste de la partition.

Le 10 mai, la Renaissance représenta pour la première fois une opérette inédite en un acte de Jacques Offenbach, Mademoiselle Moucheron. Cependant, cette opérette n'était pas une œuvre récente du compositeur. En effet, Mademoiselle Moucheron avait été lue, le 5 mars 1870 à Berthelier, Jean Paul et à Mmes Chaumont, Thierret et Valtesse qui devaient l'interpréter, fin avril aux Bouffes. On la répéta généralement ; la pièce fit une impression si bonne que le théâtre devant fermer le 15 mai, d'un commun accord on la garda pour la rentrée. En septembre 1870, c'était le siège ; les Bouffes restèrent fermés. En septembre 1871, réouverture des Bouffes, mais Céline Chaumont et Thierret n'y sont plus. Comme Chaumont est aux Variétés, on décide en janvier 1872 d'y transporter la pièce qui devait entrer dans un spectacle coupé : mais on renonce. En septembre, de la même année, Théo vient de débuter dans Pomme d'Api, à la Renaissance : Moucheron sera enfin créé par Théo : on lit, on répète, mais la Jolie Parfumeuse ne quittant pas l'affiche, Moucheron est renvoyé à la rentrée... on reprend les répétitions en août 1873 ; à côté de Louise Théo, un petit rôle est distribué à Jeanne Granier. En septembre, réouverture. Mais Offenbach rompt son traité avec la direction et transporte « Moucheron » et ses interprètes aux Bouffes, pour un spectacle coupé qu'on répète en 1874 mais auquel on renonce. Nouvelle tentative... en septembre 1876 aux Variétés avec Mlles Baumaine et Alice Duval ; enfin en avril 1881 pour corser la reprise du Canard à trois becs, à la Renaissance, Koning se décide à jouer Mademoiselle Moucheron avec Mily-Meyer, Desclauzas et M. Jolly.

Les Deux Roses, opérette d'Hervé comptèrent parmi les insuccès du célèbre compositeur. Le sujet qui mettait en scène la guerre des deux Roses et la rivalité des maisons d'York et de Lancastre n'était réellement pas un sujet d'opérette. Hervé y voyait cependant une amusante reconstitution parodique. On avait même annoncé qu'à cette occasion le directeur des Folies-Dramatiques avait fait tout exprès le voyage de Londres pour engager à prix d'or des danseuses de gigue. Blandin partit en effet pour l'Angleterre mais « les girls » en question n'étaient disponibles que trois mois plus tard. Blandin ne se découragea pas ; il chercha en vain et ne trouva pas de danseuses de gigue. Il revint à Paris et apprit en arrivant, par les journaux, qu'il rapportait un lot de danseuses délicieuses. Il lui en fallait donc à tout prix. Il se rappela que dans sa tournée, il restait un agent qu'il n'avait pas vu : il lui télégraphia et au bout de quelques jours les danseuses arrivèrent. Hervé qui avait tant insisté pour avoir son divertissement se mit au piano : « Vous allez voir ça... » dit-il. Et il commença la danse... aucune ne bougea ! Stupeur ! Elles ne savaient pas danser la gigue...

 

 

 

Madame Ugalde dans le Jour et la Nuit

 

 

Le 5 novembre les Nouveautés donnaient la première représentation de le Jour et la Nuit, une des meilleures œuvres de Charles Lecocq, coulée, comme il le disait, « dans le même moule » que Giroflé et la Petite Mariée.

Le maestro avait fait sa partition avec une rapidité extraordinaire. Il avait dû quitter sa maison d'Auteuil pour venir se loger à Paris dans un pied-à-terre où ses collaborateurs lui apportaient morceau par morceau, des couplets, un duo, etc... Cependant, à la fin des répétitions Lecocq tomba malade et ne put assister à sa première qui fut un éclatant succès dont la réussite se poursuivit cent quatre-vingt-treize fois.

 

 

 

le Jour et la Nuit (lithographie de Lamy)

 

 

C'est, enfin, un amusant vaudeville-opérette d'Alexandre Bisson : Un lycée de Jeunes Filles, musique de Louis Gregh qui termina l'année, le 27 décembre à Cluny. Le compositeur écrivit, dit-on, trente-quatre morceaux qui furent réduits à vingt-huit, c'est-à-dire encore dix de plus que la Fille de Madame Angot.

 

 

 

affiche pour Lili

 

 

— 1882 —

10 janvier. — Lili, comédie-opérette en 3 actes de Millaud, Hennequin et Blum, musique d'Hervé (Variétés).

16 janvier. — le Petit Parisien (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et Maxime Boucheron, musique de Léon Vasseur (Folies-Dramatiques).

16 février. — les Beignets du Roi (1re), opérette en 3 actes d'Albert Carré, musique de F. Bernicat (Bruxelles).

02 mars. — Coquelicot (1re), opérette en 3 actes d'Armand Silvestre et Cogniard, musique de Louis Varney (Bouffes-Parisiens).

05 avril. — Madame le Diable (1re), opérette féerie en 4 actes de Meilhac, Mortier et Millaud, musique de Gaston Serpette (Renaissance).

08 avril. — Un mariage à la mer, opérette en 1 acte de Saclé et Grenet, musique de Bovery fils (Théâtre de Montmartre).

29 avril. — le Torchon, opérette en 1 acte de Dorfeuil et Mey, musique de Firmin Bernicat (Gaîté-Montparnasse).

10 août. — les Parisiens en rigolade, opérette en 1 acte de Lefevbre, musique de G. Rose (Concert du Cadran).

11 octobre. — Frasquita (1re), opérette en 1 acte, musique de Laurent de Rillé (Galeries Saint-Hubert, Bruxelles).

11 octobre. — la Petite Reinette (1re), opérette en 3 actes de Busnach et Clairville, musique de Louis Varney (Galeries Saint-Hubert, Bruxelles).

14 octobre. — le Cœur et la Main (1re), opérette en 3 actes de Nuitter et Beaumont, musique de Charles Lecocq (Nouveautés).

21 octobre. — Fanfan la Tulipe (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier, Jules Prevel, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

22 octobre. — la Princesse, comédie-opérette en 1 acte de Toché, musique de Serpette (Variétés).

03 novembre. — la Bonne Aventure (1re), opérette en 3 actes de E. de Najac, E. Bocage, musique de Jonas (Renaissance).

11 novembre. — Gillette de Narbonne (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Audran (Bouffes-Parisiens).

06 décembre. — Ah ! le bon billet, opérette en 1 acte de Bureau, Jalliot, de Najac, musique de Toulmouche (Renaissance).

26 décembre. — Ninetta (1re), opérette en 3 actes de Hennequin et Bisson, musique de Raoul Pugno (Renaissance).

 

 

 

le Cœur et la Main (lithographie de Buval)

 

 

La production d'Hervé se ralentit, ainsi que celle de Vasseur. Lecocq ne produit qu'une partition, mais c'est le Cœur et la Main, Audran, Gillette de Narbonne. Varney fait représenter Coquelicot, la Petite Reinette et Fanfan la Tulipe, Serpette, Madame le Diable, Jonas et Laurent de Rillé donnent, le premier, la Bonne Aventure et le second Frasquita. A Bruxelles on joue les Beignets du Roi de Bernicat ; à la Renaissance, Ninetta, la première opérette de Raoul Pugno : nous sommes en plein règne de l'opérette-opéra-comique.

Lili n'est pas une opérette : c'est un vaudeville à couplets. Mais la musique est signée Hervé. Il y a au deuxième acte la « chanson » pour Judic, la chanson que tous les éditeurs attendent et qui sera la scie de l'année. Après la chanson du Colonel et Piouïtt voici, dans Lili, le Quès aco, chanson provençale qui comprend cinq couplets et qu'on a redemandés, ce soir-là, les uns après les autres.

Les Beignets du Roi que M. Albert Carré tira d'un ancien vaudeville de Benjamin Antier et dont Firmin Bernicat écrivit la musique furent représentés à l'Alcazar de Bruxelles le 16 février. Nous reviendrons sur cette œuvre qui fut donnée à Paris en 1888 sous le titre de : les Premières Armes de Louis XV aux Menus-Plaisirs ; les Beignets du Roi obtinrent un très grand succès à Bruxelles. La partition pleine de grâce et de fraîcheur fut particulièrement goûtée. Lorsque la pièce fut reprise à Paris, Bernicat était mort depuis quatre ans et, de même que pour François les Bas-Bleus, M. André Messager fut chargé de compléter et de mettre au point la partition développée.

Depuis que Cantin avait eu la main heureuse en faisant tirer les Mousquetaires au Couvent d'un vieux vaudeville, l'Habit ne fait pas le Moine, le directeur des Bouffes passait son temps à relire les pièces d'autrefois, c'est ainsi qu'il chargea le poète Armand Silvestre de rajeunir Coquelicot des frères Cogniard. Ce travail terminé, Louis Varney en écrivit la musique. Mais Coquelicot ne connut pas l'heureuse fortune des Mousquetaires au Couvent (45 représentations).

Madame le Diable, la féerie-opérette de Meilhac, Mortier, musique de Serpette, donnée le 5 avril à la Renaissance fut surtout un succès de mise en scène. Après vingt-trois jours de relâche, la première représentation sensationnelle fut donnée. A la vérité le public fut émerveillé : pour qui connaît la petite scène de la Renaissance, douze changements à vue s'opérèrent sous les yeux du public qui admira, en outre, des trucs comme le Châtelet, aujourd'hui, en a perdu la mémoire. La partition de Serpette, comprenait des couplets charmants, chantés avec un brio endiablé, c'est le mot, par Mmes Jeanne Granier, Desclauzas et MM. Jolly, Malard et Blondelet ; la pièce fit 117 représentations très brillantes ; ajoutons — détail amusant — que Mme Jeanne Granier n'avait pas moins de quatorze rôles, c'est-à-dire quatorze changements de costumes !

 

 

 

Madame Vaillant-Couturier dans le Cœur et la Main

 

 

Après le Jour et la Nuit de Leterrier, Vanloo et Lecocq aux Nouveautés en 1881, le compositeur donnait l'année suivante, au même théâtre le Cœur et la Main avec, cette fois, Nuitter et Beaumont comme collaborateurs.

« Vous êtes faits pour travailler ensemble, leur disait Lecocq : vous, Nuitter, vous êtes très grand, vous, Beaumont, assez petit : or, j'ai remarqué qu'il en était ainsi de toutes les bonnes collaborations. Michel Carré avait l'air d'un nain à côté du géant Barbier. Voyez, Erckmann et Chatrian, Leterrier et Vanloo... Chivot et Duru... » Est-ce cette raison qui décida Lecocq à travailler avec les nouveaux auteurs, est-ce le livret qui l'a séduit bien qu'il ressemblât un peu à celui du Jour et la Nuit ? Aussi le succès alla plutôt à la partition qu'à la pièce elle-même.

« Jolie pièce, déclare Lecocq dans ses notes personnelles, jolie pièce dont les deux premiers actes sont les meilleurs ; le troisième ne m'a jamais satisfait : si cette pièce est reprise, un jour, à Paris, je me promets de remanier ce troisième acte ».

Mais ce dont le compositeur ne parla pas, c'est de sa partition ; elle compte parmi les plus ravissantes de son œuvre. D'une inspiration charmante et d'une facture pleine de grâce et de belle humeur, elle est à ce point réussie qu'il faudrait en citer presque tous les morceaux (175 représentations).

 

 

 

Fanfan la Tulipe (lithographie de Le Maresquier)

 

 

Deux jours après, les Folies-Dramatiques affichaient une opérette nouvelle de Paul Ferrier et Jules Prevel, musique de Louis Varney : Fanfan la Tulipe.

La mode était alors à « l'élément militaire » qui, dans les opérettes comme dans les comédies et dans les drames remplaçait « l'élément civil ». Lili, Madame le Diable, le Cœur et la Main avaient leurs soldats. Fanfan la Tulipe eut les siens et qui plus est, la bataille de Fontenoy ; ce fut un joli succès pour le compositeur, qui exploita avec art et ingéniosité la chanson populaire : des pages charmantes chantées avec goût par MM. Gobin, Bouvet, Simon-Max et Mmes Simon-Girard, Vernoux et Faivre pendant 84 représentations, furent vite appréciées et quelques-unes d'entre elles comptent parmi les mieux venues de Varney.

Après le grand succès du Canard à trois becs à la Renaissance, Koning avait immédiatement commandé une partition nouvelle à Emile Jonas. Puis Koning quitta la Renaissance et Gravière, le nouveau directeur, trouva, dans les cartons, la partition de la Bonne Aventure. Cette fantaisie de Bocage et de Najac se passe en Espagne. Les auteurs avaient cependant hésité quelque peu avant de se décider pour le pays qui servirait de cadre à leur pièce ; il était question de la Grèce, puis de l'Italie, mais pendant ce temps Jonas composait un véritable stock de boléros, de fandangos et de séguedilles et finalement l'Espagne fut adoptée. Malgré une excellente distribution avec Desclauzas, en danseuse ambulante, Mily-Meyer et Jolly, la Bonne Aventure ne fut jouée que quarante-huit fois.

 

 

 

Madame Grisier-Montbazon dans Gillette de Narbonne

 

 

Gillette de Narbonne, de Chivot, Duru et Audran, fut un des plus grands succès d'opérette : la carrière magnifique de la Mascotte avait mis le compositeur à la mode, il était devenu célèbre du jour au lendemain. Le sujet de Gillette de Narbonne était tiré d'un conte de Boccace, la Femme courageuse qui avait inspiré déjà : Tout est bien qui finit bien, le Saphir, opéra-comique de A. de Leuven, Michel Carré et Félicien David, enfin : le Cœur et la Main de Lecocq. La partition d'Audran où l'on retrouva les délicieuses et irrésistibles qualités musicales du compositeur devint rapidement populaire : elle avait été supérieurement interprétée et chantée par Morlet, Charles Lamy, Maugé, Riga, Mmes Montbazon et Gélabert.

L'année se termina enfin par une première à la Renaissance : Ninetta d'Hennequin et Bisson, musique de Raoul Pugno. Pugno, le célèbre pianiste virtuose, était alors âgé d'une trentaine d'années. Maître de chapelle à Saint-Eugène on venait l'entendre lorsqu'il jouait de l'orgue : et c'est peut-être cette fonction qui le décida, lui aussi, comme tant de ses illustres confrères, à écrire des opérettes.

Ninetta fut interprétée par Mmes Jeanne Granier, Desclauzas et Mily-Meyer, MM. Daubray, Jolly, Giraud... Belle distribution pour un jeune compositeur qui débutait.

 

 

 

la Princesse des Canaries (lithographie de Stop)

 

 

— 1883 —

06 janvier. — la Belle Catherine (1re), opérette en 1 acte du Marquis de Massa, musique de Jules Costé (Cercle de l'Union Artistique).

26 janvier. — Mam'zelle Nitouche (1re), opérette en 4 actes de Meilhac et Millaud, musique d'Hervé (Variétés).

27 janvier. — le Droit d'Aînesse (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Francis Chassaigne (Nouveautés).

27 janvier. — la Petite Veuve (1re), opérette en 1 acte de Verneuil, musique de Bovery fils (Théâtre Montmartre).

02 février. — A quelle heure s'amuse-t-on ?, opérette en 1 acte de Périchard, musique de Herbin (Concert Européen).

09 février. — la Princesse des Canaries (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Charles Lecocq (Folies-Dramatiques).

12 février. — les Pommes d'Or (1re), opérette-féerie de Chivot, Duru, Montréal et Blondeau, musique d'Edmond Audran.

22 février. — la Clémence d'Auguste, opérette en 1 acte de Darcy, musique de Georges Rose (Le Havre, Ambassadeurs).

21 mars. — le Premier Baiser, opérette en 3 actes de Najac et Toché, musique de Jonas (Nouveautés).

21 mars. — l'Amour en livrée, opérette en 1 acte de MM. Albert Carré et Paul Meyan, musique de Georges Street (Eldorado).

05 juillet. — Steeple Chase, opérette en 1 acte de M. Pierre Decourcelle, musique de Gaston Serpette (Londres).

06 juillet. — l'Amour qui passe (1re), opérette en 3 actes de Langlé et Ruelle, musique de A. Godard (Folies-Dramatiques).

07 juillet. — la Petite Fée, opérette en 3 actes de Gabret et Boris (Montmartre).

21 juillet. — Politique en ménage, opérette en 1 acte de Hermil, Numès et Thomy.

22 juillet. — les Trois Bossus, opérette en 3 actes de G. Rose (Le Havre).

26 juillet. — Tige de Lotus, opérette en 1 acte de Toché, musique de Serpette (Casino de Contrexéville).

07 août. — Aveugle par amour, opérette en 1 acte de Bertol-Graivil, musique de Sivry (Casino d'Etretat).

10 août. — le Bouquet de Violettes, opérette en 1 acte de Grisier et Boucheron, musique de André Martinet (Casino d'Aulus).

14 août. — l'Ami d'Oscar, opérette en 1 acte de Boucheron et Martinet (Casino d'Aulus).

17 août. — Insomnie, opérette en 1 acte de Mayrena et Cohen, musique de Gaston Serpette (Casino de Deauville).

18 août. — Mademoiselle Irma, opérette en 1 acte de Fabrice Carré, musique de Victor Roger (Casino de Trouville).

13 septembre. — Kel-Bel-Bal, opérette en 1 acte de Seurat et Vautier, musique de Georges Douay.

29 septembre. — le Vertigo, opéra-bouffe en 3 actes de H. Bocage et Crisafulli, musique d’Hervé (Renaissance).

14 octobre. — le Moulin des Lilas, opérette en 1 acte de Leclerc et Bonnet, musique de Bénard.

20 octobre. — Madame Boniface (1re), opérette en 3 actes d'Edmond Depré et Charles Clairville, musique de Paul Lacôme (Bouffes-Parisiens).

26 octobre. — le Roi de Carreau (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Lajarte (Nouveautés).

08 novembre. — François les Bas-Bleus (1re), opérette en 3 actes de Dubreuil, Burani et Humbert, musique de Firmin Bernicat et de M. André Messager (Folies-Dramatiques).

12 décembre. — le Présomptif, opéra-bouffe en 3 actes de Hennequin, Saint-Albin et Valabrègue, musique de L. Gregh (Bruxelles)

16 décembre. — Fanfreluche (1re), opérette en 3 actes de Burani, Hirsch et Saint-Arroman, musique de Gaston Serpette (Renaissance).

27 décembre. — la Dormeuse éveillée (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

 

 

 

Anna Judic dans Mam'zelle Nitouche

 

 

Dès le début de janvier, Hervé donna aux Variétés un de ses plus retentissants succès : Mam'zelle Nitouche ; on sait que dans cette amusante opérette le livret est signé Meilhac et Albert Millaud. C'est l'histoire même d'Hervé qui est portée à la scène. Célestin-Floridor ne font qu'un seul et même personnage, l'un pour le couvent et l'autre pour le théâtre, tout comme Florimond Roger et Hervé. Mam'zelle Nitouche, tout comme les autres comédies-opérettes de ce genre fut le triomphe de Judic. Hervé avait écrit une partition — classique aujourd'hui — qui ne comprenait pas moins de vingt-trois numéros plus amusants et plus entraînants les uns que les autres.

Avec Judic, Baron, Christian, Léonce et Cooper interprétèrent 212 fois consécutives l'éternelle Mam'zelle Nitouche.

 

 

 

Baron

 

 

Les Nouveautés offraient, le 27, la primeur d'une partition due à un jeune et nouveau compositeur, Francis Chassaigne : il s'agit du Droit d'Aînesse, de Leterrier et Vanloo ; jusqu'alors le musicien n'avait écrit que pour l'Eldorado.

Depuis la Fille de Madame Angot et le Pompon, Lecocq n'avait donné aucune opérette nouvelle aux Folies-Dramatiques. Aussi, la Princesse des Canaries qui ramena le compositeur au théâtre de ses plus grands succès, fut-elle l'occasion d'une véritable fête. « C'est une pièce bon enfant, sans prétention, déclara Lecocq ». La musique lui est bien appropriée. 132 représentations ont consacré le succès de cette œuvre qui ne fut jamais reprise à Paris et que créèrent Delannoy, Lepers, Dekueruel, Simon Max, Guy, Bartel et Mmes Simon-Girard, J. Andrée et Bl. Aubry.

Les Pommes d'Or eurent en 1873 un grand succès au Château-d'Eau. En 1883, elles revinrent sur la scène des Menus-Plaisirs, transformées de féerie en opérette. C'est-à-dire que le compositeur Edouard Audran écrivit vingt-huit morceaux qui furent substitués aux « airs anciens » de la création. Mais cette fantaisie peu divertissante n'eut que 57 représentations.

Quand le compositeur Jonas dut lire, aux Nouveautés, sa nouvelle partition : le Premier Baiser, sachant qu'il était de nature triste et mélancolique, il pria Gaston Serpette de lire à sa place. Ainsi, un allegro ne deviendrait pas un miserere et cette musique, ordinairement pimpante et d'un rythme sautillant serait jouée dans le mouvement. Serpette avait accepté, mais le jour venu, il se récusa et, ce fut un des deux librettistes, Raoul Toché qui donna à ses futurs interprètes connaissance de la partition du compositeur. A la première, cette musique, cependant, fut jugée banale et sans distinction (41 représentations).

Signalons, en passant, un opéra bouffe en 3 actes l’Amour qui passe, de Lenglé et Jules Ruelle, musique de Godart, qui fut joué sept fois aux Folies-Dramatiques.

On reprocha, assez généralement au Vertigo (Renaissance, 29 septembre) d'avoir inspiré à Hervé une partition conçue dans le même esprit de fantaisie abracadabrante que l’Œil crevé. Aussi la farce nouvelle du compositeur de Chilpéric ne manqua pas de laisser le public assez indifférent. Les spectateurs qui connaissaient les premières œuvres d'Hervé ne s'amusèrent plus de ces facéties un peu grosses dans leur bouffonnerie ; ceux qui ignoraient Hervé restèrent assez froids en écoutant ces charges d'atelier qui n'étaient plus de saison (47 représentations).

Hanté par le succès de la Jolie Parfumeuse que créa Louise Théo, Cantin, directeur des Bouffes voulait une opérette faite sur le même modèle. Théo avait été parfumeuse dans l'opérette d'Offenbach, elle devint confiseuse dans celle de Lacôme : Madame Boniface. Le compositeur de Jeanne, Jeannette et Jeanneton d'heureuse mémoire, écrivit, sur un livret très correct, clair et bien fait d'Ernest Depré et Charles Clairville, une partition fine, agréable et distinguée. A côté de la divette, les autres rôles furent chantés par MM. Maugé, Charles Lamy, Désiré, enfin le baryton Piccaluga (76 représentations).

Quelques jours après, le 26 octobre, les Nouveautés représentaient pour la première fois le Roi de Carreau de Théodore de Lajarte. Ce compositeur avait donné quelques mois auparavant à l'Opéra-Comique un délicieux petit acte, le Portrait, qui avait reçu un très sympathique accueil grâce à une musique franche, bien venue, sans prétention mais non sans agrément. Brasseur, comme tous les directeurs de théâtre toujours en quête d'un musicien nouveau avait confié le livret de Leterrier et Vanloo à Théodore de Lajarte qui composa sa partition en moins de trois mois. En réalité le premier acte fut le plus complètement réussi. Mais d'une manière générale, la musique gracieuse et charmante classa du premier coup Théodore de Lajarte, bien oublié aujourd'hui.

Vers 1880, un directeur de théâtre se répandait à travers Paris en répétant à tous les échos, qu'il venait de découvrir un musicien extraordinaire. Révélation, disait-il, un nouveau Mozart... hélas, une mauvaise santé, il ne dépassera pas la trente-sixième année...

Il s'agissait de Firmin Bernicat dont on avait joué les Beignets du Roi à Bruxelles. Ce furent les Folies-Dramatiques qui représentèrent cet ouvrage, interrompu par la mort de Bernicat et complété et développé par un tout jeune compositeur, débutant, lui aussi, M. André Messager. La partition de François les Bas-Bleus, pleine de qualités ravissantes renferme des pages charmantes ; rarement collaboration musicale fut plus heureuse. Interprètes : Bonnet — pour qui M. André Messager écrivit de nouveaux morceaux — Montrouge, Dekernel, Darman, Bartel, Mlles Jeanne André et Dharville.

Les Fantaisies-Parisiennes de Bruxelles avaient représenté, le 20 mars 1880, la Nuit de Saint-Germain, une opérette de Hirsch et Saint-Arroman, musique de Gaston Serpette. C'est cette même pièce qui, sous le titre de Fanfreluche fut jouée à la Renaissance le 16 décembre. Le livret, comme le titre, était changé. Paul Burani, confectionneur de poèmes d'opérettes avait remanié également l'intrigue. Fanfreluche y gagna-t-elle ? Toujours est-il que la partition, joliment écrite, pleine de verve, de charme et de distinction fut jugée bien supérieure au livret assez médiocre : des « trouvailles » inattendues, décidèrent du succès de la musique.

L'année enfin s'achevait avec une opérette nouvelle d'Audran : la Dormeuse éveillée, 3 actes de Chivot et Duru, Bouffes-Parisiens, 29 décembre. A cette époque-là, l'opérette commençait à traverser une crise : Offenbach était mort, la production d'Hervé se ralentissait, celle de Lecocq allait également décroissante. Toutes les opérettes des autres compositeurs étaient à peu près conçues dans la même formule et le genre ne se renouvelant pas, le public semblait se lasser un peu. Il est de fait qu'une partition de l'auteur de la Mascotte aurait dû être un petit événement : la Dormeuse éveillée cependant passa presque inaperçue, malgré Mme Grisier-Montbazon, créatrice de la Mascotte, Piccaluga, Charles Lamy, Maugé et Mlle Gélabert. En résumé livret naïf, musique banale malgré quelques motifs charmants.

 

 

 

les acteurs du théâtre des Variétés : Léonce, Berthelier, Coquelin cadet, José Dupuis, Pradeau, Baron

 

 

— 1884 —

16 janvier. — l'Oiseau Bleu (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Charles Lecocq (Nouveautés).

01 février. — la Cosaque (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Meilhac et Millaud, musique d'Hervé (Variétés).

02 février. — Mademoiselle Réséda (1re), opérette en 1 acte de J. Prevel, musique de Gaston Serpette (Renaissance).

15 février. — le Panache blanc, opérette d'Albert Carré, musique de Flon (Bruxelles).

28 février. — Son Excellence, ma femme, opérette en 1 acte, musique de L. Dubois (Bruxelles).

01 mars. — Entre deux Hercules, opérette en 1 acte de Chol et de Clercy, musique de Bousquet (Ba-ta-clan).

19 mars. — Babalin (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Jules Prevel, musique de Louis Varney (Nouveautés).

19 avril. — les Ecrits du Major, opérette en 1 acte de L. de Garat et Larsonneur, musique de Liouville (Ba-ta-clan).

Juin. — Malbrough, opérette en 3 actes de Milher, A. et L. Numès, musique de Deransart (Casino de Bougival).

28 juin. — les Deux Brésiliens, opérette en 1 acte de Verneuil, musique de Bovery fils (Montmartre).

10 août. — Joséphine, opérette en 1 acte d'Albert Millaud, musique de Louis Varney (Casino de Paramé).

18 septembre. — la Nuit aux soufflets (1re), opérette en 3 actes de d'Ennery, Paul Ferrier, musique d'Hervé (Nouveautés).

19 septembre. — le Grand Mogol, opérette en 4 actes de Chivot et Duru, musique d'Audran (Gaîté).

30 octobre. — le Château de Tire-Larigot, opérette en 3 actes de Blum et Toché, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

01 novembre. — Royal Amour, opérette en 1 acte de Lagrange et Christian de Trogoff, musique de Léon Vasseur (Alcazar).

1l novembre. — Rip (1re), opérette en 4 actes de Meilhac et Philippe Gille, musique de Robert Planquette (Folies-Dramatiques).

 

 

 

Brémont dans Rip

 

 

Après l'insuccès de la Princesse des Canaries, raconte Arnold Mortier, Lecocq avait fait un serment solennel : pendant un an il ne ferait plus de musique. En vain ses collaborateurs habituels lui offraient-ils les sujets les plus brillants. Lecocq restait fidèle à sa parole. Cependant, ne pouvant demeurer sans rien faire, le compositeur s'était amusé à écrire quelques couplets et chansons dont les paroles étaient également de lui. Un jour Chivot et Duru ayant entendu une de ces chansons : « c'est tout à fait ce qu'il faudrait au deuxième acte de l'opérette que nous venons de finir » déclarèrent-ils ensemble : cette opérette était l'Oiseau bleu, et Lecocq n'y put résister... il écrivit la partition.

Cette opérette était primitivement destinée aux Folies-Dramatiques ; mais l'Oiseau bleu s'envola sur la scène des Nouveautés. Lecocq le déplora. « Elle n'était pas dans son cadre, déclara-t-il, elle manquait de fantaisie pour le théâtre, alors que c'était un bon petit opéra-comique assez vieux jeu... »

Il est bon d'ajouter que le livret de Chivot et Duru était médiocre et que le talent de Lecocq ne réussit pas à décider du succès de cette pièce enfantine.

La Cosaque, d'Hervé, passa aux Variétés le 1er février, le même soir qu'Hérodiade aux Italiens : c'était la traditionnelle pièce pour Judic. Cependant la Cosaque n'eut pas le succès de Niniche, de Lili et de Mam'zelle Nitouche et ce fut aussi la dernière pièce de Meilhac, Millaud et Hervé aux Variétés. On s'accorda à dire que la partition d'Hervé était inférieure aux précédentes ; le deuxième acte fut refait en dix jours après une première répétition générale qui n'avait pas paru satisfaisante. Il existait, en effet, dans cet acte, une chanson pour Judic qui finissait ainsi :

 

Vite mesurons le calicot...

Krrr... (Bruit de calicot qu'on déchire)

Raccommodons le caraco.

 

Malheureusement Judic n'arriva jamais à imiter le bruit du calicot qu'on déchire : on essaya sans succès de confier ce refrain aux chœurs ; ils n'y parvinrent pas et une autre chanson la remplaça : la Petite Jeanneton, tirée des chants populaires de la France.

Babolin, de Louis Varney, connut une destinée moins brillante que Fanfan la Tulipe et que les Mousquetaires au Couvent. Cependant, les librettistes, Ferrier et Prevel, avaient imaginé une pièce originale et amusante. La partition bien qu'elle ne possédât pas les mêmes qualités parut facile mais agréable : des valses et des polkas nombreuses traversent de leur rythme les pages de cette partition que chantèrent et jouèrent Berthelier, Morlet, Albert Brasseur ; Mmes Vaillant-Couturier, Juliette Darcourt et surtout Mily-Meyer qui fut la triomphatrice de la soirée.

 

 

 

Madame Juliette Darcourt

 

 

Babolin termina heureusement la saison aux Nouveautés. A la réouverture, le 18 septembre, Brasseur donna une nouveauté d'Hervé sur un livret de d'Ennery et Paul Ferrier : la Nuit aux soufflets.

Le livret était l'amplification de trois actes d'un ancien vaudeville en 2 actes de Dumanoir et d'Ennery, joué, sous le même titre aux Variétés, en 1842. Cette tentative ne fut heureuse ni pour les librettistes ni pour le compositeur. La partition d'Hervé fut jugée comme étant sans verve et sans esprit ; la Nuit aux soufflets ne tint pas l'affiche plus de six semaines.

Mais le lendemain l'opérette prenait une éclatante revanche : la Gaîté donnait la première représentation du Grand Mogol de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran. Cet ouvrage avait été joué primitivement à Marseille le 24 février 1877 et c'est Jane Hading qui en remplissait le rôle principal. Pour cette première, sur la vaste scène de la Gaîté, le Grand Mogol fut... agrandi. L'opérette d'Audran est aujourd'hui trop connue pour que nous insistions davantage sur une partition des plus agréables, légère, aimable et pleine d'entrain. On en connaît par cœur les principaux airs. Interprètes : Cooper, Alexandre, Mesmæker, Scipion, Mmes Thuillier-Leloir et Gélabert.

 

 

 

Berthelier dans le Château de Tire-Larigot

 

 

Le Château de Tire-Larigot d'Ernest Blum, Raoul Toché, musique de Gaston Serpette, représenté le 30 octobre, termina l'année aux Nouveautés. La partition que le compositeur écrivit sur le livret un peu incohérent mais fort gai de ses collaborateurs ne compte pas parmi ses meilleures.

La dernière opérette de cette année-là fut Rip.

Rip était une opérette anglaise tirée d'une vieille légende et qui avait été jouée quatre cents fois consécutives au Comedie Theater ; ce nombre important de soirées constituait une belle promesse pour les Folies-Dramatiques. Rip, adapté par Meilhac et Gille, et illustré par le compositeur des Cloches de Corneville plut infiniment. La partition est connue, les motifs en sont sur toutes les lèvres, qu'il s'agisse de « c'est un rien, un souffle, un rien » soupiré avec un goût exquis et une voix délicieuse par un jeune tragédien de l'Odéon, Léon Brémont, ou du trio : Mes enfants, sachez qu'en ménage.... A côté de Léon Brémont, qui ne fit jamais que cette importante création musicale avant d'être le Jésus de la Samaritaine d'Edmond Rostand, on peut citer, Simon-Max, Dorman, Péricaud, Mmes Scalini et Mily-Meyer qui interprétèrent avec brio et charme la partition de cette opérette dont les représentations ne se comptent plus aujourd'hui.

 

— 1885 —

24 janvier. — Mam'zelle Gavroche, comédie-opérette en 3 actes de Gondinet, Blum et de Saint-Albin, musique d'Hervé (Variétés).

24 janvier. — les Grandes Manœuvres, opérette en 1 acte de Cohen et Norès, musique de Chassaigne (Concert des Ternes).

13 février. — la Vie Mondaine (1re), opérette en 4 actes de E. de Najac et Paul Ferrier, musique de Charles Lecocq (Nouveautés).

05 mars. — les Petits Mousquetaires (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Jules Prevel, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

15 mars. — les Canotiers de Suresnes, opérette en 1 acte, musique de Georges Rose (Laval).

27 mars. — Myrtille (1re), opérette en 3 actes de Erkmann-Chatrian et Maurice Drack, musique de Paul Lacour (Gaîté).

31 mars. — Pervenche (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

04 avril. — le Mariage au tambour (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani (d'après Alexandre Dumas), musique de Léon Vasseur (Châtelet).

10 avril. — l'Agence est au 33, opérette en 1 acte d'Amédée de Gallais et Péricaud, musique de Herpin (Scala).

10 octobre. — le Petit Chaperon Rouge (1re), opérette en 3 actes d’Ernest Blum et Raoul Toché, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

17 novembre. — la Fauvette du Temple (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et Humbert, musique de M. André Messager (Folies-Dramatiques).

28 novembre. — la Crémaillère (1re) opérette en 3 actes de Paul Burani et Albert Brasseur, musique de Robert Planquette (Nouveautés).

12 décembre. — la Béarnaise (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de M. André Messager (Bouffes-Parisiens).

22 décembre. — le Baron Frick (1re), opérette de Ernest Depré et Clairville fils, musique de Ernest Guiraud, Alphonse Duvernoy, Francis Thomé, André Wormser, Clément Broutin, Victorien Joncières, William Chaumet, Georges Pfeiffer, Th. de Bériot et Ferrand (Cercle Artistique de la rue Volney).

 

Mam'zelle Gavroche de Gondinet, Blum, Saint-Albin et Hervé, fut une des dernières partitions que le compositeur de l'Œil crevé donna aux Variétés. Cette comédie-opérette avait été écrite spécialement pour les débuts de Mlle Jeanne Granier sur cette scène. La délicieuse artiste y remporta un succès personnel considérable. Les autres interprètes, Dupuis, Christian, Baron, Lassouche s'y montrèrent fort amusants mais leur fantaisie ne permit point à l'ouvrage de dépasser 56 représentations.

La Vie Parisienne avait porté bonheur à Meilhac, Halévy et Offenbach : la Vie Mondaine de Najac, Paul Ferrier et Lecocq ne connut pas une si belle carrière. Il y manquait cette fantaisie et cette verve que le titre exigeait et que la pièce ne donna point. Sur un livret médiocre, Lecocq n'écrivit pas une de ses partitions les plus originales et la Vie Mondaine ne vécut pas plus de cinquante-deux jours. Lecocq jura, alors, un éternel adieu à l'opérette et se consacra à un ouvrage important pour l'Opéra-Comique.

Les Trois Mousquetaires, le roman célèbre d'Alexandre Dumas avaient déjà inspiré un drame de cape et d'épée. Une opérette s'imposait... Paul Ferrier et Jules Prevel, en adroits librettistes tirèrent une amusante fantaisie du drame de Maquet et Dumas. Le succès en fut très grand, et il est bon d'ajouter que la musique y contribua largement. Sans être très neuve la partition de Louis Varney souvent distinguée ne manquait ni d'adresse ni d'effets scéniques. Le soir de la première, l'enthousiasme fut tel qu'on vit le moment où le directeur allait être obligé de donner la pièce en deux jours. Et il en fut ainsi pendant 149 représentations où se firent applaudir Marguerite Ugalde, charmant d'Artagnan, Mmes Desclauzas, Jeanne Andrée et MM. Gobin, Simon-Max, Tony, Riom, Montaubry, Rigé, Péricaud, Gildès.

Une des jolies partitions de Lacôme est celle de Myrtille qu'il donna à la Gaîté. Sur un livret un peu simple d'Erkmann-Chatrian et Maurice Drack le compositeur de Jeanne, Jeannette et Jeanneton écrivit une de ses œuvres les mieux réussies. Cependant la musique ne fit pas vivre la pièce qui ne tint l'affiche que pendant 30 représentations.

Le 31 mars, les Bouffes donnèrent Pervenche d'Edmond Audran. Comme Myrtille, Pervenche ne dépassa pas la trentaine de représentations. Un livret manquant d'originalité et de nouveauté voire même de fantaisie pouvait-il inspirer un compositeur ? On a peine à retrouver dans cette partition la veine mélodique du musicien de la Mascotte et du Grand Mogol.

D'un vaudeville à succès, signé Alexandre Dumas, de Leuven et Brunswick, Paul Burani tira une opérette en 3 actes : le Mariage au Tambour. Il s'agit, comme on peut le deviner, d'une pièce militaire pour laquelle Léon Vasseur composa une partition pleine de verve et de distinction, bien que le tambour ait peut-être joué un rôle nécessaire mais par trop expressif dans la pièce. Ces trois actes, perdus sur la vaste scène du Châtelet, atteignirent péniblement quarante représentations et furent interprétés médiocrement. Mais le 2 juin, le Mariage au Tambour transporté aux Folies-Dramatiques se trouva infiniment mieux à son aise dans son véritable cadre. La distribution fut la même sauf en ce qui concerne un des rôles et qui fut repris par un débutant à Paris, M. Félix Huguenet du Théâtre du Parc à Bruxelles. Et ainsi, au cours de cette nouvelle carrière le Mariage au Tambour fit encore trente-quatre représentations.

La partition que Gaston Serpette composa pour le Petit Chaperon rouge de Blum et Toché, ne compte pas parmi les meilleures ; cependant des pages charmantes abondent dans cet ouvrage

léger mais pas très comique (52 représentations).

Le 17 novembre est une date : celle où fut représentée pour la première fois la première partition d'un des maîtres de l'opérette, M. André Messager : la Fauvette du Temple. Le futur compositeur des P'tites Michu et de Véronique s'était fait connaître et apprécier déjà en terminant François les Bas Bleus ; les véritables musiciens avaient deviné en lui les qualités de grâce, de charme et de distinction que le compositeur n'a jamais cessé de jeter, à profusion, dans toutes ses œuvres. Mais la Fauvette du Temple consacra définitivement son talent. Interprètes : Gobin, Simon-Max, Jourdan, Mmes Simon-Girard, Vialda et Savary.

La Crémaillère, opérette en 3 actes d'Albert Brasseur et Paul Burani, musique de Planquette, que Brasseur monta aux Nouveautés compta parmi les insuccès du répertoire, livret médiocre et partition plus voisine du café-concert que de l'opérette véritable (17 représentations).

Le succès considérable de la Fauvette du Temple ouvrait désormais les portes de tous les théâtres à M. André Messager. Aussi Mme Ugalde, qui avait pris la direction des Bouffes, monta, pour ses débuts, la Béarnaise de M. André Messager sur un livret de Leterrier et Vanloo. La pièce avait été distribuée et répétée, lorsque, à la générale, l'actrice imposée par Mme Ugalde et qui tenait le rôle principal, se montra à ce point insuffisante que d'un commun accord on décida de chercher immédiatement une autre interprète. Des amis du compositeur engagèrent vivement celui-ci à lire sa partition à Mme Jeanne Granier. A ce nom prononcé, le débutant frémit... Mais son hésitation fut de courte durée et bravement il se rendit chez la diva et commença à chanter sa partition. Le premier acte n'était pas achevé que Mme Jeanne Granier, musicienne comme la musique, acceptait avec joie de créer la Béarnaise. En huit jours elle apprit le rôle et la semaine suivante, on passait. Mme Jeanne Granier fut exquise dans ce double rôle de Jacquette et de Jacquet.

Signalons pour finir l'année, une opérette en 1 acte qui n'eut qu'une représentation : le Baron Frick. Ce ne fut pas un insuccès, bien au contraire, mais cette pièce donnée au Cercle Volney avait été composée par une dizaine de membres du cercle qui comptait alors quelques musiciens de valeur tels que Ernest Guiraud, Alphonse Duvernoy, Francis Thomé, André Wormser, Victorien Joncières, William Chaumet, Georges Pfeiffer, Ch. de Bériot, Fernand et Clément Broutin.

 

 

 

Serment d'amour (lithographie de Courtine)

 

 

— 1886 —

11 janvier. — la Fiancée du Tonkin, opérette en 1 acte de Guillaume Livet, musique de Georges Fragerolle (Concert des Batignolles).

13 février. — les Noces Improvisées (1re), opérette en 3 actes de Liorat et Fonteny, musique de Francis Chassaigne (Bouffes-Parisiens).

19 février. — Serment d'Amour (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Audran (Nouveautés).

20 mars. — Joséphine vendue par ses sœurs (1re), opérette-bouffe en 3 actes de Paul Ferrier et Fabrice Carré, musique de Victor Roger (Bouffes-Parisiens).

01 mai. — Il était une fois (1re), opérette en 3 actes de Adolphe Jaime et Doré-Simiane, musique d'Oscar de Lagoanère (Menus-Plaisirs).

30 mai. — A qui la Femme ?, opérette en 1 acte de Dufourmantel et Eugénie Ronnet (Bouffes-du-Nord).

01 juillet. — le Secret de Valotin, opérette en 1 acte de J. de Wailles fils, musique de Georges Rose.

01 septembre. — le Singe d'une nuit d'été, opérette en 1 acte de M. Edouard Noël, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens).

04 septembre. — Fla-Fla (1re), opérette en 3 actes de G. Hirsch et Giraudin, musique d'Hervé (Menus-Plaisirs).

06 octobre. — Adam et Eve (1re), opérette en 4 actes de Blum et Toché, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

19 octobre. — Madame Cartouche (1re), opérette en 3 actes de Pierre Decourcelle et W. Busnach, musique de Léon Vasseur (Folies-Dramatiques).

30 octobre. — la Cigale et la Fourmi (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Gaîté).

07 décembre. — la Princesse Colombine (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Emile André, musique de Robert Planquette (Nouveautés).

 

Les Noces improvisées, la deuxième nouveauté que Mme Ugalde monta aux Bouffes-Parisiens après la Béarnaise, ne furent pas un succès malgré l'originalité du livret. 32 représentations épuisèrent la carrière très brève de l'opérette d'Armand Liorat et Albert Fonteny, musique de Francis Chassaigne. Jusqu'à la veille de la représentation la pièce s'appelait la Mariée d'un jour. Ce titre n'ayant pas porté chance à un autre opéra-comique, on choisit le titre des Noces improvisées dont l'action, qui se déroule en Hongrie, met en scène Rackoczy qui chante sa marche (musique de Berlioz). Le compositeur, avec un si illustre collaborateur musical écrivit vingt morceaux qui ne manquent ni de charme, ni de couleur, ni de force mais bien d'originalité (35 représentations). Serment d'amour appartient à la même veine musicale qui inspira à Edmond Audran la Mascotte, Gillette de Narbonne et le Grand Mogol ; bref, de l'entrain, de la franche gaîté, de l'esprit et du sentiment. Créateurs : Marguerite Ugalde, Juliette Darcourt, Lantelme, MM. Berthelier, Morlet, Albert Brasseur (104 représentations).

 

 

 

Victor Roger

 

 

Joséphine vendue par ses sœurs fut cette année-là le grand succès des Bouffes et la révélation d'un jeune compositeur : Victor Roger. La très amusante opérette de Paul Ferrier et Fabrice Carré fit plus de deux cents représentations consécutives. Victor Roger, inconnu jusqu'alors déploya des qualités bien personnelles : sur une inspiration plaisante et facile, il fit valoir des dons de parodie qu'il maniait avec une charmante fantaisie. Sa partition alerte, pleine d'esprit et de gaîté renferme des motifs qui sont devenus bien vite populaires... et classiques. Rappelons : Ugène, tu m' fais languir ; un amusant quatuor : Où y a d' l'hygiène y a pas d' plaisir.

 

 

 

Joséphine vendue par ses sœurs (lithographie de Le Maresquier)

 

 

Glissons rapidement sur Il était une fois, opérette manquée d'Adolphe Jaime et Dozé-Simiane, musique d'Oscar de Lagoanère, représentée le 1er mai aux Menus-Plaisirs et signalons un acte d'Edouard Noël, musique de Gaston Serpette, joué à Trouville, trois ans auparavant, le Singe d'une nuit d'été créé par Mmes Grivot et Marguerite Ugalde aux Bouffes.

Nous voudrions passer sous silence Fla-Fla, comédie-opérette de Gaston Hirsch et Giraudin jouée le 4 septembre aux Menus-Plaisirs, mais la musique signée Hervé nous oblige à mentionner cette pièce qui ne fut jouée que cinq fois.

Parmi les partitions de Gaston Serpette, Adam et Eve ne compte pas parmi les plus réussies. Créée le 6 octobre aux Nouveautés par Mmes Théo, Lantelme, Marguerite Duval, MM. Berthelier, Brasseur père et fils, cette opérette qui fut jouée 63 fois, ne manque ni de bonne humeur, ni de verve, mais le livret un peu nébuleux a nui à la musique dans laquelle on retrouve cependant toutes les qualités aimables de ce compositeur.

Madame Cartouche, réunit, le 19 octobre, sur l'affiche des Folies-Dramatiques les noms de Busnach, Pierre Decourcelle et du compositeur de la Timbale d'argent : Léon Vasseur. Le livret parut un peu obscur, mais cependant, plein de scènes amusantes et vraiment bouffes. Quant à la partition, elle renferme d'excellentes pages d'un style fort agréable. Vauthier, Gobin, Riga, Guy, Mmes Grisier-Montbazon et Becker interprétèrent Madame Cartouche quarante fois.

 

 

 

Christian dans le Petit Poucet

 

 

La Gaîté, fut, cette année-là, un théâtre heureux : elle donna une féerie : le Petit Poucet, jouée 204 fois, puis soixante représentations du Grand Mogol ; elle afficha enfin le 30 octobre, la Cigale et la Fourmi, opérette de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran.

Les deux librettistes ont été souvent mieux inspirés qu'au cours de ces trois actes et dix tableaux qui n'ont, on s'en doute, qu'un rapport bien vague avec la fable de La Fontaine. Le musicien se tira cependant, fort habilement de ce livret banal ; il écrivit une partition remplie de jolies trouvailles mélodiques et d'agréables couplets. Il fut admirablement interprété par Mlle Jeanne Granier, dont les grandes créations ne se comptaient déjà plus ! Mme Thuillier-Leloir partagea avec elle, le succès de la soirée.

Farnie et Robert Planquette avaient donné en Angleterre une pièce intitulée Nell Gwynne dont le succès avait été loin d'être brillant. C'est cette même opérette, transformée et adaptée au goût français par Maurice Ordonneau qui fut représentée le 7 décembre aux Nouveautés, sous le titre de la Princesse Colombine. Cet ouvrage ne fut pas plus heureux en France qu'il n'avait été en Angleterre et sa carrière parisienne se borna à dix-neuf représentations. Cependant, on remarqua dans la partition de Planquette le même entrain bon enfant que dans ses autres œuvres.

 

 

 

la Fiancée des Verts Poteaux (lithographie de Le Maresquier)

 

 

— 1887 —

04 janvier. — les Grenadiers de Mont-Cornette (1re), opérette en 3 actes de Daunis, Delorme et Edouard Philippe, musique de Charles Lecocq (Bouffes-Parisiens).

15 janvier. — l'Agence Molina, opérette en 1 acte de L. Coblentz et Perelle, musique de G. Coedès (Tivoli).

25 janvier. — l'Amour Mouillé (1re), opérette en 3 actes de Prevel et Liorat, musique de Louis Varney (Nouveautés).

16 février. — Fleur de Lotus, opérette en 1 acte de G. Livet, musique de Georges Fragerolle (Lyon).

19 mars. — la Noce à Nini (1re), opérette-vaudeville en 3 actes de Emile de Najac et Albert Millaud, musique d'Hervé (Variétés).

19 mars. — On demande un gendre, opérette en 1 acte de Lambert et B. Lebreton, musique de A. de Villebichot (Eden-Concert).

23 mars. — Ninon (1re), opérette en 3 actes d'Emile Blavet et Paul Burani, musique de Léon Vasseur (Nouveautés).

30 mars. — la Gamine de Paris (1re), opérette en 3 actes de Leterrier et Vanloo, musique de Gaston Serpette (Bouffes-Parisiens).

06 avril. — le Bourgeois de Calais (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani, musique de M. André Messager (Folies-Dramatiques).

26 juillet. — Lydia, opérette en 1 acte de Lyden et Simon, musique de André Martinet (Casino de Contrexéville).

01 septembre. — le Chevalier Timide, opérette en 1 acte de William Busnach, musique d'Edmond Missa (Menus-Plaisirs).

20 septembre. — Adèle de Ponthieu, opérette en 3 actes de Michel Carré, musique de M. André Wormser (Aix-les-Bains).

21 septembre. — la Chasse au loup, opérette en 1 acte de Losseret et Guy, musique de Félix Pardon (Eden-Concert).

06 octobre. — Surcouf (1re), opérette en 4 actes de Chivot et Duru, musique de Robert Planquette (Folies-Dramatiques).

08 octobre. — le Sosie (1re), opérette-bouffe en 3 actes de A. Valabrègue, H. Keroul, musique de Raoul Pugno (Bouffes-Parisiens).

28 octobre. — On ne bouge pas sous les armes, opérette en 1 acte de E. Gallé, musique de G. Coedès (Cigale).

08 novembre. — la Fiancée des Verts Poteaux (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Audran (Menus-Plaisirs).

11 novembre. — Ali Baba (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Busnach, musique de Charles Lecocq (Alhambra de Bruxelles).

19 novembre. — Stratonice, opérette en 1 acte de E. Chardon, musique d'Edmond Diet (Menus-Plaisirs).

22 novembre. — Dix jours aux Pyrénées (1re), voyage circulaire en cinq actes et dix tableaux de Paul Ferrier, musique de Louis Varney (Gaîté).

30 novembre. — les Délégués (1re), opérette-vaudeville d'Emile Blavet et Fabrice Carré. musique d'Antoine Banès (Renaissance).

 

Cette année-là, fait assez curieux, tous les compositeurs d'opérette en vogue, au nombre de huit, occupèrent l'affiche avec une nouveauté et quatre compositeurs nouveaux débutèrent.

Hervé eut la Noce à Nini, Lecocq fit jouer les Grenadiers de Mont-Cornette et Ali-Baba, Léon Vasseur, Ninon, Planquette, Surcouf, Serpette, la Gamine de Paris, Audran, la Fiancée des Verts Poteaux, Louis Varney, l'Amour Mouillé et Dix jours aux Pyrénées, M. André Messager, le Bourgeois de Calais. De Raoul Pugno qui avait donné en 1877 un petit acte à Asnières : A qui la trompe ? et qui faisait jouer sa première opérette en 3 actes, Ninetta, en 1882, on représentait le Sosie. Trois nouveaux compositeurs d'opérette allaient se révéler : Edmond Diet, avec Stratonice, Edmond Missa, avec Lydia et le Chevalier Timide, enfin, Antoine Banès, avec les Délégués.

Charles Lecocq donna son opérette annuelle, les Grenadiers de Mont-Cornette, le 4 janvier, aux Bouffes-Parisiens. Cette pièce avait été attendue avec une certaine curiosité : Ugalde, la créatrice de tant d'œuvres célèbres, avait pris la direction du théâtre de la rue Monsigny pour y faire jouer sa fille, Marguerite, la divette tant applaudie des Nouveautés. Et, à cet effet, la directrice avait demandé au compositeur de Giroflé-Girofla, d'écrire un rôle pour celle-ci. Depuis longtemps Lecocq avait livré sa partition des Grenadiers de Mont-Cornette, mais le succès persistant de Joséphine vendue par ses sœurs en avait retardé l'apparition. C'est dire, dans quelles bonnes dispositions se trouvaient, le 4 janvier, les habitués des premières qui voulaient associer à la fois la mère et la fille dans une heureuse réussite. On applaudit, on acclama... malheureusement, l'accueil de ce soir-là fut sans lendemain. Le livret, imaginé par Daunis, Delorme et Edouard Philippe, d'une banalité impitoyable, manquait d'originalité et de verve ; la partition, de ce fait, peu réussie, ne parvint pas à sauver la pièce (18 représentations).

 

 

 

Lasouche dans l'Amour mouillé

 

 

Pour succéder au Cœur et la Main qui s'était joué 150 fois, les Nouveautés affichèrent le 25 janvier, l'Amour mouillé qui ne fit pas moins de 104 représentations. La partition que Louis Varney écrivit sur l'amusant livret de Prevel et Liorat compte parmi ses meilleures. Elle ne manque ni d'entrain, ni de fantaisie, le charme n'y fait pas défaut ; enfin, on y trouve, ce que le public demande, des numéros à succès que l'on fredonne pendant les entr'actes et en rentrant chez soi. Varney avait le secret de « l'air » qui, le lendemain, était chanté dans tout Paris et que les revues et les fééries employaient, à coup sûr.

Hervé avait juré qu'il n'écrirait plus de partition de vaudeville-opérette pour les Variétés. Depuis 3 ans, depuis la Cosaque, Anna Judic n'avait fait aucune nouvelle création sur la scène de son théâtre préféré. Mais un serment d'auteur est généralement prononcé pour n'être pas suivi. Aussi les Variétés offrirent-elles, le 19 mars, la primeur d'une pièce de Najac, Albert Millaud et Hervé : la Noce à Nini. Nous signalons simplement cette opérette très passagère qui ne fut jouée qu'une vingtaine de fois.

Ninon, de Paul Burani, Emile Blavet et Emile André, musique de Léon Vasseur (Nouveautés, 23 mars), n'est autre qu'une histoire très fantaisiste de Ninon de Lenclos : mais une histoire très simple. Quant à la partition de Léon Vasseur, malgré quelques réminiscences de la Timbale d'argent, elle renferme des mélodies faciles et tour à tour banales et distinguées (25 représentations).

Les Grenadiers du Mont-Cornette n'ayant pas réussi, après deux courtes reprises, les Bouffes représentèrent la Gamine de Paris de Leterrier, Vanloo et Gaston Serpette. Partition charmante, d'inspiration facile qui fut interprétée par : Maugé, Piccaluga, Charles Lamy, Gourdon, Jannin, Mmes Marguerite Ugalde, Mily-Meyer, Gilberte et Tassily (64 représentations).

Le Bourgeois de Calais de M. André Messager représenté le 6 avril aux Folies-Dramatiques aurait plutôt été à sa place à l'Opéra-Comique. Le livret trop sérieux et sans fantaisie de Dubreuil et Burani, inspira cependant au compositeur de la Fauvette du Temple une partition ravissante mais presque complètement oubliée. Sur un sujet terne, grave et historique, le musicien dont on attendait déjà beaucoup, et qui ne fit pas évanouir tant d'espoirs, écrivit une œuvre pleine de goût, de cette distinction si élégante et si française qui donne à toutes ses œuvres, un cachet si personnel.

Malheureusement, une partition complètement réussie ne peut sauver un mauvais livret. Il est cependant bien dommage que tant de pages exquises ne soient pas connues.

Edmond Missa, qui avait fait représenter Lydia, un acte, à Dieppe, le 26 juillet de la même année, débuta à Paris aux Menus-Plaisirs le 1er septembre avec le Chevalier Timide. Cette opérette en 1 acte (livret de William Busnach) fit pressentir un agréable compositeur (82 représentations).

La partition que Robert Planquette écrivit pour Surcouf (6 octobre, Folies-Dramatiques) sans être aussi populaire que celle des Cloches de Corneville n'en demeure pas moins réussie. Les idées en sont nouvelles, et l'inspiration d'une fraîcheur et d'une qualité exceptionnelles. Cette musique est facile, mais elle ne sent pas l'improvisation hâtive que l'on pouvait remarquer chez nombre de compositeurs d'opérettes. Les Folies-Dramatiques s'étaient mises en frais pour monter cette amusante opérette de Chivot et Duru. Le théâtre avait subi d'importantes transformations et l'électricité qui n'était pas encore dans la salle et sur la scène, illuminait cependant les couloirs. A cette occasion, le directeur avait bien fait les choses : l'orchestre, dirigé par Désiré Thibault avait été renforcé, on ne comptait pas moins de vingt-quatre choristes hommes et douze choristes femmes.

Bref, la musique de Planquette fut interprétée dans les meilleures conditions. Surcouf fut joué quatre-vingt-treize fois de suite par Morlet, Montrouge, Gobin, Guyon fils, Duhamel, Mmes Juliette Darcourt, Darcelle, etc...

Raoul Pugno qui, avec ses œuvres précédentes, s'était déjà imposé comme un excellent musicien, doué de riches et brillantes qualités, donna le Sosie aux Bouffes, le 8 octobre. Il est bon de dire, pour justifier l'insuccès total de cette opérette qui fut jouée 18 fois, que le livret assez médiocre manquait d'esprit et de gaîté ; cependant, la partition renfermait des pages d'une inspiration charmante signées d'un véritable musicien.

Une fois de plus, à propos de la Fiancée des Verts Poteaux de Maurice Ordonneau et Edmond Audran nous allons attribuer l'insuccès de la partition à Maurice Ordonneau. Les librettistes d'opérettes manquaient souvent d'invention ; mais ils confectionnaient leur scénario avec tant de rapidité que les musiciens heureux d'avoir un collaborateur expéditif acceptaient souvent, trop facilement, des livrets qui condamnaient leur musique d'avance.

Glissons donc rapidement sur cette « Fiancée » qui ne fut jouée que trente-deux fois.

Charles Lecocq, à Bruxelles, y fit représenter, le 11 novembre, sa grande opérette en 4 actes et 8 tableaux : Ali Baba, paroles de Vanloo et Busnach. Comme on le devine le célèbre conte des « Mille et une Nuits » avait été transporté à la scène mais sans une grande originalité. La partition, de vingt-cinq numéros, fut vivement applaudie à la création ainsi que diversement accueillie. Les uns prétendirent qu'elle pouvait compter parmi les meilleures de Lecocq. Les autres et nous avons de bonnes raisons de croire en leur jugement, reprochèrent au compositeur le manque de « couleur locale » ce qui ne fut pas sans nuire à la réussite de cette œuvre (28 novembre 1889) ; Ali Baba ne tint pas l'affiche plus de trente fois.

Si nous mentionnons ici : Stratonice, opéra-comique en 1 acte de Eugène Chadon, joué aux Menus-Plaisirs c'est plutôt pour signaler un débutant Edmond Diet, fils d'un architecte, de l'Institut, et élève de César Franck.

La partition que Louis Varney composa pour le vaudeville de Paul Ferrier : Dix jours aux Pyrénées n'est qu'une musique sans prétention mais non sans gaîté qui accompagna directement les péripéties inventées par Paul Ferrier.

Les Délégués, un amusant vaudeville d'Emile Blavet et Fabrice Carré, révéla, aux Nouveautés, le 30 novembre, le nom d'un compositeur nouveau : Antoine Banès. Pour cette pièce, le musicien qui possédait des qualités de rythme bien personnelles, écrivit une partition aimable et plaisante : on remarqua quelques airs particulièrement bien réussis : Saint-Germain, Brasseur père et fils, Guy, Riom, Mmes Grisier-Montbajon, Fournier, interprétèrent 21 fois ce vaudeville.

Signalons, en fin d'année, la petite partition que Gaston Serpette écrivit pour un des premiers vaudevilles de Georges Feydeau : la Lycéenne... et n'insistons pas sur ces quelques numéros que le musicien composa en quatre jours et qui n'ajoutèrent rien à sa réputation.

 

— 1888 —

19 janvier. — Mam'zelle Crénom, opérette en 3 actes d'Adolphe Jaime et Georges Duval, musique de Léon Vasseur (Bouffes-Parisiens).

31 janvier. — Ut et Luth, opérette en 1 acte de Rousseau et Bladran (Délassements-Comiques).

01 février. — la Volière, opérette en 3 actes de Nuitter et Beaumont, musique de Charles Lecocq (Nouveautés).

16 février. — les Premières Armes de Louis XV, opérette en 3 actes de M. Albert Carré et d'après Benjamin Antier, musique de Firmin Bernicat (Menus-Plaisirs).

18 février. — le Rêve, opérette en 1 acte de Semiane et Albert Gerès, musique de A. Cieutat (Menus-Plaisirs).

15 mars. — le Puits qui parle, opérette en 3 actes de Paul Burani et Beaumont, musique d'Edmond Audran (Nouveautés).

23 mars. — Balazi-Boumboum, opérette en 1 acte de J.-A. Praigneau et Edmond Roger (Eldorado).

24 mars. — le Garde-Chasse, opérette en 1 acte de Max Guy, Maurice Millet et Lucien Collin (Eden-Concert).

07 avril. — le Maître du Diable, opérette-féérie en 3 actes d'après Edouard Cadol, musique de Roubaud (Fantaisies-Nouvelles).

11 avril. — la Belle Sophie (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et Adenis, musique d'Edmond Missa (Menus-Plaisirs).

19 avril. — le Valet de Cœur, opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Charles Clairville, musique de Raoul Pugno (Bouffes-Parisiens).

17 mai. — le Voyage en Ecosse, opérette en 1 acte de Cottin et Lecomte, musique de Victor Roger (Lille).

21 juin. — l'Amour au Village, opérette en 1 acte d'Albert Riondel et Emile Vamys (Menus-Plaisirs).

11 août. — Divorcée, opérette en 1 acte de Raoul Toché, musique de Louis Varney (Cabourg).

11 septembre. — Aux trois gigots, opérette en 1 acte de France, Pacra et Fresnoy (Concerts-Parisiens).

24 septembre. — Miette (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Audran (Renaissance).

05 octobre. — le Marché du Faubourg Saint-Denis, opérette en 1 acte d'Octave Pradels et Celmar (Scala).

15 octobre. — Oscarine (1re), opérette en 3 actes de Nuitter et Albert Guinon, musique de Victor Roger (Bouffes-Parisiens).

26 octobre. — la Gardeuse d'oies (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Leterrier, musique de Paul Lacôme (Renaissance).

26 octobre. — le Coq de Blésigny, opérette en 1 acte de Gille et Lucien Collin (Eden-Concert).

16 novembre. — la Petite Fronde (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Folies-Dramatiques).

17 novembre. — Battu et Content, opérette en 1 acte de H. Briard et A. Taverne, musique de Paul Wachs (Gaîté-Rochechouart).

23 novembre. — la Japonaise (1re), opérette-comédie d'Albert Millaud et de Najac, musique de Louis Varney (Variétés).

27 novembre. — la Veillée de Noces (1re), opérette en 3 actes d'Alexandre Bisson, Bureau et Jalliot, musique de Frédéric Toulmouche (Menus-Plaisirs).

05 décembre. — le Mariage avant la lettre (1re), opérette en 3 actes d'Adolphe Jaime et Georges Duval, musique d'Olivier Métra (Bouffes-Parisiens).

 

 

 

Jeanne Thibault dans le Mariage avant la lettre

 

 

L'année 1888 ne fut pas une année exceptionnelle pour l'opérette. Sur une trentaine d'ouvrages, une douzaine à peine, méritent d'être signalés et encore, grâce aux noms de leurs compositeurs. Mais aucune de ces œuvres ne connut le grand succès, qu'il s'agisse de la Volière (Lecocq), de Mam'zelle Crénom (Vasseur), des Premières armes de Louis XV (Bernicat et Messager), de Miette, de la Petite Fronde, du Puits qui parle, toutes les trois d'Audran, d'Oscarine (Victor Roger), de la Gardeuse d'oies (Paul Lacôme), ou de la Japonaise de Louis Varney, aucune de ces partitions ne demeure, aucune n'a laissé de brillants souvenirs.

Mam'zelle Crénom est, en vérité, un vaudeville dans lequel la musique ne tient pas une bien grande place. Léon Vasseur composa, pour ces trois actes gais et assez divertissants d'Adolphe ]aime et Georges Duval quelques morceaux assez bien venus. Mam'zelle Crénom interprétée par Cooper, Montrouge, Piccaluga, Mmes Grisier-Montbazon, Macé-Montrouge et Gilberte obtint 100 représentations.

La Volière, opérette en 3 actes de Nuitter et Beaumont, musique de Charles Lecocq remporta, aux Nouveautés, le 11 février, un insuccès total.

Le compositeur en fait d'ailleurs un aveu très sincère dans les notes curieuses que M. Louis Schneider reproduit dans le volume qu'il a consacré au musicien. « Quel four », écrit Lecocq, et bien mérité. Pièce sans intérêt, sans gaîté : partition terne, le tout mal chanté, mal joué, mal monté. Onze représentations !

« La Volière et les Grenadiers de Mont-Cornette dont personne ne se souvient (heureusement) remportèrent deux de ces vestes piteuses qui ne méritent pas qu'on en parle : et ces deux pièces lamentables me donnèrent cent fois plus de mal à musiquer que la triomphante Fille de Madame Angot ».

Nous avons signalé une partition de Firmin Bernicat, les Beignets du Roi jouée en 1882 à Bruxelles. Le compositeur, très malade à cette époque avait achevé de ruiner sa santé par un excès de travail ; il avait, en moins de quinze jours, orchestré toute sa partition et refait complètement le troisième acte. Sa musique sans grande originalité n'est cependant pas sans valeur ; on la jugeait gaie, sans vulgarité, élégante et délicate. Le compositeur André Messager qui avait si heureusement collaboré à François les Bas-bleus se livra au même travail pour les Beignets du Roi qui devinrent, à Paris, aux Menus-Plaisirs, les Premières armes de Louis XV. Le musicien de la Fauvette du Temple refit le finale du premier acte et celui du deuxième : il ajouta quelques numéros qui se fondirent très agréablement dans la partition de Bernicat (44 représentations).

Après l'échec de la Volière aux Nouveautés, Brasseur se hâta de mettre en répétition le Puits qui parle. Audran surpris par une telle urgence n'avait pas achevé sa partition. Il l'écrivit et l'orchestra, au jour le jour, tandis qu'on envoyait chez le copiste les feuillets terminés. Malgré la hâte d'Audran sa musique parut toujours facile et gracieuse ; on lui reprocha de manquer de personnalité et on y retrouva quelques réminiscences... La troupe des Nouveautés interpréta 45 fois le Puits qui parle.

Et la Belle Sophie succéda, aux Menus-Plaisirs, aux Premières armes de Louis XV, comme le Puits qui parle avait suivi, aux Nouveautés la Volière et, d'ailleurs sans plus de succès. Le livret de Burani et Adenis était d'une insignifiance absolue ; la musique d'Edmond Missa, pleine d'inexpérience, valait mieux, cependant.

Que dire du Valet de Cœur de Raoul Pugno ? Cette opérette de Paul Ferrier et Charles Clairville ressemblait à tous les livrets ordinaires, et le compositeur ne fut pas inspiré. Il écrivit cependant une musique distinguée et fine qu'on apprécia pendant une quinzaine de représentations.

La Renaissance qui avait abandonné l'opérette pour le vaudeville et la comédie, revint, en septembre, à ce genre qui lui avait valu ses plus grands succès. Aussi Miette la partition nouvelle d'Edmond Audran était vivement attendue. Mais cette partition déçut quelque peu les admirateurs de la Mascotte et du Grand Mogol et Miette n'ajouta rien au renom d'Audran ; on y retrouva quelques réminiscences et quelques rythmes connus (28 représentations).

Après l'insuccès du Valet de Cœur aux Bouffes, Mme Ugalde abandonna la direction de son théâtre. Un impresario américain s'en rendit maître et fit savoir qu'il allait révolutionner les Bouffes. A cet effet, il choisit une opérette de Charles Nuitter et Albert Guinon, musique de Victor Roger : Oscarine. Ce n'était pas sensationnel. Il fit des engagements nouveaux, commanda des décors somptueux et donna le 15 octobre la première représentation de cet ouvrage. Le libretto parut assez décousu, banal même, mais on s'accorda à retrouver dans la musique de Victor Roger les aimables qualités qu'on avait remarquées dans ses autres partitions : une inspiration charmante ainsi qu'une orchestration très soignée.

Au bout de six semaines, après 45 représentations, sans éclat, Oscarine céda la place au Mariage avant la lettre d'Olivier Métra qui fit, péniblement, 13 représentations.

Miette n'ayant pas réussi, la direction de la Renaissance décida de monter une opérette de Leterrier et Vanloo, musique de Paul Lacôme : la Gardeuse d'oies. Cette œuvre avait une histoire. Elle était écrite et terminée depuis dix ans. Elle fut présentée à Koning, alors directeur de cette même Renaissance ; mais à ce moment Planquette avait achevé pour Mme Jeanne Granier un rôle de gardeuse de dindons : les oies s'inclinèrent et laissèrent le pas aux dindons... L'insuccès de Miette vint rendre la vie aux oies sur lesquelles le directeur comptait pour sauver son théâtre. Il manda Lacôme en hâte : le compositeur souffrant chargea son collègue et ami Gaston Serpette de le suppléer et de suivre les répétitions. On s'aperçut, cependant que l'action, comme celle de Miette se déroulait dans le midi : deux opérettes se suivant, dans un même théâtre, ne pouvaient avoir le même cadre. C'est pourquoi l'intrigue fut transportée de la Provence en Normandie et la chanson à boire qui célébrait le vin, vanta en termes aussi chaleureux le cidre déjà chanté (49 représentations).

La Petite Fronde de Chivot, Duru et Audran, eut le tort de venir après la Petite Mademoiselle de Meilhac, Halévy et Lecocq ; les spirituels collaborateurs avaient, semble-t-il, épuisé le sujet. Si, du moins, Meilhac et Halévy ont écrit leur livret avec goût, tact, fantaisie et esprit, Chivot et Duru n'ont pas eu la taille nécessaire pour se mesurer avec les deux maîtres. Quant à la partition d'Audran, assez bien venue, dans son ensemble, elle ne brillait que par sa facilité et sa clarté habituelles (39 représentations).

Hervé ayant, définitivement cette fois, renoncé à écrire la musique des vaudevilles-opérettes pour les Variétés, Emile de Najac et Albert Millaud intarissables, s'adressèrent, pour la Japonaise à Louis Varney. Cette pièce faite spécialement pour Anna Judic était un simple prétexte à couplets pour la grande artiste. Remarquablement entourée par Lassouche, Barral, Raimond, Blondelet, Landrin et par Mmes Marcelle Lender, Réal, Meriany et Yvette Guilbert (alors débutante et inconnue), Judic ne réussit pas à défendre ce vaudeville qui fut joué 13 fois.

 

— 1889 —

30 janvier. — la Vénus d'Arles (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Armand Liorat, musique de Louis Varney (Nouveautés).

01 février. — le Retour d'Ulysse (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique de Raoul Pugno (Bouffes-Parisiens).

28 février. — Barbe Bleuette, opérette en 1 acte de Raoul de Najac, musique de Francis Thomé (Hôtel Continental).

29 mai. — la Tour de Babel (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Pierre Elzear et Auguste Paer, musique de Paul Fauchey (Renaissance).

04 juillet. — Don Quichotte, opérette en 1 acte d’E. Deschamps, musique d'Emile Pessard (Menus-Plaisirs).

08 juillet. — Lola, opérette en 1 acte de Chauvin, musique de Willent-Bordogni (Bouffes-Parisiens).

10 juillet. — la Fille de Cacolet, vaudeville-opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique d'Edmond Audran (Variétés).

12 octobre. — le Gagne Petit, opérette en 1 acte, musique de G. Rose (Epoque).

01 novembre. — la Noce à Patochard, opérette en 1 acte de G. Rose (Epoque).

30 novembre. — l'Auvergnat par Amour, opérette en 1 acte, musique de G. Rose (Epoque).

30 novembre. — la Belle Tunisienne, opérette en 1 acte de Maurice Bouchor, musique de M. Gaston Lemaire (Cercle des Mathurins).

18 décembre. — le Mari de la Reine, opérette en 3 actes de Grenet-Dancourt et Octave Pradier, musique de M. André Messager (Bouffes-Parisiens).

 

Année très pauvre en production et en succès. L'opérette somnole : Hervé, Vasseur, Planquette, Serpette se reposent ; Louis Varney, Audran, Raoul Pugno et M. André Messager font, seuls, les frais de nouveautés peu sensationnelles, il faut le reconnaître. Quelques noms inconnus, Emile Pessard, Paul Fauchey, apparaissent timidement ; aucune révélation en 1889, une année à reprises de grands succès ; les directeurs préfèrent tenir... l'affiche que courir des risques...

La Vénus d'Arles de Louis Varney inaugure la série le 30 janvier ; mais sa carrière s'arrête le 20 février. Pièce incolore de Paul Ferrier et Armand Liorat et partition assez insignifiante de Louis Varney.

Le Retour d'Ulysse de Raoul Pugno donné le lendemain aux Bouffes ne connut pas une carrière beaucoup plus brillante. Après 36 représentations, Ulysse pense au départ ; le livret de Fabrice Carré, assez banal et facile, évoque d'une manière trop parodique la Belle Hélène. La partition de Raoul Pugno, malgré d'incontestables qualités musicales ne réussit pas à sauver une pièce ennuyeuse.

La Tour de Babel, opéra-bouffe de Paul Fauchey réussit encore moins à la Renaissance le 29 mai; cinq représentations en limitèrent la carrière. Les amis du compositeur affirmèrent que Paul Fauchey avait écrit cette partitionnette sans prétention ; ce fut dommage.

La Fille de Cacolet, vaudeville-opérette de Chivot, Duru et Audran garda 17 jours l'affiche, aux Variétés. Livret insignifiant et puéril, partition agréable dont nous citerons la chanson de la mousse et une séguedille... C'est peu.

Enfin le 18 novembre, les Bouffes-Parisiens donnèrent le Mari de la Reine, de Grenet-Dancourt et Octave Pradel, musique de M. André Messager. Livret enfantin mais partition où l'on retrouve tous les dons exceptionnels du compositeur de la Fauvette du Temple.

Et pour une année d'exposition ces théâtres d'opérette furent obligés de faire des reprises de leurs plus grands succès.

 

 

 

Brasseur et Lauret dans Mimi

 

 

— 1890 —

13 janvier. — Friquette et Blaisot, opérette en 1 acte de Ch. Narrey et Michel Carré, musique d’A. Millet.

24 janvier. — Cendrillonnette, opérette en 4 actes de Paul Ferrier, musique de Gaston Serpette et Victor Roger.

04 février. — Ma Mie Rosette (1re), opérette en 3 actes de Prevel et A. Liorat, musique de Paul Lacôme (Folies-Dramatiques).

14 février. — l'Entr'acte, opérette en 1 acte de M. Boucheron, musique d’A. Martinet, (Menus-Plaisirs).

01 mars. — Amour et Gigot, opérette en 1 acte de Saché, musique de G. Rose (L'Epoque).

08 mars. — l'Article 909, opérette en 1 acte de Doyen, Giraud et Capdeville (Montparnasse).

10 mars. — Un pas de Clerc, opérette en 1 acte de Riondel, musique d’E. Camys (Bouffes-Parisiens).

13 mars. — le Fétiche (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Charles Clairville, musique de Victor Roger (Menus-Plaisirs).

14 mars. — l'Œuf Rouge (1re), opérette en 3 actes de William Busnach et Vanloo, musique d'Edmond Audran (Folies-Dramatiques).

15 mars. — Pas de Sapeur, opérette en 1 acte de Léon Cantin, musique de V. Robillard (Gaîté-Montparnasse).

17 mars. — le Roi Claquette, opérette en 1 acte d'Eugène Héros et Alexandre Karaval, musique de Félix Chaudoir (Européen).

29 mars. — la Vocation de Marius (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Fabrice Carré et Debelly, musique de Raoul Pugno (Nouveautés).

19 avril. — Une Course de Nounous, opérette en 1 acte de L. et F. Beauvallet, musique de G. Rose (Epoque).

25 avril. — les Pensionnaires au Vésuve, opérette en 1 acte d’Ulrich, musique de François Perpignan (Ba-ta-clan).

20 juin. — la Fille de l'Air, opérette-féérie en 3 actes des frères Cogniard et Raymond, couplets nouveaux d'Armand Liorat, musique nouvelle de Paul Lacôme (Folies-Dramatiques).

05 juillet. — la Petite Tonkinoise, opérette en 1 acte de Fernand Bessier et Breton, musique d'Albert Petit (Eden-Concert).

05 juillet. — le Capitaine Thérèse (1re), opérette en 3 actes d'Alexandre Bisson et Burnaud, musique de Robert Planquette (Londres).

14 août. — les Bagatelles de la Porte, opérette en 1 acte de Baer, musique d'Hervé (Menus-Plaisirs).

19 septembre. — Grande Vitesse port dû, opérette en 1 acte de Philibert, musique de L. Gregh (Cigale).

26 septembre. — le Rosier de Théodule, opérette en 1 acte de J. Sermet, musique de L. Gangloff (Européen).

08 novembre. — l'Egyptienne (1re), opérette en 3 actes de Chivot, Nuitter et Beaumont, musique de Charles Lecocq (Folies-Dramatiques).

12 novembre. — Miss Helyett (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

26 novembre. — Samsonnet (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier, musique de Victor Roger (Nouveautés).

01 décembre. — En Chasse, opérette en 1 acte de B. Lartigue et de Roussel, musique de L. Gangloff (Européen).

16 décembre. — les Douze femmes de Japhet, vaudeville-opérette de A. Mars et Desvallières, musique de Victor Roger (Renaissance).

18 décembre. — la Fée aux Chèvres, opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Vanloo, musique de Louis Varney (Gaîté).

 

Cette année-là qui vit une trentaine d'opérettes nouvelles, dont une de Lecocq, un acte d'Hervé, et des œuvres de Varney, Victor Roger, Planquette, Lacôme, n'aurait rien laissé d'important si Audran, après l'Œuf Rouge de fugitive carrière n'avait donné vers la fin de 1890, Miss Helyett aux Bouffes-Parisiens. La saison avait d'ailleurs heureusement débuté, passage Choiseul, par Cendrillonnette, une opérette qui réunissait les noms de deux compositeurs en vogue : Gaston Serpette et Victor Roger. Cette opérette charmante, amusante et très « bon enfant » fit une première carrière de 125 représentations consécutives. La collaboration des deux musiciens fut excellente ; l'un et l'autre, rivalisèrent de vivacité, d'esprit et de charme.

Moins heureuse fut la fortune de Ma Mie Rosette dont le livret manquait d'invention, d'originalité et de nouveauté, mais pour laquelle Lacôme écrivit une partition charmante et très gracieuse (44 représentations).

Le Fétiche : encore une pièce assez banale dotée d'une partition alerte, pimpante, bien rythmée et sans prétention de Victor Roger. Le sujet, sans originalité, les détails et les inventions scéniques qu'on salue au passage comme de vieilles connaissances n'ont pas empêché le musicien d'écrire plus de vingt morceaux (37 représentations).

Aux Folies-Dramatiques, une nouveauté d'Audran : l'Œuf Rouge mais qui n'occupa l'affiche que trente fois, après un accueil sans enthousiasme, le livret, dirons-nous, toujours le livret ! Evidemment on ne trouve pas tous les jours un sujet et des librettistes pour le traiter. Que de partitions même signées par les plus illustres compositeurs d'opérettes sont-elles vouées à l'oubli le plus complet à cause de la pauvreté des livrets ! Pourquoi un compositeur tel qu'Audran qui avait écrit la Mascotte et le Grand Mogol accepta-t-il un livret de Busnach et Vanloo, les grands « faiseurs » de l'époque, tel que celui de l'Œuf Rouge ? Cela ne l'empêcha pas certes d'avoir d'heureuses trouvailles musicales mais une telle partition n'était-elle pas condamnée d'avance ?

Signalons pour mémoire, une reprise ; celle de la Fille de l'Air, une ancienne féérie des frères Cogniard, créée en 1837, puis transformée en opérette sur des couplets nouveaux et une partition de Lacôme. Reprise sans grand éclat et surtout sans longue durée (41 représentations).

Citons également un petit acte inédit d'Hervé, les Bagatelles de la Porte qui accompagna, aux Menus-Plaisirs vingt et une fois l'Œil crevé qui fut repris, à cette époque, pour cinquante représentations.

Charles Lecocq qui n'avait rien donné depuis 1888, fit représenter le 8 novembre, l'Egyptienne aux Folies Dramatiques. Le livret de Chivot, Beaumont et Nuitter, d'une indigence extrême, sans esprit, et même sans fantaisie, n'inspira guère le musicien de la Fille de Madame Angot. Il écrivit cependant vingt-quatre morceaux qui composent une partition sans éclat. Au bout de vingt-deux représentations l'Egyptienne abandonna l'affiche. Quatre jours après, les Bouffes donnaient une nouveauté d'Audran après l'échec de l'Œuf Rouge le compositeur avait une revanche à prendre ; il la prit avec Miss Helyett. Est-ce à dire pour cela que la partition de Miss Helyett est meilleure que celle de l'Œuf Rouge ? Ce n'est pas certain. Cependant le sujet, plaisant, l'action rapide, la musique alerte et plaisante, écrite sans prétention mais avec invention et esprit, enfin, la révélation d'une nouvelle actrice, Biana Duhamel, tout cet ensemble contribua à faire de Miss Helyett un des plus grands succès de l'opérette française. Les Bouffes jouèrent huit cent seize fois de suite la partition d'Audran !

 

 

 

Bianca Duhamel dans Miss Helyett

 

 

Samsonnet, de Paul Ferrier et Victor Roger ne fit qu'une carrière de 25 représentations aux Nouveautés : aventure banale mais partition distinguée.

Les Douze femmes de Japhet, un amusant vaudeville d'Antony Mars et Maurice Desvallières fut, pour le compositeur Victor Roger l'occasion d'écrire une partition non sans gaîté.

L'année 1890 s'acheva enfin par une œuvre nouvelle et sans éclat de Varney, celle de la Fée aux Chèvres, opérette féérie de Paul Ferrier et Albert Vanloo représentée à la Gaîté.

 

— 1891 —

18 janvier. — Aladin ou la lampe merveilleuse, opérette-féerie en 4 actes d'Ernest Deburé, musique d'Albert Renaud (Galerie Vivienne).

19 janvier. — Difficile à manier, opérette en 1 acte de Bénédic, d'Arsay et Villeneuve (Ternes).

23 février. — le Casino de Monte-Pognon, opérette en 1 acte d'Eugène Héros et d'Alexandre Karaval, musique de Félix Chaudoir (Concert Européen).

26 février. — le Sérail d'Ali Babaoum, opérette en 1 acte de V. Ouvrier, musique de Colo­Bonnet (Folies-Bergère du Havre).

05 mars. — la Petite Poucette (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et M. Hennequin, musique de Raoul Pugno (Renaissance).

24 mars. — l'Oncle Célestin (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Kéroul, musique d'Edmond Audran (Menus-Plaisirs).

16 avril. — l'Entresol, opérette en 1 acte de Georges Villain (Bouffes-Parisiens).

24 avril. — l'Ambassadeur, opérette en 1 acte de Marc Redouel, musique de Gangloff (Européen).

25 avril. — l'Empailleur du roi, opérette en 1 acte de Riffey et Ad. Roullet, musique de Gangloff (Ba-ta-clan).

02 mai. — la Demoiselle du téléphone (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Devallières et Antony Mars, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

02 mai. — la Famille Vénus (1re), opérette-vaudeville en 3 actes de Charles Clairville et Bénédite, musique de Léon Vasseur (Renaissance).

23 mai. — « Il est fou », opérette en 1 acte de Paul Thiellez, musique de Th. Sourilas (Ba-ta-clan).

21 juin. — la Leçon de chant, opérette en 1 acte d'Eugène Adenis, musique de Laurent de Rillé (Galerie Vivienne).

04 juillet. — les Amoureux d'Yvonne, opérette en 1 acte de Benjamin Lebreton et Henri Moreau, musique d'Albert Petit (Eden-Concert).

18 septembre. — Compère Guilleri (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et J. Cavalier, musique de H. Perry (Menus-Plaisirs).

24 septembre. — le Mitron (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Bouchardon et Antony Mars, musique d'André Martinet (Folies-Dramatiques).

26 septembre. — A Cronstadt, opérette en 1 acte de Blédor et Serigue, musique de Gaston Maquis (Ba-ta-clan).

09 octobre. — Une migraine pour trois, opérette en 1 acte de Lebrun, Gramet et Casirola, musique de G. Ondet (Gaîté-Rochechouart).

22 octobre. — Deux réservistes, opérette en 1 acte de MM. Albert Carré et Paul Meyan, musique de G. Street (Casino de Paris).

30 octobre. — le Coq (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Ernest Depré, musique de Victor Roger (Menus-Plaisirs).

30 octobre. — Mam'zelle Coquelicot, opérette en 1 acte de Victor de Cottens et G. Guitty, musique de Monteux-Brisac (Cigale).

03 novembre. — la Fille de Fanchon la Veilleuse (1re), opérette en 3 actes d'Armand Liorat, William Busnach et Alb. Fonteny, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

13 novembre. — les Amoureux de Denise, opérette en 1 acte de J. Ulrich, musique de Monteux Brisac (Cigale).

23 novembre. — Mademoiselle Asmodée (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Charles Clairville, musique de Lacôme et Victor Roger (Renaissance).

29 novembre. — Un mariage au Violon, opérette en 1 acte de Félix Galipaux, musique de O. de Lagoanère (Variétés).

11 décembre. — les Amoureux de Fanchette, opérette en 1 acte de J. Provest et Montpellier (Eden Concert).

 

A partir de 1891, la vogue de l'opérette commence à décliner, non parce que le public se lasse du genre, mais la production sans se ralentir semble d'une autre qualité : les compositeurs produisent des œuvres d'une inspiration moins heureuse. Les sujets manquent de nouveauté. Le vaudeville-opérette tâche de prendre la place de l'opérette, mais en vain...

Miss Helyett continue son inépuisable carrière. Vasseur donne une partition nouvelle qui est loin du Droit du Seigneur et de la Timbale d'Argent. Audran fait jouer l'Oncle Célestin qui dépasse 150 représentations. Serpette connaît un succès avec la Demoiselle du Téléphone. Deux œuvres de Victor Roger, le Coq et surtout Mademoiselle Asmodée qu'il composa en collaboration avec Lacôme, échouent. Enfin, de Varney : la Fille de Fanchon la Veilleuse obtient un gentil succès sans éclat.

Après le Petit Poucet, la Petite Poucette s'imposait. Maurice Ordonneau et Maurice Hennequin avaient écrit leur livret pour Mily-Meyer ; c'était un prétexte à transformations successives. Autour de ce personnage complexe, les auteurs avaient trouvé une affabulation sans originalité qui permit cependant à Raoul Pugno d'écrire une aimable partition (62 représentations).

L'Oncle Célestin de Maurice Ordonneau, Kéroul et Edmond Audran connut un certain succès grâce à la bonne humeur du livret traité en vaudeville gai et à l'agréable partition du compositeur de la partition (151 représentations).

La musique que Serpette écrivit pour la Demoiselle du Téléphone, opérette-vaudeville de Maurice Desvallières et Antony Mars fut jugée inutile et n'ajouta rien à la pièce (116 représentations).

La Famille Vénus fut encore un vaudeville-opérette dont Léon Vasseur écrivit la partition ; partition d'ailleurs assez banale. Le vaudeville assez gros de Charles Clairville et R. Bénédite avait été quelque peu ralenti par la musique vraiment languissante (47 représentations).

Glissons plus que rapidement sur Compère Guilleri, de l'heureux compositeur de la Croix de ma Mère ; cette opérette fut jouée six fois aux Menus-Plaisirs.

Le Coq de Victor Roger, œuvrette aimable, livret spirituel, léger et grivois, partition charmante. Presse très sympathique, accueil très chaud : 43 représentations.

Ce fut un très joli succès musical que la Fille de Fanchon la Veilleuse d'Armand Liorat, Busnach et Fonteny. Varney écrivit une partition en tous points réussie. Sur une affabulation simple et sans ingéniosité, le musicien des Mousquetaires au Couvent composa quelques pages qui comptent parmi ses meilleures.

Deux musiciens collaborant à une même pièce est un cas assez rare. Lacôme et Victor Roger se réunirent ainsi pour écrire la partition de Mademoiselle Asmodée. Leur musique agréable ne manqua ni de tenue ni d'originalité. Mme Simon-Girard dans un rôle à transformations fut la parfaite interprète de Lacôme et Victor Roger. Mademoiselle Asmodée représentée le 24 novembre termina heureusement l'année.

 

 

 

Mathilde Auguez

 

 

— 1892 —

26 janvier. — le Pays de l'Or (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Chivot, musique de Léon Vasseur (Gaîté).

06 février. — le Musée Pétruschini, opérette en 1 acte de Rebouillon et Monsigu (Marseille).

12 février. — la Cocarde Tricolore (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau (d'après Cogniard frères), musique de Robert Planquette (Folies-Dramatiques).

15 février. — Graciosa (1re), opérette en 3 actes de Théodore Massiac, musique de Laurent Halet (Menus-Plaisirs).

16 février. — Un Mariage à bout portant, opérette en 1 acte de Paul Bilhaud, Rémy et Cieutat (Scala).

19 février. — l'Héritier, opérette en 1 acte d'Eugène Héros et Karaval, musique de L. Gangloff (Européen).

25 février. — le Porte-Bonheur, opérette-bouffe en 3 actes de Ch. Moulins (Saint-Quentin).

03 mars. — le Commandant Laripète (1re), opérette en 3 actes d'Armand Silvestre, Albin Valabrègue et Paul Burani, musique de Léon Vasseur (Palais-Royal).

12 mars. — la Princesse Niagara, opérette en 3 actes de Julien Sermet et Bataille, musique d'Edmond Missa (Grand Théâtre de Reims).

17 mars. — Article de Paris (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron, musique d'Edmond Audran (Menus-Plaisirs).

19 mars. — le Service Bleu, opérette en 1 acte de Péricaud, Delormel et Collin (Eldorado).

27 mars. — C'est pour deux heures, opérette en 1 acte de Georges Mourens, musique d'Emile Trépard (Salle Duprez).

14 avril. — la Femme de Narcisse (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique de Louis Varney (Renaissance).

16 avril. — Balabrelock Ier (1re), opérette en 1 acte de Provost et Joubert (Montpellier).

23 avril. — le Forban, opérette en 1 acte de Dorfeuil et Charles Mey, musique de Firmin Bernicat (Gaîté-Montparnasse).

02 mai. — Mé-Na-Ka, opérette en 1 acte de Paul Ferrier, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

03 mai. — les Vingt-huit jours de Clairette, opérette en 4 actes d'Hippolyte Raymond et Antony Mars, musique de Victor Roger (Folies-Dramatiques).

21 mai. — Chien et Chat, opérette en 1 acte de Foyes et G. Bornier (Eden-Concert).

10 juin. — Toto (1re), opérette en 3 actes de Paul Bilhaud et Albert Barré, musique d'Antoine Banès (Menus-Plaisirs).

26 août. — la Belle Tunisienne, opérette en 1 acte de Maurice Froyez, musique de Lemaire (Casino d'Etretat).

31 août. — les Amoureux de Fanchette, opérette en 1 acte de Provost (Montpellier).

09 septembre. — Ramollot et Juliette, opérette en 1 acte de Popp et Feautrier (Cigale).

06 octobre. — la Bonne de chez Duval, opérette-vaudeville en 3 actes d'Hippolyte Raymond et Antony Mars, musique de Gaston Serpette (Nouveautés).

11 octobre. — Robert Macaire en voyage, opérette en 1 acte de Jouhaud (Avignon).

14 octobre — la Pleine Lune, opérette en 1 acte de Fernand Bessier et Victor Monti (Ternes).

14 octobre. — Un lit à la Cantine, opérette en 1 acte de Jean Drault et Clermont (Pépinière).

21 octobre. — le Brillant Achille, opérette-vaudeville en 3 actes de Charles Clairville et Fernand Bessier, musique de Louis Varney (Renaissance).

22 octobre. — Bacchanale (1re), opérette en 3 actes de Bertal et Julien Lecocq, musique d'Hervé (Menus-Plaisirs).

25 octobre. — Une drôle de Rosière, opérette en 1 acte de Provost (Avignon).

29 octobre. — Bella Goula, opérette en 1 acte de Garnier et Pajol, musique d'Émile Gallé, (Eldorado de Nice).

03 novembre. — le Marché d'Avignon, opérette en 1 acte de Marcel et Provost (Avignon).

04 novembre. — Sainte-Freya (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

12 novembre. — Mon Camarade, opérette en 1 acte de Bataille et Sermet (Scala).

12 novembre. — le Roi des Halles, opérette-bouffe en 3 actes de Riondel et Camys.

29 novembre. — Madame Nicolet, opérette en 1 acte d'Eugène Hugot, musique d'Alfred Foch (Château-d'Eau).

03 décembre. — Mariage Galant (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron et F. Oswald, musique d'Edmond Missa et Piétrapertosa (Menus-Plaisirs).

17 décembre. — Miss Robinson (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

 

 

 

les Vingt-huit jours de Clairette

 

 

Production régulière et sans grand éclat. Hervé donne une nouvelle partition : Bacchanale ; Léon Vasseur fait représenter le Pays de l'Or et le Commandant Laripète ; de Planquette, la Cocarde tricolore ; d'Edmond Audran, Article de Paris et Sainte-Freya ; de Varney le Brillant Achille, la Femme de Narcisse et Miss Robinson ; de Serpette, Mé-Na-Ka et la Bonne de chez Duval ; de Banès, Toto ; de Victor Roger, un des gros succès populaires du répertoire : les Vingt-huit jours de Clairette.

Pour le Pays de l'Or, opérette à grand spectacle conçue par Vanloo et Chivot sur le modèle du Voyage de Suzette, Léon Vasseur écrivit une partition assez quelconque, et les 125 représentations de cette pièce consacrèrent beaucoup plus le talent du metteur en scène et des décorateurs que celui du musicien.

La Cocarde Tricolore n'inspira pas non plus le compositeur Planquette. Cette opérette tirée d'un vaudeville des frères Cogniard par Maurice Ordonneau fut jouée 37 fois.

N'insistons pas davantage sur les cinq représentations de Graziosa dont le chef d'orchestre du Nouveau Cirque, Laurent Halet, avait fait la musique, de mémoire, sans doute et que les Menus-Plaisirs affichèrent le 15 février.

Le Commandant Laripète qui amusa les innombrables lecteurs d'Armand Silvestre, amusa beaucoup moins les spectateurs du Palais-Royal. Léon Vasseur, avait, pour ces trois actes, écrit une partition sans gaîté, sans esprit et sans fantaisie (12 représentations).

Article de Paris, opérette manquant d'intérêt, mais pleine de mouvement. Partition d'Audran se laissant agréablement écouter (63 représentations).

Il fallut cette année-là, arriver au 14 avril, pour entendre une musique jolie, copieuse et facile de Louis Varney : celle qu'il écrivit, en hâte, pour la Femme de Narcisse (Renaissance). Cette opérette qui se joua une soixantaine de fois, fut, du jour au lendemain connue, à cause de la chanson populaire : « C'est la Fille à ma tante ».

Une des partitions réussies de Serpette est celle qu'il composa pour Mé-Na-Ka ; une japonaiserie de Paul Ferrier en 1 acte (Nouveautés, 2 mai). Inspiration charmante, et orchestration fort distinguée ; pourtant le livret, un peu trop sérieux ne fit que nuire à cette œuvrette jouée 23 fois.

Mais le lendemain, le 3 mai, les Folies-Dramatiques affichaient les Vingt-huit jours de Clairette qui, pendant 250 soirs attirèrent tout Paris rue de Bondy. Cet ouvrage irrésistible est, aujourd'hui, aussi populaire que la Fille de Madame Angot ou la Mascotte ; c'est l'opérette sans prétention pour les faubourgs. Victor Roger, compositeur intarissable, écrivit une partition alerte, pimpante et « très bonne fille ».

La partition de Toto est assurément une des meilleures, sinon la meilleure d'Antoine Banès. Nous avons déjà signalé les qualités de ce compositeur qui cultiva avant tout, le rythme, la base essentielle de l'opérette. Toto, dont le livret est assez embrouillé a été principalement un succès de musique (129 représentations).

Moins brillante fut la réussite de la Bonne de chez Duval, vaudeville-opérette qui inspira à Gaston Serpette une agréable partition. Cependant la pièce, par son manque d'originalité, par sa banalité, n'obtint pas plus de 30 représentations.

Une dizaine de jours avant de mourir, Hervé qui n'avait rien donné à Paris depuis six ans, fit représenter aux Menus-Plaisirs Bacchanale, opérette en 3 actes. Le compositeur avait quitté Paris pour Londres où pendant quelques années il fit représenter de grands ballets à l'Empire-Théâtre. Lorsqu'on entendit l'œuvre nouvelle d'Hervé, il y eut une certaine surprise ; où étaient les joyeux refrains du Petit Poucet, de l'Œil crevé ou de Chilpéric ? La partition de Bacchanale était lourde, compacte et privée de cette verve étourdissante de naguère. Un article assez violent d'Henry Fouquier, dans le Figaro, chagrina vivement le compositeur, qui cessa son abonnement au journal quelques jours avant de mourir (17 représentations).

Audran pensait-il à abandonner l'opérette pour atteindre l'Opéra-Comique ? C'est, du moins, l'opinion que l'on éprouva en entendant sa partition : Sainte-Freya (Bouffes-Parisiens, 4 novembre). A côté de quelques couplets d'une inspiration peut-être trop facile et trop banale, Audran écrivit des pages d'une qualité particulière et d'une tenue excellente. La pièce qui ne ressemblait en rien à Miss Helyett renferme des parties mystiques où le compositeur se distingua spécialement. Sainte-Freya fut jouée 48 fois.

« Partition très soignée, au point de vue musical, mais absolument dénuée de personnalité » ainsi s'exprimait un critique sur Mariage Galant l'opérette de Maxime Boucheron et Fr. Oswald, dont Edmond Missa et le virtuose Pietrapertosa écrivirent la musique. Sa carrière fut courte, 12 représentations.

L'année 1892 si peu fertile en succès, s'acheva cependant sur Miss Robinson une des plus jolies partitions de Louis Varney. La réussite en fut complète. Particulièrement bien inspiré par un livret évocateur et varié, le compositeur des Mousquetaires au Couvent eut de véritables trouvailles musicales.

 

— 1893 —

20 janvier. — le Cadeau de Noces (1re), opérette en 4 actes de Liorat, Stop et A. Hue, musique de Paul Lacôme (Bouffes-Parisiens).

20 janvier. — le Talisman (1re), opérette en 3 actes de d'Ennery et Paul Burani, musique de Robert Planquette (Gaîté).

07 mars. — le Petit Bois, opérette en 1 acte de A. Liorat, musique de Charles Grisart (Bouffes-Parisiens).

18 mars. — Procès verbal, opérette de Bessier, Semiane et Cieutat (Scala).

23 mars. — la Divette, opérette-bouffe en 3 actes de P. Desachy, Benet et H. Graffan (Marseille).

27 mars. — l'Auberge du Croissant d'Or, opérette en 1 acte de Max Guy et Gauchi, musique de Laurent Halet (Européen).

29 mars. — Madame Suzette (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et André Sylvanne, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

30 mars. — Jean Raisin, opérette en 3 actes de Paul Burani, musique de Marius Carman (Folies-Dramatiques).

01 avril. — Caraco la Brazas, opérette en 1 acte de Porinelly, Maurovert et Maunier (Marseille).

08 mai. — la Petite Princesse, opérette en 1 acte de Bertol Graivil, musique de Charles de Sivry (Théâtre d'Application).

02 juin. — les Dépits Amoureux, opérette en 1 acte de Marc Sonal et Grehon, musique de Monteux-Brisac (Cigale).

11 juillet. — Cliquette, vaudeville-opérette en 3 actes de Clairville et Busnach, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

17 juillet. — Caterinette, opérette en 1 acte de Antony Mars, musique de Victor Roger (Lunéville).

29 septembre. — les Colles des Femmes (1re), opérette-vaudeville en 4 actes de H. Keroul et A. Jaime, musique de Louis Ganne (Menus-Plaisirs).

09 octobre. — Patart, Patart et Cie, vaudeville-opérette en 5 actes de Charles Clairville et A. Silvestre, musique de Gregh (Folies-Dramatiques).

09 octobre. — le Chat du Diable (1re), opérette-féerie de Charles Nuitter et Trefeu, musique de Jacques Offenbach (Châtelet).

10 octobre. — la Prétentaine, vaudeville-opérette en 4 actes de Paul Ferrier et Bénédite, musique de Léon Vasseur (Nouveau-Théâtre).

11 octobre. — Veuve Prosper Successeur, opérette en 3 actes d'Adrien Vély, Fallier et Fournier, musique de Thony (Déjazet).

13 octobre. — les Amis des Amis, opérette en 1 acte de Guy Herbel et Merelly (Gaîté-Rochechouart).

19 octobre. — la Val qui pleure, opérette en 1 acte de Menard, Druck et Galle (Concert-Parisien).

28 octobre. — l'Héritier des Carapattas, opérette en 1 acte de Lebreton et H. Moreau (Scala).

03 novembre. — Mam'zelle Carabin (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique d'Emile Pessard (Bouffes-Parisiens).

18 novembre. — Mon Prince (1re), opérette en 3 actes de Charles Clairville et André Sylvane, musique d'Edmond Audran (Nouveautés).

05 décembre. — Un baiser en Diligence, opérette en 1 acte de Maurice Froyez, musique d'Alexis Noël (Menus-Plaisirs).

09 décembre. — les Rosières du Faubourg Saint-Denis, opérette en 1 acte de Queryriaux, Chicot et A. Petit (Concert-Parisien).

14 décembre. — Suzanne et les deux vieillards, opérette en 1 acte de Balou et Moulines (Saint-Quentin).

21 décembre. — les Cartouches à blanc, opérette en 1 acte de Dourel et Février (Tours).

22 décembre. — Miss Dollar (1re), opérette en 3 actes de Clairville et Vallin, musique de M. André Messager (Nouveau-Théâtre).

23 décembre. — Cousin-Cousine (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Henri Kéroul, musique de Gaston Serpette (Folies-Dramatiques).

28 décembre. — le Grand Karakaka, opérette en 1 acte de Queyniaux, Chicot et A. Petit (Concert Parisien).

 

Que reste-t-il aujourd'hui du Cadeau de Noces, une partition de Lacôme qui le soir de la première fut réellement acclamée ? — Pas même le titre ! La pièce fut accueillie sans enthousiasme mais la musique fut jugée d'une qualité excellente (19 représentations).

Le Talisman, opérette à grand spectacle, comme il convient à l'immense scène de la Gaîté, ne compte pas parmi les partitions les plus réussies de Planquette. Le livret assez naïf ne suggéra pas une inspiration bien neuve au compositeur des Cloches de Corneville. 133 représentations de cet ouvrage furent interprétées par Lacressonnière qui abandonnait le drame pour l'opérette, Paul Fugère, E. Perrin, Morlet, Mesmaecker, Bartel, Mmes Cassive, Méaly, Tylda Raphaèle, etc.

 

 

 

Mlle Armande Cassive

 

 

Après 18 représentations du Petit Bois un acte de Charles Grisart où Mily-Meyer jouait deux rôles bien différents avec sa verve et sa fantaisie, les Bouffes-Parisiens donnèrent Madame Suzette d'Audran, 74 fois. Opérette simple et sans prétention ; livret... bon enfant de Maurice Ordonneau et André Sylvane, musique gaie et facile.

Cliquette est plutôt un vaudeville qu'une opérette : mais la partition signée Louis Varney bien que très oubliée aujourd'hui compte dans son œuvre ; franchement rythmée et abondante en chansons gracieuses, en romances aimables, en couplets bien venus, on y trouve quelques pages qui n'ont point vieilli et qui gardent encore leur verve plaisante. Il y a principalement, dans cette partition les couplets du « conseil municipal » que le public, le soir de la première, reprit quatre fois en chœur (93 représentations).

Les débuts de Louis Ganne, compositeur nouveau dont les partitions devinrent par la suite, assez populaires, grâce à leur rythme très personnel, ne furent pas éclatants. Le livret de « les Colles des femmes », aussi vide que plat, n'inspira pas le musicien (36 représentations, Menus-Plaisirs).

Patart, Patart et Cie est intitulée folie-opérette : c'est en réalité une grosse farce et sans esprit. Louis Gregh avait écrit pour cette fantaisie d'André Sylvane et Charles Clairville, une musique aussi facile à écouter qu'à retenir ; elle enchanta la clientèle des Folies-Dramatiques (48 représentations).

Pendant l'été de 1874, Jacques Offenbach soignait sa goutte à Aix tout en travaillant à Madame l'Archiduc, lorsque pendant son absence, Trefeu lui communiqua une lettre de l'éditeur Wood de la maison Craner de Londres qui sollicitait une partition nouvelle et demandait les conditions du maestro.

« Réponds, télégraphia Offenbach à Trefeu, que je suis malade et que tout mon temps appartient à Madame l'Archiduc ». Mais l'éditeur anglais « insista ». Offenbach répondit à Trefeu : « Dis que je demande cent mille francs, c'est le seul moyen de me laisser en paix. » Mais les éditeurs arrivèrent à Paris, ils trouvaient la somme un peu élevée et proposaient soixante mille francs. Offenbach revint d'Aix et l'affaire fut conclue au prix de soixante-quinze mille francs. Le compositeur désigna Nuitter et Trefeu pour traiter le sujet choisi par l'éditeur anglais, la légende populaire de Whittington and his cat. Cet opéra-bouffe-féérie traduit par M. Farnié fut représenté à l'Alhambra avec le plus grand et le plus durable succès.

C'est seulement en 1893 que cette partition inédite en France fut donnée au Châtelet, avec un grand luxe de mise en scène ; elle ne comprend pas moins de trente-neuf numéros. Mais l'accueil de Paris, fut loin d'égaler celui de Londres : le Chat du Diable fit 90 représentations.

La Prétentaine de Léon Vasseur, jouée au Nouveau-Théâtre, aujourd'hui Théâtre de Paris, fut un succès de curiosité à cause d'un ballet : le Ballet Blanc, le clou des quatre actes. C'est dire que la musique ne joua pas un rôle important et que la partition en est aujourd'hui complètement oubliée.

La partition de Mam'zelle Carabin d'Emile Pessard est charmante et d'une qualité excellente. Pimpante et légère, cette musique d'une inspiration fraîche est, en outre, orchestrée avec un goût infini. Elle reçut, le 3 décembre, aux Bouffes-Parisiens, un accueil chaleureux qui se poursuivit pendant 150 représentations. Emile Pessard, ancien grand prix de Rome et professeur au Conservatoire avait certainement pris autant de plaisir, plaisir délicat à écrire cette partition élégante et distinguée, que le public à l'entendre.

Mon Prince, opérette de Clairville, Sylvane et Audran, aux Nouveautés, succéda à l'inépuisable succès de Georges Feydeau : Champignol malgré lui qui venait de fournir, dans l'année, une carrière de 369 représentations. C'est le 18 novembre que Mon Prince connut l'épreuve redoutable de voir l'affiche après un vaudeville plusieurs fois centenaire. Le livret amusant inspira à Audran une agréable et vive partition.

Une œuvre de M. André Messager est toujours un événement musical : Miss Dollar (Nouveau-Théâtre, 22 décembre) compte parmi les plus heureusement réussies. Spirituelle, pleine d'esprit et de malice, cette partition qui accompagne un livret amusant devrait être, aujourd'hui au répertoire des rares théâtres d'opérette.

La dernière opérette de l'année fut la seule œuvre de Serpette en 1893 : Cousin, Cousine, aux Folies-Dramatiques, pièce très amusante de Maurice Ordonneau et Henri Keroul, partition très facile voire même un peu banale, mais fort plaisante. Les rythmes en sont francs et nets, bien décidés et traités avec une adresse charmante. Le succès de Cousin, Cousine se poursuivit jusqu'en 1894 (100 représentations).

 

 

 

Guyon dans Coquin de Printemps

 

 

— 1894 —

19 janvier. — les Secrets d'une Alcôve, opérette en 1 acte de Haurizot et Duranthon (Pépinière).

01 février. — la Chaste Suzanne, opérette en 1 acte de Beissier et Cieutat (Scala).

09 février. — les Forains (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron et Antony Mars, musique de Louis Varney (Bouffes-Parisiens).

09 mars. — la Fille du Garde Chasse, opérette en 1 acte de Richoux (Joyeux Concert).

16 mars. — l'Amour Marmiton, opérette-ballet en 1 acte de H. et X. de Saussine (Théâtre d'Application).

16 mars. — le Petit Chaperon rose, opérette en 1 acte de L. Martin et A. Petit (Concert-Parisien).

20 mars. — Clary et Clara (1re), opérette en 3 actes d'Hippolyte Raymond et Antony Mars. musique de Victor Roger (Folies-Dramatiques).

31 mars. — les Conscrits Bretons, opérette en 1 acte de Lebreton Henri, Moreau et Vargues (Eden-Concert).

05 avril. — Kin Kin, opérette en 1 acte de V. Ouvrier et Heuzillet (Dijon).

10 avril. — Nos bons Chasseurs, opérette-vaudeville en 3 actes de Paul Bilhaud et Michel Carré, musique de Ch. Lecocq (Casino de Paris).

16 avril. — les Torpilles de Bougival, opérette en 1 acte de Jean Prault et Gaulois (Joyeux Concert).

19 avril. — le Bonhomme de Neige (1re), opérette en 3 actes de Chivot et Albert Vanloo, musique de Antoine Banès (Bouffes-Parisiens).

20 avril. — la Fille de Paillasse, opérette en 3 actes d'Armand Liorat et L. Leloir, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

07 mai. — l'Eléphant Blanc, opérette en 1 acte de Gallay et Anglade (Bordeaux).

18 mai. — Un Enfant, opérette en 1 acte de Picard et A. Noël (Montmartre).

30 mai. — Fleur de Vertu (1re), opérette en 3 actes d'Ernest Depré, musique d'Edmond Diet (Bouffes-Parisiens).

04 juillet. — les Trois Cousins, opérette en 1 acte de Mathieu et Albert Riondel, musique d'Emile Bonnamy (Menus-Plaisirs).

06 juillet. — A la Pêche, opérette en 1 acte d'Octave Pradels et Moynet, musique de Georges Fragerolle (Eden-Concert).

11 juillet. — l’Empereur des Dos, opérette en 1 acte de Poujade, Lebrant, Méténier et de Trogoff (Concert-Lisbonne).

24 juillet. — la Plantation Thomassin (1re), opérette en trois actes de Maurice Ordonneau, musique de Vizentini (Vichy).

08 septembre. — le Royaume du péché, opérette en 1 acte de Corbeï et Thomson (Eden-Concert).

12 octobre. — Dans le Maquis, opérette en 1 acte de Mélandri et Jacoutot (Pépinière).

17 octobre. — l'Enlèvement de la Toledad (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

27 octobre. — Monsieur Mars et Mademoiselle Vénus, opérette en 1 acte de Grenet-Dancourt, Bedeau, Eveillard et Paul Henrion (Eden-Concert).

27 octobre. — Un baptême de Cloches, opérette en 1 acte de Ridoux et Dozon (Joyeux Concert).

06 novembre. — les Hussards Bleus (1re), opérette en 2 actes d'Ernest Depré et Charles Tony, musique d'Edmond Diet (Trianon).

02 décembre. — le Champagne, opérette en 1 acte de Boisval, Crespy et Le Prince (Fougères).

22 décembre. — la Guerre aux Hommes, opérette en 3 actes d'Albert Pajol, musique de Monteux-Brisac (Alcazar d'Hiver).

 

Sur une trentaine d'opérettes nouvelles représentées en 1894, à peine pouvons-nous en compter une demi-douzaine qui méritent d'être retenues... et encore ! Si l'on met à part l'Enlèvement de la Toledad d'Audran, les Forains et la Fille de Paillasse de Louis Varney, on ne peut considérer comme œuvres réussies des opérettes telles que Clary et Clara de Victor Roger, Nos bons Chasseurs de Ch. Lecocq, le Bonhomme de Neige de Banès, Fleur de Vertu et le Hussard Bleu d'Edmond Diet.

La répétition générale des Forains fut sans éclat : le premier acte amusa plus que le deuxième, et le troisième n'amusa pas. Le lendemain de la première, le succès alla s'accentuant d'acte en acte, à croire que cette opérette était « partie » pour cent représentations. Elle arrêta sa course à la 73e. La pièce bien faite, présente cette originalité qu'elle se passe dans le milieu des Forains : la musique n'était pas indispensable à l'action : elle se présente d'ailleurs toujours très scénique et bien faite. Il ne faut pas demander à un compositeur habile de réussir, comme dans le cas présent, une partition trop hâtivement écrite : cependant elle possède toujours les qualités de son compositeur ; aisance, agrément, entrain : rien n'est original mais les valses se laissèrent écouter avec plaisir (cinquante représentations).

Les critiques de l'époque signalent avec bienveillance et sympathie une opérette qui dort paisiblement dans l'oubli le plus complet : il s'agit de Clary et Clara du compositeur Victor Roger. Elle amusa, à la première, et fut jouée 7 fois ; pourtant, elle valait bien tant d'œuvrettes à succès ; la musique ironique, complétait spirituellement des scènes amusantes et des situations bouffes.

Nous avons, plusieurs fois déjà, parlé des qualités musicales d'Antoine Banès, il ne fallait pas demander autre chose à cet excellent musicien qu'une bonhomie agréable que l'on retrouve dans toutes ses partitions. Le Bonhomme de Neige que les Bouffes présentèrent le 19 avril ne manqua pas de laisser cette même impression d'une musique toujours très scénique, fort habilement adaptée à la situation. Malheureusement, desservi par un livret terne, le compositeur écrivit une œuvre gentille mais sans éclat. Piccaluga, Huguenet, Charles Lamy, Bartel, Mmes Simon-Girard, Burty, Mariette Sully ne la jouèrent qu'une dizaine de fois.

Que dire de la nouvelle partition de Varney : la Fille de Paillasse donnée le 20 avril aux Folies-Dramatiques ? Semblable aux autres, avec les mêmes qualités primesautières et pittoresques et, aussi les mêmes défauts et son manque d'originalité ; la troupe habituelle du théâtre interpréta une trentaine de fois cette Fille de Paillasse qui suivait les Forains.

L'année continuait à ne pas être heureuse pour les Bouffes. Fleur de Vertu d'Edmond Diet (29 représentations) venait sur l'affiche après le Bonhomme de Neige. N'insistons ni sur le livret d'Ernest Depré ni sur la musique.

Mais fort heureusement un grand succès ressuscita le 17 octobre, ces pauvres Bouffes, avec l'Enlèvement de la Toledad d'Edmond Audran. Sur un livret amusant, spirituel et endiablé de Fabrice Carré, le compositeur de la Mascotte a écrit une musique facile, claire et piquante.

Huguenet, Charles Lamy, Bartel et Mmes Simon-Girard, Rosine Maurel et Germaine Gallois interprétèrent plus de cent trente fois cette œuvre charmante.

 

 

 

Guy dans les Saturnales

 

 

— 1895 —

23 janvier. — Nicol-Nick (1re), opérette en 4 actes d'Hippolyte Raymond, Antony Mars et Duru, musique de Victor Roger (Folies-Dramatiques).

25 janvier. — la Duchesse de Ferrare (1re), opérette en 3 actes de Maxime Boucheron, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

01 février. — la Reine Ka-Bon-Bec, opérette en 1 acte de Queyriane, Chicot et A. Petit (Pépinière).

09 février. — les Petits Savoyards, opérette en 1 acte de Provost et Bellefleur (Bijou-Alcazar).

22 février. — l'Oncle Cadessous, opérette en 1 acte de Zévaco (Pépinière).

01 mars. — le Rajah de Chatou, opérette en 1 acte de Beissier et de Gorsse, musique de Jacoutot (Pépinière).

02 mars. — la Perle du Cantal (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique de V. Toulmouche (Folies-Dramatiques).

21 mars. — Suzon, opérette en 1 acte de Marcillac et E. Arnaud (Nîmes).

28 mars. — la Saint-Valentin (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et F. Beissier, musique de Toulmouche (Bouffes-Parisiens).

11 avril. — le Roi Frelon (1re), opérette en 3 actes d'Albert Carré, musique d'Antoine Banès (Folies-Dramatiques).

04 mai. — Madame Cassandre, opérette en 1 acte de Blée et Nélodia (Rouen).

06 mai. — la Dot de Brigitte (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Antony Mars, musique de Serpette et Victor Roger (Bouffes-Parisiens).

17 mai. — les Pilules d'Or, opérette en 1 acte de Sermet et Mulhem, musique de Monteux­Brisac (Cigale).

25 mai. — Mam'zelle Fauvette, opérette en 1 acte de Petit, Mangin et Gidé, musique de Chautagne (Folies-Voltaire).

05 juin. — les Petites Brebis (1re), opérette en 2 actes d'Armand Liorat, musique de Louis Varney (Cluny).

22 juin. — Nature Craintive, opérette en 1 acte de Bonnet et Nabray (Alcazar).

12 septembre. — le Baiser de Monsieur, opérette en 1 acte d'Octave Pradels et Mancel, musique de Paul Lacôme (Eldorado).

14 septembre. — la Belle aux Taureaux, opérette en 1 acte de Garnier et Eugène Héros (Ba-ta-clan).

21 septembre. — le Petit-fils de Monte-Cristo, opérette en 1 acte de Thomières et Benet (Marseille).

23 octobre. — le Carnet du Diable (1re), opérette fantaisie en 3 actes de Blum et Paul Ferrier, musique de Serpette (Variétés).

06 novembre. — le Sire de Coqsigru, opérette en 1 acte de Lebrun, Gramet, Ondet et Casirola (Grenoble).

16 novembre. — la Belle Epicière (1re), opérette en 3 actes de Pierre Decourcelle et Henri Keroul, musique de Louis Varney (Bouffes-Parisiens).

22 novembre. — Panurge (1re), opérette en 3 actes de Meilhac et Saint-Albin, musique de Planquette (Gaîté).

05 décembre. — le Capitole (1re), opéra-bouffe en 3 actes de Paul Ferrier et Charles Clairville, musique de Gaston Serpette (Nouveautés)

05 décembre. — Mademoiselle la Colonelle, opérette en 3 actes de Antigeou, Roy et Feutrier (Calais).

 

L'année 1895 ne fut guère plus fertile en opérettes que 1894 et cependant, on peut compter deux partitions de Varney : la Belle Epicière et les Petites Brebis, une d'Audran, la Duchesse de Ferrare, deux de Serpette, le Carnet du Diable et le Capitole, Panurge de Planquette et la Dot de Brigitte de Victor Roger.

Nicol-Nick n'est qu'une grosse farce de vaudeville écrite par les auteurs des Vingt-huit jours de Clairette pour des comédiens beaucoup plus que pour des chanteurs. Mais par reconnaissance, Antony Mars et Hippolyte Raymond demandèrent une partition à leur heureux collaborateur musical. Celui-ci ne se faisant pas prier, écrivit une partition sans prétention qui accompagna trente-cinq fois cette bouffonnerie débridée.

D'une tout autre qualité est la Duchesse de Ferrare, l'annuelle partition d'Audran qui allait succéder à l'amusant Enlèvement de la Toledad, aux Bouffes-Parisiens. Audran est d'une autre classe que Victor Roger : les flonflons de ce dernier ont, pour seule raison, leur simplicité et leur bonne humeur. Audran s’apparente directement à Lecocq ; comme lui, il a des trouvailles mélodiques et une abondance de rythmes très personnels : sans avoir le succès de la Toledad, la Duchesse de Ferrare fit quatre-vingts représentations.

Mauvaise période : le Roi Frelon, la nouveauté suivante (11 avril, Folies-Dramatiques), est jouée 15 fois. Livret d'Albert Barré, exploitant sans fantaisie la vieille formule de l'opéra-bouffe ; partition d'Antoine Banès pleine de motifs charmants, mais vouée, d'avance, à cause du poème, à un échec certain.

Voici une opérette « très gentille », pas grossière, mais de bon ton : la Dot de Brigitte de Gaston Serpette et Victor Roger. Mais ne racontait-on pas que Raoul Pugno y avait également collaboré ? Jolie pièce divertissante, ingénieuse et partition réussie. La Dot de Brigitte est jouée 73 fois par les mêmes interprètes avec lesquels on recommence, Huguenet, Lamy, Barral, Mmes Simon-Girard, Germaine Gallois, Alice Bonheur...

 

 

 

Mme Germaine Gallois

 

 

Les Petites Brebis, opérette en 2 actes de Louis Varney, fut créée à Cluny, avec un joli succès (cent représentations).

Les Variétés qui, riches de leur répertoire avaient régulièrement fait, chaque année, plusieurs reprises des chefs-d’œuvre d'Offenbach et d'Hervé, donnèrent le 23 octobre, le Carnet du Diable de Gaston Serpette.

C'était l'époque déjà glorieuse de Fernand Samuel, cet incomparable directeur et ce metteur en scène prodigieux. Il avait fait, du Carnet du Diable, une féerie à grand spectacle, montée avec un goût et une somptuosité magnifique et la franche gaîté de la partition de Serpette s'était heureusement unie au succès général. L'opérette de Serpette, Blum et Paul Ferrier fut jouée cent fois.

La Belle Epicière de Pierre Decourcelle et Henri Kéroul, musique de Louis Varney ne réussit pas aux Bouffes. La partition composée d'une vingtaine de morceaux ne passa pas indifférente (16 représentations).

Panurge (22 novembre, Gaîté), est une des meilleures partitions de Planquette. Le compositeur de Surcouf, de Rip et des Cloches de Corneville fut aussi bien inspiré que dans ces trois œuvres populaires. Les mélodies y sont pleines de grâce, elles dominent l'œuvre qui tient peut-être plus de l'opéra-comique que de l'opérette. Panurge interprété par Soulacroix, Paul Fugère, Dekernel, Lucien Noël, Mmes Bernaert, Aubecq et Mariette Sully fut joué plus de deux cents fois en 1895 et 1896.

Le Capitole de Gaston Serpette donné aux Nouveautés portait comme indication « opéra-bouffe ». Depuis longtemps cette formule était abandonnée : on devine que dans le livret de Paul Ferrier et Charles Clairville, les anachronismes sont remis en honneur. Musique généralement réussie et remplie d'amusantes trouvailles.

 

 

 

Taufenberger dans Ninette

 

 

—1896 —

19 janvier. — le Sapeur et la Cuisinière, opérette en un acte de Lebrun, Granet et Casirola (Bijou-Concert).

30 janvier. — le Voyage de Corbillon (1re), vaudeville-opérette en 4 actes d'Antony Mars, musique de Victor Roger (Cluny).

04 février. — la Florentine, opérette en 3 actes de Claudius Darnel et E. Fabre (Oran).

08 février. — la Tourte, opérette en 1 acte de Paul Bilhaud, musique de Gaston Serpette (Asnières).

13 février. — la Fiancée en loterie (1re), opérette de Douane et de Roddaz, musique de P. Lacôme et M. André Messager (Folies-Dramatiques).

22 février. — Madame Vénus, opérette en 1 acte de Beissier, Simiane et Vargues (Concert-Parisien).

28 février. — Ninette (1re), opérette en 3 actes de Charles Clairville, Hubert et Trogoff, musique de Charles Lecocq (Bouffes-Parisiens).

12 mars. — Miousic, opérette-bouffe en 3 actes de Feautrier, Maussier, Recoux (Toulon).

12 mars. — le Magicien, opérette en 1 acte de Piquet et Fienet (Valenciennes).

20 mars. — Nudar Pacha, opérette en 1 acte de Laz, Rir et Poncin (Concert Européen).

24 mars. — Sidi Duburnous, opérette en 1 acte de Champaville, Delainaud et Lebossé (Saint-Etienne).

28 mars. — l'Insaisissable, opérette en 1 acte de Couderc et Le Rey (Tours).

17 avril. — la Falote (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Armand Liorat, musique de Louis Varney (Folies-Dramatiques).

18 avril. — le Brosseur, opérette en 1 acte de Garde-Hervé (Variétés).

30 avril. — le Retour de Fontenoy, opérette en 1 acte de Roquerbe (Théâtre d'Application).

02 mai. — Taestaff, opérette en 1 acte de Neuzilet et Provost (Alger).

12 juin. — les Vierges du chahut, opérette en 5 actes de Moreau et Boucherat (Trianon)

17 juillet. — la Fille de la Cantinière, opérette en 1 acte de Lebrun, Gramet, Larsonneur et Casirola (Concert des Bateaux Parisiens).

17 juillet. — Pépita l'Andalouse, opérette en 1 acte de Boisval (Lamballe).

06 août. — Au premier Hussard, opérette en 1 acte de Maurice Ordonneau, musique de Léon Vasseur (Saint-Malo).

09 septembre. — l'Ile d'Amour, opérette en 1 acte de Provost (Alger).

18 septembre. — Allons voter, opérette en 2 actes de Fernet et Giry (Marseille).

26 septembre. — le Faux Pacha, opérette en 1 acte de L. Martin, Duhem et Cambillard (Trianon).

03 octobre. — Mignonnette (1re), vaudeville-opérette en 3 actes de Georges Duval, musique de Street (Nouveautés).

03 octobre. — Monsieur et Madame Fourneautix, opérette en 1 acte de E. Favart (Toulon).

14 octobre. — la Reine des Reines (1re), opérette en 3 actes de P.-L. Flers, musique d'Edmond Audran (Eldorado).

17 octobre. — la Petite Baronne, opérette en 1 acte de Duhem, Cambillard et Moreau (Trianon).

20 octobre. — les M'as-tu vu, opérette en 1 acte de Philibert (La Flèche).

21 octobre. — la Poupée (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Audran (Gaîté).

24 octobre. — la Noce à Grivolet (1re), vaudeville-opérette en 3 actes d'Henri Kéroul et Raymond, musique de Marius Carman (Déjazet).

27 octobre. — Tante Agnès (1re), opérette-bouffe en 2 actes de Maxime Boucheron, musique de Frédéric Toulmouche (Olympia).

30 octobre. — Rivoli (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani, Kalker et Arrachart, musique de M. André Wormser (Folies-Dramatiques) .

05 novembre. — le Papa de Francine (1re), opérette de Chivot, Paul Gavault et de Cottens, musique de Louis Varney (Cluny).

07 novembre. — le Carillon (1re), opérette en 4 actes d'Ernest Blum et Paul Ferrier, musique de Gaston Serpette (Variétés).

16 novembre. — Tonton, opérette en 1 acte de Blétry, Beissier et de Gorsse (Eden-Concert).

16 novembre. — le Chevalier Mystère, opérette en 1 acte de Pujol et Dédé (Eden-Concert).

20 novembre. — le Royaume d'Hercule, opérette en 1 acte de Charles Guinel et R. Dubreuil, musique de Léon Vasseur (La Cigale).

30 novembre. — Monsieur Lohengrin (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

05 décembre. — Ramponette (1re), opérette en 3 actes de Léneka et A. Richart, musique de Baide et Selim (Menus-Plaisirs).

24 décembre. — Sa majesté l'Amour (1re), opérette en 3 actes et 5 tableaux de Maurice Hennequin et Antony Mars, musique de Victor Roger (Eldorado).

 

Parmi les quarante opérettes créées en 1896, à peine pourrons-nous seulement en distinguer une demi-douzaine. Une de Lecocq, Ninette bien oubliée aujourd'hui, deux d'Audran, la Poupée et Monsieur Lohengrin et des deux, seule la première demeure, la Falote et le Papa de Francine de Louis Varney, enfin la Fiancée en loterie d'André Messager.

Le Voyage de Corbillon, de Victor Roger appartient au genre vaudeville-opérette où le musicien se spécialisa. Cette pièce moins réussie que les Vingt-huit jours de Clairette du même auteur Antony Mars, permit au compositeur d'écrire quelques couplets faciles et non sans entrain (72 représentations).

La Fiancée en loterie est une jolie partition d'André Messager que les Folies-Dramatiques représentèrent le 13 février. Distinguée et d'une facilité toujours ravissante, d'un style élégant, cette œuvre « bien française » n'a pas eu le succès qu'elle méritait à cause d'un livret assez simple et sans grande originalité. Mais quelle abondance mélodique : que de romances délicates ! (71 représentations).

Depuis quelques années, depuis « l'Égyptienne », représentée en 1890 aux Folies-Dramatiques, Charles Lecocq n'avait pas fait jouer d'opérette nouvelle. Il avait cependant une œuvre à laquelle il travaillait pour l'Opéra-Comique : c'est un Cyrano de Bergerac. Il avait bien proposé à maints directeurs sa partition, mais comme Lecocq le raconta à M. Louis Schneider, ceux-ci pensaient que le public n'admettrait jamais un personnage qui, pendant trois actes se promène avec un nez... exceptionnel ! C'est alors que Grisier devenu directeur des Bouffes-Parisiens demanda Cyrano à Lecocq ; après avoir hésité, le compositeur pensa qu'il attendrait peut-être longtemps devant la porte de l'Opéra-Comique et il donna son Cyrano qui devint « Ninette » (Ninon de Lenclos), passage Choiseul. La pièce eut 107 représentations puis elle tomba dans l'oubli : oubli un peu injuste car, avouait Lecocq, elle méritait un meilleur sort. On retrouvait dans les pages de cette partition les motifs charmants de la bonne époque de Lecocq.

La Falote compte parmi les opérettes les mieux réussies de Louis Varney. Livret amusant de Maurice Ordonneau et Liorat, partition tout à fait agréable, pleine de mouvement, de gentillesse et de verve du compositeur des Mousquetaires au Couvent. Il y a des pages pleines de grâce, une jolie valse, une ronde quelque peu vulgaire mais entraînante, jouée 190 fois. La Falote mériterait de rester au répertoire des théâtres d'opérettes.

Signalons en passant les 39 représentations de Mignonnette, vaudeville-opérette de Georges Duval, musique de Georges Street, joué aux Nouveautés (3 octobre). Livret un peu vieillot mais partition de qualité.

La Reine des Reines, opérette-bouffe d'Audran. Livret de P.-L. Flers jouée 21 fois à l'Eldorado, n'ajouta rien à la gloire du compositeur de la Mascotte : chantante, cette musique accompagna une pièce quelque peu banale.

D'une autre qualité musicale est la Poupée. Tout en manquant de nouveauté, cette partition d'Audran, fut, dès le premier soir — 21 octobre — écoutée avec un grand plaisir et le succès s'est établi très vif ; évidemment la pièce est quelque peu naïve, mais sans prétention, elle amusa le public de la Gaîté qui prit une vive satisfaction à la musique.

La Poupée fit une centaine de représentations.

Rivoli, élégante opérette de M. André Wormser, plus opéra-comique qu'opérette mais pièce militaire à spectacle avec livret adroit de Paul Burani offrait toutes les garanties d'un grand succès. La distribution comprenait les noms de Jean Périer, Simon Max, Gandel, Landrin, Vavasseur, Auset, etc..., et Mmes Augustine Leriche, Mounine, de Beaumont, etc... (Folies-Dramatiques, 90 représentations).

Cluny qui, après le Voyage de Corbillon, se consacrait, par intermittence à l'opérette, donna le 5 novembre, une œuvrette très amusante de Gavault, de Cottens et Louis Varney : le Papa de Francine, grand succès pour la pièce fort divertissante et la musique facile et pleine de verve entraînante dont la valse des cambrioleurs sifflée qui est encore dans toutes les mémoires (225 représentations).

Fernand Samuel en montant aux Variétés le Carillon, opérette-féérie d'Ernest Blum, Paul Ferrier et Gaston Serpette (17 novembre) avait beaucoup compté sur sa mise en scène ; un décor de Venise avec gondoles évoluant sur un véritable bassin, des décors merveilleux, des interprètes qui s'appelaient Baron, Brasseur, Milher, Guy, André Simon et Mmes Méaly, Berthe Legrand, Eve Lavallière, Demarsy, Diéterle, etc..., ne suffirent pas à intéresser le public. Le livret assez naïf et la partition agréable n'attirèrent pas le public pendant plus de 21 représentations.

 

 

 

Mlle Eve Lavallière

 

 

La saison n'avait pas été favorable aux Bouffes malgré les 107 représentations de Ninette. Le Petit Moujick, opérette étrangère avait fait 15 représentations ; une fantaisie lyrique d'Antoine Banès, Nuit d'Amour avait été jouée cinq fois ; Monsieur Lohengrin d'Audran ne connut pas une carrière plus heureuse. Le livret de Fabrice Carré aurait pu se passer de musique, car Audran au lieu de parodier l'œuvre de Wagner préféra sa propre inspiration. Cette partition ne servit pas la pièce cependant amusante et pleine d'observation (25 représentations).

Les deux dernières opérettes de l'année, Ramponette aux Menus-Plaisirs et Sa Majesté l'Amour à l'Eldorado ne connurent pas un meilleur sort. La première, banale, anodine et facile fut jouée... six fois et Sa Majesté l'Amour n'eût que dix représentations.

 

— 1897 —

31 janvier. — l'Archiduc Casimir, opérette en 2 actes de Le Roy Villars (Beaugency).

05 février. — l'Homme aux sérénades, opérette-bouffe en 1 acte de G. et H. Près et Monier (Avignon).

10 février. — l'Auberge du Tohu-Bohu (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique de Victor Roger (Folies-Dramatiques).

18 février. — le Pompier de Service (1re), opérette en 4 actes de Victor Cottens et Paul Gavault, musique de Louis Varney (Variétés).

21 février. — la Peur du gendarme (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Bocage, musique de J. Darrien (Bouffes-Parisiens).

27 février. — Madame Putiphar (1re), opérette en 3 actes d'Ernest Depré et Xanrof, musique d'Edmond Diet (Athénée).

28 février. — le Moulin du Chat qui fume, opérette en 1 acte de Le Roy Villars (Castillon).

05 mars. — l'Ile des Bossus, opérette en 4 actes de A. Richard (Rouen).

06 mars. — Pécoulie en Chine, opérette en 1 acte de Samat (Marseille).

12 mars. — le Nouveau Régiment, opérette en 2 actes de Barré, Martin et Berhard, musique d'Antoine Banès (Olympia).

20 mars. — Mossieu Pygmalion, opérette en 1 acte de Valbert, Verse et Dédé (Concert-Parisien).

17 avril. — Pour sa Couronne, fantaisie en 1 acte de Fordyce, musique de Louis Varney (Bouffes-Parisiens).

25 avril. — la Fille à Beau piquet, opérette en 3 actes de Soudant, Guérineau et G. Rose (Angers).

25 avril. — Un mariage d'autrefois, opérette en 1 acte de G. Tourte et G. Douay (Tourcoing).

16 mai. — Fort comme un turc, opérette en 1 acte de Luigi, Bordèse et Flan (Le Havre).

22 mai. — Leur Femme, opérette en 1 acte de P. Fournier, musique d'Edmond Missa (Olympia).

29 mai. — les Vieux Marcheurs, opérette en 1 acte d'Alric, Fock et Delmet (Divan-Japonais).

02 juillet. — Un déjeuner sur l'herbe, bouffonnerie-opérette en 1 acte de Bénédite et G. Trompette, musique d'Edmond Missa (Olympia).

07 juillet. — le Harem de Pontarlier, opérette en 1 acte de Trébela et Meuriot, musique de Laurent Halet (Parisiana).

18 août. — Quel coquin d'amour, vaudeville-opérette en 3 actes de Noter et Juin, musique de Picheran (Folies-Dramatiques).

28 août. — Au Chat qui pelote, opérette en 1 acte de Oudot et de Gorsse, musique de Léon Vasseur (Scala).

01 septembre. — Petits Trottins, opérette en 1 acte de Max Maurey et Jubin, musique de Laurent Halet (Parisiana).

12 septembre. — la Gaudriole, opérette en 3 actes de Nuitter et Tréfeu, musique de Vizentini (Aix-les-Bains).

17 septembre. — le Cabinet Piperlin (1re), opérette en 3 actes de Paul Burani et H. Raymond, musique d'Hervé (Athénée-Comique).

23 septembre. — Au tonneau des Danaïdes, opérette en 1 acte de Meudrot et Héric, musique de Laurent Halet (Parisiana).

24 septembre. — Hôtel d'Artiste, opérette en 1 acte de Duroc, Lebreton et Letorey (Concert Européen).

01 octobre. — Maire et Martyr, opérette en 1 acte de Bessière, Marinier et Joubert (Concert de Lyon).

10 octobre. — Miss Monte-Cristo, opérette en 1 acte de Moreau, Beissier et Chameroy (Marseille).

11 octobre. — les Petites Femmes (1re), opérette en 4 actes d'André Sylvane, musique d'Edmond Audran (Bouffes-Parisiens).

19 octobre. — les Quatre Filles Aimons, folie-opérette en 2 actes de Du Perrier, Tar Nemo et Celval (Lyon).

28 octobre. — les Fêtards (1re), opérette en 3 actes d'Antony Mars et Maurice Hennequin, musique de Victor Roger (Palais-Royal).

29 octobre. — J' veux un Nubien, opérette en 1 acte de E. Vois (Concert-Parisien).

01 novembre. — Gentil Crampon (1re), opérette en 3 actes d'Eugène Larcher, A. Monnier et G. Montignac, musique d'Edmond Diet (Athénée-Comique).

05 novembre. — Mam’zelle Quat'sous (1re), opérette en 4 actes d'Antony Mars et Desvallières, musique de Robert Planquette (Gaîté).

09 novembre. — la Souris blanche, opérette en 3 actes de Chivot et Duru, musique de Léon Vasseur et de Thuisy (Déjazet).

12 novembre. — l'Hôtel de Noble-Panne, opérette en 1 acte de Durac, Neuzilet, Joubert et Lebreton (Concert Européen).

16 novembre. — les P'tites Michu (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Georges Duval, musique d'André Messager (Bouffes-Parisiens).

19 novembre. — le Cinquantième Dragon, opérette en 1 acte de Queyriaux et Chavat (Concert de l'Epoque).

28 novembre. — Bonhomme Noël, opérette en 1 acte de Maire et Lannoye (Théâtre Pompadour).

02 décembre. — la Carmagnole (1re), opérette en 3 actes de Arrachar, d'Hurcourt, Darsay et J. Lemaire, musique de Paul Fauchey (Folies-Dramatiques).

16 décembre. — Gifles et Baisers, opérette en 1 acte de Paul Barbier, musique de Pessard (Luxembourg).

17 décembre. — Saint-Pandore, musique en 1 acte de Dourel, N. Valabrègue et Martin (Toulon).

25 décembre. — Trois Lyonnais au Dahomey, opérette en 2 actes de Pierrez, Marier, Graffan et Normand (Lyon).

 

Sur quarante-quatre nouveautés on peut détacher six ou sept partitions, dont deux grands succès, l'un musical : les P'tites Michu, l'autre, succès de représentations : l'Auberge du Tohu-Bohu, vaudeville-opérette de Victor Roger joué 214 fois. Varney fit aux Variétés 83 représentations avec le Pompier de service ; Audran 35 avec les Petites Femmes ; Planquette 36 avec Mam'zelle Quat'sous ; le Cabinet Piperlin, partition posthume d'Hervé fut joué soixante-dix fois ; Madame Putiphar d'Edmond Diet, 64 fois, et les Fêtards, vaudeville-opérette de Victor Roger, 72 fois... C'est cet auteur qui détient le record de représentations avec cette dernière et l'Auberge du Tohu-Bohu.

L'Auberge du Tohu-Bohu n'est qu'un vaudeville à quiproquo et à couplets. La pièce de Maurice Ordonneau plusieurs fois centenaire aujourd'hui est populaire. On connaît l'inénarrable bouffonnerie pour laquelle Victor Roger écrivit une partition très en situation. Elle n'est pas d'une qualité musicale très relevée : mais son but était de souligner les situations abracadabrantes de la pièce : le compositeur y a réussi.

L'opérette que MM. Paul Gavault, Victor de Cottens et Louis Varney donnèrent aux Variétés le 18 février : le Pompier de service, n'appartenait pas au genre vaudeville ; c'était une bouffonnerie entraînante dans laquelle couplets, musique et interprètes se retrouvaient dans la même joyeuse bonne humeur. Partition aimable et sans prétention.

Les Bouffes ouvrirent l'année avec la Peur du Gendarme, vaudeville-opérette de Paul Ferrier, musique de Jules Darien. Après 4 représentations ils fermèrent leurs portes.

Madame Putiphar, trois actes fort amusants d'Ernest Depré et Léon Xanrof ; excellent livret d'opérette, partition d'Edmond Diet d'une franche gaîté.

Quel Coquin d'Amour (Folies-Dramatiques, 18 août), opérette-vaudeville d'un nouveau compositeur : Picheran. Sa collaboration consistait à accompagner le plus gaîment possible un vaudeville conventionnel mais non sans bouffonnerie et non sans entrain. Le musicien pour ses débuts écrivit une partition empreinte de verve et de gaîté : pièce d'été qui fut jouée 46 fois.

Le Cabinet Piperlin d'Hippolyte Raymond et Paul Burani avait été représenté en 1878 sous forme de vaudeville. Mais il existait de ce vaudeville une partition d'Hervé : à la suite de différends entre auteurs et directeurs lors de la création, le compositeur avait retiré sa partition et la pièce avait été jouée sans musique. Après la mort d'Hervé, son fils M. Gardel Hervé retrouva la partition et celle-ci fut donnée pour la première fois le 17 septembre à l'Athénée-Comique. Après quatre vaudeville-opérettes, le ravissement du public fut complet en entendant enfin une véritable partition d'opérette. C'est que le Cabinet Piperlin est de l'Hervé des bons jours.

Comme nous l'avons dit plus haut, les Bouffes jouaient de malheur : une Miss Helyett ne se trouve pas tous les jours. Est-ce dans cet espoir que le nouveau Directeur monta comme premier ouvrage, une opérette d'Audran ; les Petites Femmes, livret d'André Sylvane. Cette pièce avait été répétée pendant trois semaines au Palais-Royal ; le compositeur en avait écrit des couplets, mais aux Bouffes il transforma et augmenta sa partition ; elle ne prend cependant pas place parmi les meilleures, mais elle souligna agréablement le livret d'André Sylvane (35 représentations).

Mais puisque les Petites Femmes avaient été enlevées au Palais-Royal pour les Bouffes, celui-ci monta à la place les Fêtards d'Antony Mars et Maurice Hennequin, musique de Victor Roger. Nous revenons ici au vaudeville-opérette, qui décidément était en honneur cette année-là. La pièce, très bien construite, très amusante, fut agrémentée d'une partition spirituellement parodique du compositeur de l'Auberge du Tohu-Bohu.

Edmond Diet après son aimable succès de Madame Putiphar donna la même année trois autres actes à l'Athénée-Comique : Gentil Crampon, livret « vieillot » d'Eugène Larcher, A. Monnier et André Montignac. Partition honnête et soignée (9 représentations).

 

 

 

Mam'zelle Quat'sous (lithographie de Maurou)

 

 

Mam'zelle Quat'sous de Robert Planquette est une des bonnes partitions du compositeur des Cloches de Corneville. C'est dire qu'on y retrouve l'inspiration facile et plaisante du musicien.

En collaboration avec un nouveau compositeur d'opérettes M. Thuisy, Léon Vasseur, qui sera toujours l'auteur de la Timbale d'Argent, écrivit une aimable partition pour la Souris Blanche, (Cluny, 9 novembre). Il y a dans cette œuvrette certains couplets du mousse « Sous le pont qu'est du côté d'Asnières », fort bien venus qui justifièrent à eux seuls le gentil succès de cette opérette qui fut jouée soixante fois.

 

 

 

M. André Messager

 

 

Enfin nous arrivons à l'un des plus jolis succès de l'opérette française, les P'tites Michu ; les Bouffes allaient connaître enfin une grande vogue.

L'apparition de cette véritable partition d'opérette, composée avec goût, élégance, distinction, cette partition comprenant des ensembles, chœurs, trios et quatuors, allait condamner enfin les partitionnettes qui accompagnaient les vaudevilles. On connaît les principaux motifs de cette œuvre ravissante qui faisait pressentir l'adorable Véronique.

 

 

 

Mlles Odette Dulac et Alice Bonheur dans les P'tites Michu (lithographie de Buval)

 

 

La Carmagnole, opérette en 3 actes de Louis d'Harcourt, Jacques Lemaire et Henry Dursay (Folies-Dramatiques, 2 décembre), révélait un compositeur encore inconnu : Paul Fauchey, ancien chef de chant à l'Opéra-Comique. La Carmagnole faut-il le dire est une opérette révolutionnaire, c'est-à-dire qu'elle ne révolutionna rien (33 représentations).

 

— 1898 —

07 janvier. — Zizi, opérette en 1 acte de Richard, musique de Perpignan (Divan Japonais).

22 janvier. — l'Agence Crook and Cie (1re), vaudeville-opérette en 4 actes de Maurice Ordonneau, musique de Victor Roger (Folies-Dramatiques).

28 janvier. — les Demoiselles des Saint-Cyriens (1re), opérette en 3 actes de MM. Paul Gavault et Victor de Cottens, musique de Louis Varney (Cluny).

30 janvier — la Foire de Séville, opérette en 2 actes de Le Roy, Villars et A. Le Roy (Salle du Luxembourg).

12 février. — Don Lingo de Murcie, opérette en 1 acte de Jolly et Bolland (Dunkerque).

13 février. — Mérowig, opérette en 1 acte de Reusse et Legay (Bodinière).

21 février. — les Chansons de la Duchesse Anne, opérette en 1 acte de Le Roy Villars (Salle La Fayette).

27 février. — Cascarette, opérette en 1 acte d'Amélie Peyronnet (Bodinière).

25 mars. — Mam'zelle Claudinette, opérette en 1 acte de Perrin, Moyne, Jacoutot et Joubert (Pépinière).

25 mars. — Un Cousin d'Afrique, opérette en 1 acte de Tinant, Moullet, Gramet (Bijou-Concert).

26 mars. — la Petite Tache (1re), opérette en 3 actes de Fabrice Carré, musique de Victor Roger (Bouffes-Parisiens).

28 mars. — Brigadier, vous avez raison, opérette en 1 acte de Rabouin et Deledin (Nantes).

20 avril. — la Revanche de Galathée, opérette en 1 acte de Paul Ferrier, musique d'Edmond Diet (Bodinière).

22 avril. — Joyeux Fêtards, opérette en 1 acte de Sady-Petit et Jacoutot (Pépinière).

27 avril. — le Maréchal Chaudron (1re), opérette en 3 actes de Chivot, J. Gascogne et J. Rollé, musique de Paul Lacôme (Gaîté).

13 mai. — la Dame de Trèfle (1re), opérette en 3 actes de Charles Clairville et Maurice Froyez, musique d'Emile Pessard (Bouffes-Parisiens).

27 mai. — les Nez bleus, opérette-bouffe en 1 acte de René Ouvrier et Bastin (Le Havre).

03 juin. — la Tour de Bois (1re), vaudeville-opérette en 2 actes de Jules Oudot et Henry de Gorsse, musique de Louis Varney (Variétés).

12 juin. — la Boule de Neige, opérette en 1 acte de Fau et Verrier, musique de Goublier (Galerie Vivienne).

26 juin. — Ruse d'Amour, opérette en 1 acte de Stéphane Bordèse, musique de Charles Lecocq (Boulogne-sur-Mer).

04 août. — Premier triomphe de Duguesclin, opérette en 1 acte de Dessaux et Desives (Lille).

06 août. — les Noces d'Or, opérette en 1 acte de Lebreton (Bourbonne).

16 septembre. — Un élève qui va bien et On prend des Pensionnaires, opérettes en 1 acte de Tinant, Moullet et Gramet (Bijou-Concert).

20 septembre. — les Quatre Fils Aymon (1re), opérette en 3 actes de Liorat et Fonteny, musique de Paul Lacôme et Victor Roger (Folies-Dramatiques).

13 octobre. — Feuilles à l'envers, opérette en 1 acte de Xanrof, Fabrice Lemon et Garnier (Eldorado).

14 octobre. — le Soleil de Minuit (1re), opérette en 3 actes de Nuitter et Beaumont, musique d'Albert Renaud (Bouffes-Parisiens).

15 octobre. — le Docteur Bosserard, opérette en 1 acte de Caron et Piccolini (Bijou-Concert).

17 octobre. — Dans la Plume, opérette en 1 acte de Kok et Vasseur (Eldorado).

22 octobre. — Dagobert, opérette en 1 acte de Duroc et Letorey (Pépinière).

05 novembre. — 22 les 2 Cocottes, opérette en 1 acte de Pluck et G. Rose (Scala).

08 novembre. — les Petites Barnett, comédie-opérette en 3 actes de Paul Gavault, musique de Louis Varney (Variétés).

11 novembre. — le Truc du Pharmacien, opérette en 1 acte de G. Lambert, Lebreton, Muller et Joubert (Bijou-Concert).

18 novembre. — le Roi Topino, opérette en 1 acte de Pignet, Bessière et L. Hervé (Excelsior).

18 novembre. — la 7e escouade, vaudeville-opérette en 1 acte de Matrat-Febvre, musique de Bonnamy (Gaîté-Rochechouart).

29 novembre. — la Soupe du Notaire, opérette en 1 acte de G. Séverin et Léon Abric, musique de Chantrier (Funambules).

01 décembre. — Madame Toubib, opérette en 1 acte de Nemo, Celval, de Théon et Gerin (Lyon).

10 décembre. — Véronique (1re), opérette en 3 actes de Vanloo et Georges Duval, musique de M. André Messager (Bouffes-Parisiens).

 

Au total de l'année 1898 sur trente-neuf opérettes nouvelles nous retenons : un vaudeville-opérette de Victor Roger, l'Agence Crook and Cie ; une comédie-opérette, les Petites Barnett de Louis Varney ; sept opérettes : les Quatre Filles Aymon de Lacôme et Victor Roger ; le Maréchal Chaudron de Lacôme ; les Demoiselles des Saint-Cyriens de Louis Varney ; la Dame de Trèfle d'Emile Pessard ; le Soleil de Minuit d'Albert Renaud ; la Petite Tache de Victor Roger ; enfin, Véronique de M. André Messager, c'est-à-dire en tout et pour tout une seule œuvre, un chef-d’œuvre : Véronique.

L'Agence Crook and Cie, grosse bouffonnerie de Maurice Ordonneau, partition aimable de Victor Roger.

Les Demoiselles des Saint-Cyriens, pièce amusante, partition réussie. Louis Varney a toujours son aimable facilité qui plaît : ses motifs se retiennent aisément (86 représentations).

A l'Agence Crook and Cie de Victor Roger, jouée six fois aux Folies-Dramatiques, succède, du même Victor Roger un nouveau vaudeville : la Petite Tache représentée 12 fois aux Bouffes-Parisiens.

Le Maréchal Chaudron, l'opérette militaire de l'année est une agréable partition de Lacôme ; les trois actes sont variés et amusants, la musique légère, délicate, peu banale et remarquablement bien orchestrée.

La Dame de Trèfle ne réussit pas beaucoup mieux aux Bouffes que la Petite Tache et pourtant la partition qu'Émile Pessard écrivit pour les 3 actes de Charles Clairville et Maurice Froyez était pleine d'excellente musique, mieux, c'était aussi une véritable opérette dans la formule et la tradition : la raison, peut-être de sa non réussite, la gaîté y était de bon ton, et les mélodies abondantes tout cela fort joliment orchestré. Pessard qui, depuis Mam'zelle Carabin n'avait rien donné, aurait mérité une autre destinée, mais le livret choisi ne sortait pas de la banalité ordinaire des opérettes ; après 20 représentations, le grand public bouda la Dame de Trèfle.

Nous n'insistons pas sur la Tour du Bois, fantaisie-opérette avec une musique assez insignifiante de Louis Varney et qu'aux Variétés jouèrent 18 fois, Baron, Cooper, Guy, Petit, Mmes Germaine Gallois, Gilberte, Lavallière et Marguerite Deval.

C'est une bonne partition que celle des Quatre Filles Aymon de Paul Lacôme (Folies-Dramatiques, 20 septembre). Bonne partition, sur un amusant sinon très original livret d'Armand Liorat et Albert Fonteny ; les vingt numéros qui la composent contiennent quelques-unes des meilleures pages du musicien de Jeanne, Jeannette et Jeanneton. Cent représentations consacrèrent cette œuvrette qui aurait mérité de survivre à tant de productions médiocres.

Albert Renaud, compositeur consciencieux et distingué, débuta dans l'opérette avec le Soleil de Minuit. Son inspiration n'était pas profondément originale, mais ses rythmes francs, son entrain, sa profusion de motifs avaient fait de son unique partition, un ensemble agréable à écouter. Mais les Bouffes avaient besoin d'autre chose ; après 60 représentations, le Soleil de Minuit s'éteignit.

Si les Petites Barnett ne sont pas intitulées vaudeville-opérette mais comédie-opérette, c'est parce que la pièce de M. Paul Gavault, mise en musique par Louis Varney est d'une certaine qualité. Ingénieuse et gaie, elle a fourni au musicien les éléments d'une partition quelque peu banale (50 représentations).

Enfin, pour terminer cette année bien terne, les Bouffes-Parisiens représentèrent la Véronique de M. André Messager. Dès le premier soir, cette partition qui, de la première mesure à la dernière, est une des plus complètement et des plus heureusement réussies qui soient, cette partition s'imposa par sa grâce, sa verve de bon aloi, sa gaîté, sans trivialité, sa tendresse. Tous les morceaux, universellement connus, en sont exquis ; au premier acte : les couplets de la Fleuriste, les couplets de la Promenade, le refrain « C'est Estelle et Véronique », au deuxième, le tourne-bride, le duetto de l'âne « De ci, de là, cahin, caha », celui de l'Escarpolette, les couplets « Une grisette mignonne », la lettre « Adieu, je pars », au dernier, le quatuor, le duo « Hélène n'est pas Véronique » et les couplets d'Agathe, les meilleurs, sans doute, de la partition.

Les interprètes de la création servirent l'œuvre : leurs noms ne sont pas oubliés ; ils s'appelaient Jean Perier, Regnard, Maurice Lamy, Brunais, Mmes Mariette Sully, Tariol-Baugé, Léonie Laporte. M. André Messager était, désormais, le maître de l'opérette.

 

 

 

Jean Périer et Mariette Sully dans Véronique

 

 

— 1899 —

13 janvier. — la Poule Blanche (1re), opérette en 4 actes de Maurice Hennequin et Antony Mars, musique de Victor Roger (Cluny).

20 janvier. — la Tulipe rouge, opérette en 1 acte de Duroc et Neuzillet (Bobino).

11 février. — l'Ami Vaudière, opérette en 1 acte de Bessière et Ruffier (Excelsior).

26 février. — le Voyage aux Alpes, opérette en 3 actes d'Antigeon et H. Lucas (Roubaix).

25 mars. — le Rêve de Madame X, opérette en 1 acte de L. Lagarde et Montignac, musique de Toulmouche (Carillon).

31 mars. — la Foire aux Nichons, opérette en 1 acte de Lebreton, Talber et Jacoutot (Pépinière).

01 avril. — Trois Avignonnais au Dahomey, opérette en 1 acte de Normand, Maunier et Graffan (Avignon).

21 avril. — les Sœurs Gaudichard (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Audran (Gaîté).

21 avril. — le Parc aux Biches, opérette en 1 acte de Duroc, de Téramond et Daulnay (Pépinière).

13 mai. — les Filles de Géromé, opérette en 3 actes de du Pierriez, Némo et Celval (Folies-Belleville).

23 juin. — la Mouche, opérette de Blairat et Neuzillet (Bobino).

30 juin. — le Doigt coupé, opérette en 1 acte de Gramet et Talber (Epoque).

14 juillet. — A Cocotteville-Plage, opérette en 1 acte de Queyriaux et Dubost (Bobino).

04 octobre. — la Demoiselle aux Camélias (1re), opérette en 3 actes d'Eugène Adenis, musique d'Edmond Missa (Bouffes-Parisiens).

27 octobre. — Tout le Corps d'Armée y passera, opérette en 1 acte de Chavat et Girier (Bobino).

23 novembre. — Shakespeare (1re), opérette en 3 actes de P.-L. Flers et Paul Gavault, musique de Gaston Serpette.

01 décembre. — Un Collège parisien, opérette en 1 acte de Moche, Bénédite et Piccolini (Epoque).

22 décembre. — Robinson n'a pas cru Zoé, opérette en 2 actes de Cottens, Charvay, Maurel et Fragson (Boîte à Fursy).

30 décembre. — les Saltimbanques (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique de Louis Ganne (Gaîté).

 

Année plus pauvre encore que les précédentes ! La production se ralentit ; la vogue de l'opérette diminue ; signe particulier, la revue gagne les cafés-concerts et la province donne moins d'actes nouveaux. A Paris on peut tout juste citer cinq partitions, une d'Audran : les Sœurs Gaudichard, une de Serpette : Shakespeare, une de Victor Roger : la Poule Blanche, une d'Edouard Missa, la Demoiselle aux Camélias, enfin le premier grand succès populaire de Louis Ganne : les Saltimbanques. La faillite est flagrante ; les librettistes ont tué de ce genre qu'aucun compositeur de génie n'a pu ressusciter.

La Poule Blanche, jouée à Cluny, qui s'en souvient ? Elle n'a laissé, parmi les vingt morceaux qui composaient la joyeuse partition de Victor Roger, que deux pages citées alors par les critiques, mais oubliées aujourd'hui. Le livret de MM. Maurice Hennequin et Antony Mars était adroit et amusant, le public habituel de Cluny négligea cependant la Poule Blanche à partir de la trentième.

La fortune des Sœurs Gaudichard, d'Audran, ne fut pas plus brillante, à la Gaîté : le livret de Maurice Ordonneau avait le double tort de rappeler Giroflé-Girofla, ainsi que les P'tites Michu et la partition d'Audran ne valait ni celle de M. André Messager ni celle de Lecocq. Le compositeur de la Mascotte, semblait être las, lui aussi, d'écrire de la musique gaie sur des pièces qui ne l'étaient pas (28 représentations).

Poursuivons la « série noire » par la Demoiselle aux Camélias d'Eugène et Adolphe Adenis, musique d'Edmond Missa (Bouffes-Parisiens, 4 octobre). Cette opérette dont le livret était complètement inexistant, fut mise en musique d'une façon fort gentille quoique parfois prétentieuse (9 représentations).

En fin d'années, les Bouffes représentaient Shakespeare, opérette de MM. P.-L. Flers et Paul Gavault. Mais qu'on se rassure, Shakespeare est le nom d'un chien qui joua un rôle entre Français, Espagnols et Anglais à Gibraltar. Pièce amusante avec une musique facile, mais sans originalité de Serpette (46 représentations).

On connaît les Saltimbanques, ils sont au répertoire et il n'est pas d'année qu'on ne reprenne cette pièce à succès qui remporte toujours auprès des foules peu exigeantes, un accueil chaleureux. Passons sur le livret de Maurice Ordonneau, insignifiant et banal à pleurer, mais qui est un prétexte adroit à des épisodes scéniques dont les effets sont toujours certains. La musique de Louis Ganne n'est pas spécialement distinguée, mais il faut lui reconnaître une qualité : elle plaît aux « petites places ». Elle est faite pour un public qui aime les rythmes vulgaires et faciles à retenir. L'auteur de la Czarine, de la Marche Lorraine, du Père la Victoire est certainement un maître dans son genre ; mais il ne faut pas lui demander autre chose qu'une marche ou qu'un pas redoublé (cent représentations).

 

 

 

Claude Terrasse

 

 

— 1900 —

24 janvier. — les Petits Croisés, opérette en 3 actes de MM. Paul Gavault et P.-L. Flers (Cigale).

26 janvier. — le Fiancé de Thylda (1re), opérette en 3 actes de Victor de Cottens et Robert Charvay, musique de Louis Varney (Cluny).

07 février. — les Petits Zoulous, opérette en 1 acte de Duhem et Lebreton (Ba-ta-clan).

12 février. — Mam'zelle Sans Gêne, opérette en 2 actes de Vires et Galerne (Grenoble).

19 février. — la Belle au Bois Dormant (1re), opérette en 3 actes d'Albert Vanloo et Georges Duval, musique de Charles Lecocq (Bouffes-Parisiens).

05 mars. — Coup Double, opérette en 1 acte de Gueyriaux, Fauriol et Deschaux (Fantaisies-Saint-Martin).

09 mars. — les Amoureuses de Télémaque, opérette en 1 acte de Gardel-Hervé, musique d'Hervé (Scala).

25 mars. — la Cigale et la Fourmi, opérette en 1 acte de E. Martin et Pinatal (Galeries Vivienne).

30 mars. — les Aphrodites, opérette en 1 acte de Beissier (Ba-ta-clan) .

6 avril. — le Carreau des Halles, opérette en 1 acte de Matrat et Fabvre, musique de Bonnamy (Gaîté Rochechouart).

25 avril. — Frégolinette, opérette en 1 acte de Victor de Cottens, musique de Louis Varney (Mathurins).

12 mai. — la Jolie Bouquetière, opérette en 1 acte de Durbuc, Deroze et Rostoul (Marseille).

16 mai. — Zidore, opérette en 1 acte de Morry, Marigny et Jacoutot (Pépinière).

19 juin. — l'Amour en Bouteille, vaudeville-opérette en 1 acte de Bonis-Charancle, musique de Claude Terrasse (Folies-Parisiennes).

13 juillet. — les Joyeux Chauffeurs, opérette en 1 acte de Petit Carin et Delvaille (Bobino).

17 août. — Mariage Princier (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier, musique de Gillet (Renaissance).

01 octobre. — la Petite femme de Loth (1re), opérette en 2 actes de Tristan Bernard, musique de Claude Terrasse (Mathurins).

19 octobre. — Au ranz des vaches, opérette en 1 acte de Duroc, Piccolini et Delattre (Epoque).

03 novembre. — la Czarda (1re), opérette-vaudeville en 4 actes d'Alfred Delilia, musique de Georges Fragerolle (Bouffes-Parisiens).

16 novembre. — Mam'zelle Schampoing, opérette en 1 acte de Grehou et Marc Sonal, musique de Bonnamy (Bobino).

22 novembre. — les Petites Vestales (1re), opérette en 3 actes d'Ernest Depré et Arthur Bernède, musique de Frédéric Rey et Justin Clérice (Renaissance).

01 décembre. — Une halte au château, vaudeville-opérette en 1 acte de Charancie et Rhomières (Ba-ta-clan).

02 décembre. — Mademoiselle George (1re), opérette en 4 actes de Victor de Cottens et Pierre Veber, musique de Louis Varney (Variétés).

15 décembre. — Bobette, opérette en 1 acte d'Alfred Delilia, musique d'Edmond Missa (Capucines).

20 décembre. — le Roi Dagobert, opérette en 3 actes d'Octave Pradels et L. Raboteau, musique de Marius Lambert (Bouffes-Parisiens).

 

En 1900 comme pour l'Exposition de 1889, la plupart des théâtres passèrent en revue les opérettes de leur répertoire. Les quelques nouveautés, timidement risquées, ne réussirent pas, et elles s'appelaient la Belle au Bois Dormant, de Charles Lecocq (29 représentations), le Fiancé de Thylda de Louis Varney (61 représentations), Mariage Princier de Gillet (29 représentations), les Petites Vestales de F. Rey et Clérice (47 représentations), Mademoiselle George de Varney (34 représentations) ou le Roi Dagobert de Marius Lambert (15 représentations). Seule, une opérette affirma la personnalité d'un musicien réellement bouffe : la Petite Femme de Loth de Claude Terrasse.

Nous n'avons pas grand chose à dire sur le Fiancé de Thylda, la pièce était amusante et la partition charmante et vive : valses langoureuses, duos comiques, ensembles bouffes ; la « manière » de Louis Varney y retrouvait son inspiration habituelle. La Belle au Bois Dormant que les Bouffes représentèrent somptueusement le 19 février, fut la dernière opérette de Charles Lecocq. Et cette œuvre ultime fut un échec que Lecocq lui-même attribua au cadre des Bouffes. Cette pièce avait été donnée à Monte-Carlo avec un plein succès. « Il y a, écrivit le compositeur, de très bonnes choses dans la musique qui passèrent inaperçues par l'insuffisance de l'interprétation, la partie amoureuse surtout, le livret est ingénieux et amusant, mais beaucoup trop chargé de dialogue ». Telle fut l'opinion de Lecocq qui n'avait malheureusement pas retrouvé sa veine heureuse de la Fille de Madame Angot pour la Belle au Bois Dormant.

Ernest Gillet, le populaire auteur de Loin du Bal, morceau sur lequel la Loïe Fuller dansait, à ses débuts la danse serpentine, Ernest Gillet ancien chef d'orchestre du Théâtre-Lyrique voulait écrire lui aussi une opérette ; sur un livret de Paul Ferrier, Mariage Princier, le compositeur donna une partition très soignée et non sans quelques qualités de rythme et de joyeux entrain.

Mais il faut nous arrêter sur l'événement opérette de l'année : la Petite femme de Loth, deux actes de Tristan Bernard qui révélait un musicien doué du sens de la parodie et de la grosse bouffonnerie, Claude Terrasse. Le livret de M. Tristan Bernard était d'une qualité littéraire savoureuse.

Dès le début la partie était déjà gagnée pour le compositeur qui avait traité le premier morceau avec une verve étincelante. Nous pourrions citer, les lamentations de Schem, l'entrée de Loth, les couplets du Déluge, les parfums de Gomorrhe et le finale des chameaux au deuxième acte. Parmi les meilleurs motifs : le cantique de la femme du patriarche, la scène de la pétrification et le duo des statues. Et pour tout cela, Claude Terrasse écrivit un petit chef-d’œuvre d'humour qui faisait déjà pressentir les Travaux d'Hercule.

Mademoiselle George fut un des plus jolis spectacles montés par Samuel aux Variétés. Il avait fait donner toute sa « troupe de fer » : Baron, Brasseur, Noblet, Guy, Petit, Prince, Mmes Simon-Girard, Lavallière, Lanthenay, etc. La mise en scène somptueuse et d'un goût ravissant avait été acclamée : la pièce amusa. La partition plut ; pourquoi au bout de 46 fois Mademoiselle George disparut-elle de l'affiche ? La musique de Varney, d'une gaîté très franche comprenait d'excellentes pages dont un finale si entraînant qu'il figura dans toutes les Revues...

C'est encore Louis Varney qui devait écrire la partition de la Czarda, vaudeville-opérette d'Alfred Delilia (Bouffes-Parisiens), mais pris par un autre travail, le compositeur des « Mousquetaires au Couvent » refusa et c'est Georges Fragerolle, l'auteur de la Marche à l'Etoile qui, en fort peu de temps, composa et orchestra une musique facile qui ne manquait pas d'agrément. Ce fut, d'ailleurs, la seule opérette de cet aimable musicien (23 représentations).

Enfin, les Bouffes pour remplacer la Czarda montèrent le Roi Dagobert de Marius Lambert et le jouèrent une vingtaine de fois. Le nom de Marius Lambert ne restera pas attaché à cette partition où les mesures à trois temps dominent...

 

— 1901 —

10 janvier. — les Contes de Piron, opérette en 1 acte de Habrekorn et Mars (Concert Parisien).

07 février. — Kan-Ka-Non, opérette en 3 actes de Piquet, Gohelle et Fievet (Valenciennes).

09 février. — le Sergent Bellefleur, opérette en 2 actes de Garnier et Loisel, musique de Dédé fils (Ba-ta-clan).

15 février. — les Tribulations d'un réserviste, opérette en 1 acte de Croiset et Mme Bellet (Ham).

15 février. — la Poupée américaine, opérette en 2 actes d'Alévy, Cottens et A. Vély (Parisiana).

22 février. — l'Agence Robert Macaire, opérette-bouffe en 2 actes de Charles Esquier, musique de W. Salabert (Mathurins).

27 février. — Quarante minutes d'arrêt, opérette en 1 acte de Oudot, musique de Georges Fragerolle (Bodinière).

07 mars. — les Travaux d'Hercule (1er), opéra-bouffe en 3 actes de G.-A. de Caillavet et M. Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Bouffes-Parisiens).

23 mars. — Pomponette, opérette en 3 actes de Jaquinot, Fontenelle, Delattre, Marzia et Le Balle (Folies-Belleville).

01 avril. — le Capitaine Thérèse, opérette en 3 actes d'Alexandre Bisson, musique de Robert Planquette (Gaîté).

16 avril. — le Coup de Foudre, opérette en 1 acte de Cairol et Malfait (Epoque).

26 avril. — le Tépé-Tépé, opérette en 3 actes de Lavello et J. Lacroix (Montpellier).

27 avril. — Miss Aline, opérette-bouffe en 1 acte de René Delarue et Jouberti (Le Havre).

11 mai. — le Moulin d'Amour, opérette en 1 acte de Pariot, Chanteclair et Cuvelard (Bodinière).

17 mai. — Mademoiselle Cardinal, opérette en 1 acte de Tranchant, Monnier, Montignac et Melodia (Divan Japonais).

07 juin. — le Joli Moulin des Amours, opérette en 1 acte de Desbat et Lassèrel (Bordeaux).

06 juillet. — On demande des chanteuses, opérette-bouffe en 1 acte de Verse, musique de Claude Terrasse (Royan).

03 août. — Gosses, comédie-opérette de Marandet et de Menil (Royat).

27 septembre. — les Singeries de l'Amour, opérette-vaudeville en 1 acte de Lebreton et Saint-Paul (Epoque).

03 octobre. — Autour d'une Etoile, opérette en 1 acte de G. de Dubor et Charton (Rouen).

19 octobre. — Au rang des vaches, opérette en 1 acte de Duroc, Piccolini et Delattre (Epoque).

25 octobre. — le Curé Vincent (1re), opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edouard Audran (Gaîté).

01 décembre. — On n'est pas de bois, opérette en 1 acte de Montignac et Lagarde (Mathurins).

06 décembre. — la Fille du Calife, opérette en 2 actes de Collin, Jacomet et Lacheurié (Rouen).

14 décembre. — le Tout Petit Chaperon Rouge, opérette en 1 acte de Paul Ferrier et Edmond Diet (Charleville).

26 décembre. — le Puits d'Amour, opérette en 3 actes de M. Pierre Veber et Bannières, musique de Louis Gibaux.

 

L'opérette est désormais menacée, certains théâtres consacrés à ce genre en marquent la condamnation : la Renaissance est livrée à la comédie, les Menus-Plaisirs sont devenus le Théâtre Antoine, les Folies-Dramatiques évoluent, les Nouveautés ne jouent plus que des vaudevilles à succès, l'Athénée renonce à la musique. Seuls, les Bouffes-Parisiens et la Gaîté restent fidèles aux flonflons languissants de l'opérette et encore les Bouffes en faillite, allaient tenter un dernier et unique effort dans l'opérette avant de se consacrer eux aussi à la comédie. De petites scènes adoptent, cependant ce genre ; les Capucines, les Mathurins affichent des opérettes en 1 acte ; l'opéra-bouffe est défunt, la grande opérette se meurt, petit à petit, la comédie-opérette va naître... Et pourtant, le 7 mars, l'opéra-bouffe semblait prendre un essor nouveau : après la Petite Femme de Loth, Claude Terrasse faisait représenter son premier grand ouvrage en 3 actes sur un livret de M. Robert de Flers et G. A. de Caillavet : les Travaux d'Hercule. Le soir de la répétition générale on évoqua immédiatement, dès le premier acte les noms de Meilhac et Halévy et celui de Jacques Offenbach ; il semblait qu'après une apathie de quelques années un nouvel élan de gaîté et d'entrain passait sur la scène et dans cette salle où Orphée aux Enfers avait été créée on avait tant besoin de rire que pendant l'ouverture on sentit une seconde jeunesse saisir les spectateurs ; ils sourirent... la partie était gagnée. On devine que c'est encore la mythologie qui fournit aux spirituels collaborateurs le sujet de leur livret. C'est également la mythologie qui inspira le musicien. Sa musique est un long éclat de rire, pleine d'une verve nouvelle et saine, d'une raillerie-bouffe assez personnelle. Cette partition s'imposa comme une revanche. MM. Tarride, Riche, Victor Henry, Colas, Raiter, Kermy ; Mmes Amélie Diéterle, Léo Demoulin, Renée Duprez, etc., interprétèrent 90 fois les Travaux d'Hercule.

Que dire, après cette partition, du Capitaine Thérèse, opérette de Robert Planquette (Gaîté, 1er avril). Cet ouvrage aimable et conventionnel conçu dans l'immuable formule adoptée, formule qui, au lendemain des Travaux d'Hercule parut plus vieille et encore plus usée qu'avant (27 représentations).

Mais la Gaîté ne se tint pas pour battue ; après cette tentative infructueuse, elle donna courageusement, le Curé Vincent de Maurice Ordonneau, déjà et souvent nommé, et Edmond Audran. La Mascotte et le Grand Mogol étaient loin, même dans les souvenirs du compositeur, car sa partition sans éclat et sans originalité ne parvint même pas à conquérir le public, pourtant peu difficile du Square des Arts et Métiers ; le Curé Vincent eut 8 représentations.

Glissons rapidement sur un certain Puits d'Amour de Louis Gibaux à Cluny, qui fut également joué 8 fois.

 

— 1902 —

08 janvier. — la Fiancée du Scaphandrier, opérette-bouffe en 1 acte de M. Franc-Nohain, musique de Claude Terrasse (Mathurins).

26 janvier. — le Moulin des Fous, opérette en 2 actes de Borne et H. Michel (Marseille).

01 février. — la Petite Carmen, opérette en 1 acte de Moreau et Saint-Cyr (Eldorado).

06 avril. — le Songe d'un soir d'Eté, opérette en 1 acte de Johanny de Peronnet (Salle du Journal).

11 avril. — Chonchette, opérette en 1 acte de G.-A. de Caillavet et M. Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Capucines).

12 avril. — Saignée d'Amour, opérette en 1 acte de Saint-Bonnet et Noter, musique de Méroult (Belfort).

15 avril. — Eden Party, opérette en 1 acte de Jacques Redelsperger et Demange (Mathurins).

18 avril. — la Princesse Bébé (1re), opérette en 3 actes de Pierre Decourcelle et Georges Berr, musique de Louis Varney (Nouveautés).

11 mai. — Louison, opérette en 1 acte de Rossi Dallix et C. Henry (Bodinière).

19 mai. — la Chanson de Florentin, opérette en 1 acte de Bouvet, musique de Poncin (Concert Brunin).

24 mai. — Comédie à Compiègne, opérette d'Edouard et Ch. Malo, musique de H. Malo (Athénée Saint-Germain).

01 juin. — la Boulangère, opérette en 1 acte de Rivaux et Rodel (Epoque).

13 juin. — Madame la Présidente, opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Auguste Germain, musique d'Edmond Diet (Enghien-les-Bains).

29 juillet. — le Bonheur avant tout, opérette en 1 acte d'Alphand, musique d'Edouard Mathé (Mers-les-Bains).

14 septembre. — le Cadeau d'Alain, opérette en 1 acte de G. de Bussy, musique d'Oscar de Lagoanère (Bouffes-Parisiens).

15 octobre. — l'Armée des Vierges, opérette en 3 actes d'Ernest Depré et L. Hérel, musique d'Emile Pessard (Bouffes-Parisiens).

02 décembre. — Au temps des Croisades, opérette en 1 acte de M. Franc-Nohain, musique de Claude Terrasse (Palais de Flore, Liège).

04 décembre. — le Jockey malgré lui, vaudeville-opérette de M. Paul Gavault et Maurice Ordonneau, musique de Victor Roger (Bouffes-Parisiens).

24 décembre. — le Chien du Régiment, opérette en 3 actes de M. Pierre Decourcelle, musique de Louis Varney (Gaîté).

 

Sur huit opérettes nouvelles jouées à Paris et signées Louis Varney, Victor Roger, Emile Pessard, Edmond Diet, Lagoanère c'est un adorable petit acte de Claude Terrasse, Chonchette joué aux Capucines qui doit être seul retenu.

L'année avait commencé par la Fiancée du Scaphandrier, une bouffonnerie d'un comique « pince-sans-rire » assez particulier. Terrasse l'avait paré de sa verve truculente et sa partition irrésistible, depuis le duetto des cantonniers jusqu'au couplet le fonctionnement du Scaphandrier contient des pages bien amusantes.

Mais voici l'œuvrette la plus réussie de l'année : Chonchette. Sur un livret étourdissant d'esprit et de gaîté, Claude Terrasse composa la plus étourdissante des partitions. Il y a dans les huit numéros de cette petite partition, huit morceaux de la plus jolie et de la plus fraîche inspiration ; les couplets de la Blanchisseuse, « Glissons, glaçons », le duetto « Je sais ça », l'aventure de Turlurette, l'air sifflé : « les Parisiens de Paris », le menuet chanté, la valse du Beau Linge et la scène des Esprits. Rarement collaboration fut plus complète et plus heureuse. L'interprétation extraordinaire de Max Dearly et de ses camarades, Le Gallo, Dubosc, Saindreau et Mlle Alice Bonheur fit, c'est le mot, courir tout Paris aux Capucines.

 

 

 

Mme Alice Bonheur

 

 

Une opérette jouée en 1902 et dans laquelle les personnages s'appellent Cactus et Oméga, est, assurément une opérette conçue selon l'ancienne formule classique ; tel fut le cas de la Princesse Bébé (Nouveautés, 18 avril). Cependant les auteurs, MM. Pierre Decourcelle et Georges Berr s'ils n'ont pas fait un livret imprévu n'en ont pas moins écrit une pièce amusante. Le compositeur Varney spécialement bien inspiré composa pour cette pièce une de ses meilleures partitions rythmée et scénique. Cependant, après tant de vaudevilles à succès, l'opérette surprit un peu les habitués des Nouveautés. La Princesse Bébé aurait pu fournir une très brillante carrière sur une autre scène, aux Nouveautés elle atteignit trente représentations.

Madame la Présidente d'Edmond Diet, créée avec succès à Enghien le 13 juin avait réussi, doublement réussi. Le livret de Paul Ferrier et Auguste Germain, légèrement satirique n'était pas étranger à l'accueil réservé à cette opérette. La musique d'Edmond Diet, assez personnelle, renfermait des idées amusantes et des trouvailles mélodiques non sans grâce et sans esprit. Madame la Présidente fut jouée, trois mois plus tard 33 fois aux Bouffes.

Une bouffonnerie manquée d'Ernest Depré et Emile Pessard, l'Armée des Vierges suivit Madame la Présidente sur l'affiche des Bouffes-Parisiens. La pièce et la partition n'étaient ni meilleures ni plus mauvaises que d'autres qui, cependant réussirent (dix représentations).

Après ces deux essais infructueux, les Bouffes décidément attachés à l'opérette, donnèrent, en fin d'année, le Jockey malgré lui, vaudeville-opérette de Maurice, Ordonneau, Paul Gavault, musique de Victor Roger. Pièce amusante, partition alerte et délurée ; une des plus réussies du compositeur (37 représentations).

Enfin, la Gaîté qui tenait également à l'opérette, donna, le Chien du Régiment de M. Pierre Decourcelle, musique de Louis Varney. Excellent spectacle du jour de l'an, la Hollande, un couvent, un régiment, Fontenoy, un chien, Moustache, deux ballets « Pêcheurs et Laitières », et « la Jarretière de la Mariée », en fallait-il davantage, avec une action divertissante et une musique charmante et bien rythmée, pour plaire au public : Mmes Simon-Girard, Descorval, Virginie Roland, MM. Guyon fils, du Tilloy, Brunais, Bartel, etc., conduisirent à la soixantième ce plaisant ouvrage.

 

— 1903 —

07 janvier. — la Botte Secrète, opérette-bouffe en 1 acte de M. Franc-Nohain, musique de Claude Terrasse (Capucines).

17 février. — l'Epave, opérette en 1 acte d'Ernest Depré et Louis Hérel, musique d'Emile Pessard (Bouffes-Parisiens).

17 février. — Service d'Amour, opérette en 2 actes de Maurice Dumas, musique de H. Christiné (Scala).

08 mars. — Et avec ça, opérette en 1 acte de Damorès et Jacquet (Boulogne-sur-Seine).

12 mars. — Amours de Casino, opérette en 1 acte de Regnartigue, Duranton et Lou-Lac (Valenciennes).

16 avril. — le Sire de Vergy (1re), opéra-bouffe en 3 actes de G. A. de Caillavet et M. Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Variétés).

23 avril. — Mam'zelle Lulu, opérette en 1 acte de Gresset, Cousterchon et Bovery (Athénée-Saint-Germain).

29 avril. — Etoiles en Chambre, opérette en 1 acte de Delausnoy et Lesaulx, musique de Dupré (Cannes).

14 mai. — le Mariage au Tambour, opérette en 1 acte de Esselin, musique de J. Chastan (Bouffes-Parisiens).

03 juillet. — le Bon gîte, opérette en 3 actes de Marsan, Joubert et Meynard (Bobino).

05 septembre. — Mam'zelle Frétillon, opérette en 3 actes de Bessier et Monti (Enghien).

13 octobre. — la Fille de la Mère Michel, opérette en 3 actes de Daniel Riche et Lasnier, musique de E. Gillet (Bouffes-Parisiens).

16 octobre. — Pique-Nique, opérette en 3 actes de Altéry (Nice).

14 novembre. — Péché Véniel, opérette-bouffe en 1 acte de M. Franc-Nohain, musique de Claude Terrasse (Capucines).

08 décembre. — En Colonne, opérette en 3 actes de Marsan et Mignard (Bône).

19 décembre. — la Leçon imprévue, opérette en 1 acte de William Burtey, musique de Le Chevalier de Boisval (Salle des Fêtes du Journal).

 

Claude Terrasse fut le « gagnant » de 1903 ; année d'ailleurs très peu fertile en opérettes, mais pour sa part, le compositeur des Travaux d'Hercule fit jouer : la Botte secrète, Péché Véniel, enfin, le Sire de Vergy.

La Botte Secrète comporte une petite partition qui ne comprend pas moins de 10 numéros et une ouverture. A chaque page, on y retrouve cette verve, cette ironie et toujours ces trouvailles mélodiques d'un effet si cocasse. M. Gémier joua et chanta cette bouffonnerie avec ses camarades Dubosc, Mondos, Saidreau et Mlle Marie-Thérèse Berka.

Après avoir, comme Meilhac, Halévy et Offenbach dans la Belle Hélène, raillé l'antiquité avec les Travaux d'Hercule, M. Robert de Flers, G. A. de Caillavet et Terrasse raillèrent le Moyen Age dans le Sire de Vergy comme Meilhac, Halévy et Offenbach l'avaient « blagué » avec Geneviève de Brabant. Il faut dire que dans l'une et l'autre époque, les auteurs ont été également heureux. On retrouve dans la pièce et dans la partition cette verve malicieuse et boulevardière, ce sentiment du burlesque poussé jusqu'à l'extrême. Cette bonne humeur digne de ses chefs-d’œuvre du genre. On connaît l'amusante affabulation du Sire de Vergy que des personnages épisodiques, tels que les deux captifs et la Princesse Mitzy.

Jamais le tempérament de Terrasse, ancien organiste, lui aussi, comme Hervé et tant d'autres compositeurs d'opérettes, jamais ce tempérament ne s'est manifesté avec autant de franchise. L'invention y est abondante, parfois un peu facile, mais il y a toujours une pirouette inattendue, une révérence qu'on surprend, un trombone éclate de rire, une flûte s'esclaffe et tout cela vous emporte et vous entraîne (58 représentations).

Signalons les 21 représentations de la Fille de la Mère Michel de M. Daniel Riche, musique d'Ernest Gillet (Bouffes-Parisiens, 13 octobre), avant de mentionner Péché Véniel, opéra-bouffe en 1 acte de M. Franc-Nohain, musique de Claude Terrasse.

La partition extrêmement brillante et copieuse de Péché Véniel comporte quinze morceaux. Ils sont tous de cette même « veine » heureuse et bouffonne à qui nous devons les Travaux d'Hercule et le Sire de Vergy.

Et cette année-là, la Scala affichait une opérette : Service d'Amour de Christiné (la première).

 

— 1904 —

15 janvier. — Deux Anges au Clou, opérette en 1 acte de Roydel, Herbel et Duhem (Concert de la Poste).

20 janvier. — Voluptata, opérette en 2 actes de P.-L. Flers et Clairville, musique de Paul Marcelles (Moulin-Rouge).

28 janvier. — Rose Mousse, opérette en 1 acte d'Alexandre et Peter-Carin, musique de Charles Lecocq (Capucines).

29 janvier. — A nous les femmes, opérette en 1 acte de Monjardin, Moullet et Malfait (La Fauvette).

17 février. — la Malle à Bouffer, opérette en 1 acte de Meunier et de Frettes, musique de Rousseau (Fantaisies-Parisiennes).

25 février. — Jack l'Empereur, opérette en 3 actes de Vinay et Puget (Valence).

27 février. — les Sabots de la Reine Anne, opérette en 1 acte de Durocher, musique de Guillermit (Brest).

19 mars. — Pépita, opérette en 1 acte de Montoya et Boyer, musique d'Edouard Mathé (Mathurins).

21 mars. — Batignolles-Clichy-Odessa, opérette en 1 acte de Lannoy et Duthic, musique de Thuisy (Mathurins).

25 mars. — la Mi-Carême, opérette en 1 acte de Simoni, Chambot et Bastia (Reims).

28 mai. — la Revanche de Don José, opérette en 1 acte de Cliff de Frettes, musique de Paulin (Salle du Journal).

01 juin. — Pêcheurs de lune, opérette en 1 acte de La Bretesche, Buisson et Letombe (Tour Eiffel).

10 juin. — le Congrès des Caresses, opérette en 2 actes de Rouvray, Lemarchand, Blount et Mme Hug (Concert Européen).

30 juillet. — la Fauvette des Halles, opérette en 1 acte de Martin et Clément (Veulettes).

27 août. — la Girouette, opérette-bouffe en 1 acte de Camys (Calais).

01 septembre. — Tout l'Olympe à Titania, opérette-bouffe en 5 tableaux de Marsan, Emmecé et Charton (Théâtre Moncey).

06 septembre. — Son Excellence Vatel, opérette en 1 acte de Lemarchand, de Rouvray et Bastin (Arcachon).

01 octobre. — le Chien d'Alcibiade, opérette en 1 acte de Boyer, musique d'Edouard Mathé (Boîte à Fursy).

28 octobre. — Arlette, opérette en 3 actes de Claude Roland, Ch. Delautière, J. Emmecé, musique de Jane Vieux (Galeries Saint-Hubert, Bruxelles).

02 novembre. — Monsieur de La Palisse (1re), opérette en 3 actes de M. Robert de Flers et G. A. de Caillavet, musique de Claude Terrasse (Variétés).

01 décembre. — Rosita, opérette en 2 tableaux de Champavert et Guérin (Alcazar).

02 décembre. — le Néophyte, opérette en 1 acte de Bonis-Charade, musique de Bonnamy (Gaîté-Rochechouart).

09 décembre. — le Voyage de la Mariée, opérette en 3 actes de Paul Ferrier et Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Diet et Justin Clérice (Galeries Saint-Hubert, Bruxelles).

 

C'en est fait ! Il n'y a plus, en 1904, à Paris, aucun théâtre d'opérette. La Gaîté après une saison lyrique joue des pièces à grand spectacle, les Bouffes-Parisiens se sont consacrés à des spectacles littéraires et artistiques. C'est sans doute ce qui décida Fernand Samuel, sans doute le directeur le plus étonnant qui ait jamais existé, de faire, aux Variétés une saison d'opérette française. Il allait réaliser un rêve d'ailleurs difficile à poursuivre : faire de son théâtre l'opéra-comique de l'opérette, c'est-à-dire alterner ses spectacles avec les grands succès du répertoire. Mais que l'on se représente les frais que comporte une pareille entreprise ; le travail à fournir, travail d'études pour les chœurs et travail de répétition et de mise en scène ; mais rien n'arrêta l'enthousiasme de Samuel. Il possédait alors la première troupe d'ensemble de Paris, il la renvoya et décida d'offrir à ses abonnés, seize spectacles différents dont dix ouvrages nouveaux et dix pièces du répertoire. Ainsi, du 4 octobre à la fin de l'année, Samuel donna, dans l'ordre suivant : Barbe-Bleue (Offenbach), le lendemain, la Fille de Madame Angot (Lecocq), Monsieur de la Palisse (Terrasse), le Petit Duc (Lecocq), la Vie Parisienne (Offenbach), l'Œil crevé (Hervé).

L'œuvre de Terrasse est donc la seule dont nous ayons à parler ici, la seule opérette nouvelle de l'année, excepté un petit acte de Charles Lecocq, Rose Mousse joué aux Capucines le 28 janvier.

Le succès de Monsieur de la Palisse fut éclatant ; la presse, unanimement, loua la fantaisie et l'esprit des auteurs qui ont si drôlement imaginé une action pittoresque à laquelle préside le petit-fils du célèbre La Palisse...

Les critiques ne firent plus aucune réserve sur la partition de Claude Terrasse qui défie la gaîté.

 

— 1905 —

10 janvier. — le Manoir de Cagliostro, opérette en 1 acte d'Alfred Jarry et Eugène Demolder, musique de Claude Terrasse (représentation privée).

14 janvier. — la Salutiste, opérette en 1 acte de Fernand Bessier, musique de Charles Lecocq (Capucines).

19 janvier. — la Petite Bohème (1re), opérette en 3 actes de Paul Ferrier, musique de Henri Hirchmann (Variétés).

19 janvier. — le Serment de Pierrot, opérette en 1 acte de Berthier et Brunet (Toulouse).

21 janvier. — le Voyage de Madame la Présidente, fantaisie-opérette de Bessier, musique de Léo Pouget (Casino de Paris).

13 février. — les Dragons de l'Impératrice (1re), opérette en 3 actes d'Albert Vanloo et Georges Duval, musique de André Messager (Variétés).

24 février. — Petit nuage conjugal, opérette en 1 acte de V. Thomas, Pinasseau et Morand (Auxerre).

04 mars. — Mademoiselle l'Ordonnance, fantaisie-opérette en 2 actes de Blount, Pacra, Remy et Mme Hug (Ba-ta-clan).

16 mars. — Friquette, opérette en 3 actes de Lon-Lac, Regnartigue et Fievet (Valenciennes).

01 mai. — l'Age d'Or, féérie-opérette en 3 actes de Georges Geydeau et Maurice Desvallières, musique de Louis Varney (Variétés).

13 mai. — A qui le Chat ?, opérette en 2 actes de Avèze et Versepuy (Concert Européen).

20 mai. — Salamalek Ier, opérette en 1 acte de Dottin et Darvile (Etoile Palace).

26 mai. — les Poupées de Mr Dupont, opérette en 1 acte de M. Paul Gavault, musique de Charles Lecocq (Variétés).

06 août. — les Maris de Pontorson, opérette en 2 actes de Simon et Quéré (Paramé).

06 août. — l'Echanson du Roi d'Yvetot, opérette en 1 acte de Fortiolis, musique d'Edouard Mathé (Houlgate).

08 septembre. — la Couturière sans aiguille, opérette en 1 acte de Sibre-Verse et Deschaux (Bobino).

29 septembre. — la Succession Pompadour, fantaisie-opérette en 2 actes de Bastia et Chambot (Rouen).

20 octobre. — Avant-hier matin, opérette en 2 actes de M. Tristan Bernard, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

24 novembre. — Au bout de la Gaule, opérette en 1 acte de Verse, musique de Chantrier (Bobino).

 

Comme en 1904, les théâtres de Paris, en 1905, boudèrent l'opérette : seules, les Variétés sous l'active impulsion de Samuel continuèrent leur saison d'opérette française en donnant, avec les pièces précédemment reprises, Miss Helyett (Audran), enfin trois nouveautés, la Petite Bohème (Henri Hirchmann), les Dragons de l'Impératrice (André Messager), l'Age d'Or (Louis Varney).

La Petite Bohème de Paul Ferrier est, comme on le pense, une vie de bohème à l'usage de l'opérette. C'est un honnête livret, sans grande originalité avec d'amusants épisodes et surtout une bonne humeur constante qui rend la pièce agréable et plaisante d'un bout à l'autre. La même bonne humeur, facile et aimable déborde de la partition de M. Henri Hirchmann qui est un excellent musicien. Ses mélodies ne sont pas compliquées, son rythme est généralement net et franc, ses valses langoureuses à souhait et ses couplets bien frappés ; ce sont là des airs qu'on retient ; que peut-on demander de plus à une opérette remarquablement écrite ? L'orchestre est d'une facture impeccable et abonde en trouvailles, en détails, en effets qui sont tous « très théâtre » ; la gaîté y est entraînante, parfois un peu banale, mais comme nous l'avons dit l'orchestre, très soigné transforme heureusement ce défaut.

Les Dragons de l'Impératrice de M. André Messager suivirent le mois suivant. Quelle grâce ! Quelle distinction charmante ! Quelles jolies qualités dans les romances, quel entrain, dans les chansons à boire ! Quelle adresse dans les chœurs merveilleusement traités ! Evidemment le livret de Georges Duval et Albert Vanloo était-il un peu conventionnel dans sa conception de la vieille opérette et malgré cela, la pièce « filait » remplie d'entrain et de gaîté.

Mmes Mariette Sully, Germaine Gallois, Marguerite Fournier, MM. Prince, Alberthal, Claudius, Simon, jouèrent 40 fois cette œuvre qui sera certainement reprise un jour.

Pour terminer sa saison d'opérette, Fernand Samuel monta l'Age d'Or une opérette-féérie de Georges Feydeau et Maurice Desvallières. Bien que la partition soit de Louis Varney, la musique abondante n'occupa point le premier plan qui appartenait à la fantaisie de la pièce, et à la mise en scène éblouissante de Samuel. L'Age d'Or fut joué 33 fois.

Cette saison d'opérette s'arrêta fin mai ; la tentative aussi brillante que possible n'ayant pas donné tous les résultats attendus, qu'allait devenir l'opérette et quels théâtres accueilleraient désormais les Messager, les Terrasse, les Louis Ganne et les Hirchmann ?

 

— 1906 —

14 janvier — le Mariage à l'Echelle, opérette en 1 acte de Bellune et Danty (Théâtre Grévin).

18 janvier. — le Procès-Verbal, opérette en 1 acte de Montignac et H. Roosi, musique de Magdeleine Symiane (Little Palace).

02 février. — Mistigris, opérette en 1 acte de Mlle Michel Carré et E. Michel (Théâtre Royal).

10 février. — Mam'zelle Sourire, opérette en 3 actes de Maurice de Marsan, musique d'Aimé Lachaume (Liège).

15 février. — Arlette, opérette en 3 actes de Claude Roland et Bouvet, musique de Jane Vieu (Angers).

16 février. — Salambine, opérette en 1 acte de A. Béraud (Toulon).

01 mars. — Descend donc de ton cadre, opérette en 1 acte de Clairville et Guérin, musique de Paul Marcelles (Boîte à Fursy).

03 mars. — Mademoiselle Cagliostro, opérette en 1 acte d'Edmond Martin et A. Clément (Moret).

18 mars. — Pâris, ou le bon juge, opéra-bouffe en 2 actes de M. Robert de Flers et G. A. de Caillavet, musique de Claude Terrasse (Capucines).

18 mars. — la Leçon d'amour, opérette en 1 acte de Thusy et Edouard Mathé (Théâtre Royal).

24 mars. — Mominette, vaudeville-opérette en 2 actes de Paul Bonhomme, Madeleine Guitty, L. Simon et Spark (Concert Européen).

27 mars. — les Amours d'un Pierrot, opérette en 1 acte de Barbe et Sangnier (Cherbourg).

31 mars. — le Modèle, opérette en 1 acte de Courpon et Sourilas (Charenton).

14 avril. — Hans, le joueur de flûte (1re), opérette en 3 actes de Maurice Vaucaire, Georges Mitchell et Paul Ferrier, musique de Louis Ganne (Monte-Carlo).

10 mai. — le Dieu Marcheur, opérette en 1 acte de Berthelot, Claude Roland et Lemarchand (Bordeaux).

15 mai. — le Paradis de Mahomet (1re), opérette de Monréal et Blondeau, musique de Louis Ganne et Robert Planquette (Variétés).

16 mai. — l'Habit de César, opérette en 1 acte.

17 mai. — la Belle Madelon, opérette en 3 actes de Mireur et Hesse (Marseille).

31 mai. — la Fronde, opérette-bouffe en 3 actes de Versepuy (Aurillac).

26 juin. — Une Idylle en Bretagne, opérette en 1 acte de Mme Roger Perducet et de Fontenelle, musique de Gaston Perducet (Salle du Journal).

23 août. — Cœur de Neige, opérette en 3 actes de Montignac de Maupré et Seigle (Vichy).

24 août. — Ohé, Cupidon, fantaisie-opérette en 2 actes de Warmoës, Delvaille, Harry, Blonnet et Mme Hug (Parisiana).

29 septembre. — la Brigande, opérette en 3 actes de Maurice de Marsan, musique d'Aimé Lachaume (Liège).

04 octobre. — la Carte forcée, opérette en 1 acte de Hugues Delorme, musique de Charles Cuvillier (Palais-Royal).

10 septembre. — Pierrette et le Pot au lait, opérette en 1 acte de Delrue, Prédoff et Joyeux (Eden Montrouge).

09 novembre. — Une simple formalité, opérette en 1 acte de Grandry et Symiane (Théâtre Grévin).

17 novembre. — les Hirondelles, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Henri Hirchmann (Galeries Saint-Hubert, Bruxelles).

20 décembre. — Little Poucette, opérette en 2 actes de Guillemaud et Maigrot (Casino de Paris).

25 décembre. — le Marquis de Caraba, opérette en 1 acte de Lafforgue, musique de Casa (Salle du Journal).

25 décembre. — Au Carillon d'amour, opérette en 1 acte de Noël et A. Clément (Nanterre).

 

Année sans éclat pour l'opérette. Deux partitions de Louis Ganne dont une, le Paradis de Mahomet en collaboration avec Robert Planquette et l'autre, Hans, le joueur de flûte ; un opéra-bouffe de Claude Terrasse : Pâris ou le bon juge ; les Hirondelles de M. Henri Hirchmann ; Mam'zelle Sourire et la Brigande, deux œuvres d'un nouveau venu, Aimé Lachaume, enfin MM. Charles Cuvillier et Edouard Mathé donnent leurs premières œuvrettes. L'un, la Carte forcée, le second, la Leçon d'Amour.

Fidèle à ses collaborateurs, M. Robert de Flers et G. A. de Caillavet, Claude Terrasse écrit avec les spirituels auteurs : Pâris ou le bon juge. Même verve bouffe, dans les deux actes, même franche gaîté, que dans les Travaux d'Hercule et le Sire de Vergy. Créé aux Capucines le 18 mars Pâris ou le bon juge fut interprété par Mmes Germaine Gallois, Alice Bonheur, MM. Charles Lamy et Victor Henry dans les principaux rôles.

Nous avons déjà vanté ici les qualités de Louis Ganne ; qualités de rythme, plus que d'inspiration, mais la netteté et la franchise de sa manière, ne se manifestèrent jamais mieux que dans Hans, le joueur de flûte. Sur un assez poétique et pittoresque livret de Maurice Vaucaire et Georges Mitchell, Louis Ganne a composé une partition très « décidée » aux motifs entraînants et colorés, motifs que l'on retient facilement à cause de leur banalité ; mais on ne résiste pas à la chanson de la flûte, d'un mouvement très particulier. Il y a également une jolie romance au charme de laquelle on se laisse prendre facilement, un finale entraînant « Nous t'aimons brave homme ». Çà et là des chœurs bien traités et de bons ensembles. M. Jean Perrier fit du personnage de Hans, une création de grande allure, et rarement la flamme de ce grand artiste ne le servit mieux. Parmi les autres créateurs à Monte-Carlo : Mariette Sully.

Le mois suivant, Fernand Samuel qui, décidément, aimait l'opérette, monta, aux Variétés, le Paradis de Mahomet (15 mai), de Monréal et Blondeau, musique de Robert Planquette et Louis Ganne. Le Paradis de Mahomet fut joué 94 fois par Baron, Max Dearly, Defreyn, Petit, Mmes Méaly, J. Saulier, Lyse Ferty, Diéterle, etc.

 

 

 

Mlle Jeanne Saulier

 

 

— 1907 —

30 janvier. — le Flirt de Colombine, opérette en 1 acte de M. Jacques Redelsperger, musique de M. Charles Cuvillier (Nice-Capucines),

31 janvier. — les Rois s'amusent, opérette en 1 acte de Lecomte Arnold et Brisler (Mathurins).

09 févriers. — le Trou d'Almanzo, opérette en 1 acte de Rip et Wilned, musique de Willy Redstone (Théâtre des Arts).

20 février. — les Hirondelles, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique de M Henri Hirchmann (Gaîté).

22 février. — la Feuille de Vigne, opérette en 2 actes de Paul Ferrier, musique de M. Henri Hirchmann (Moulin-Rouge).

24 février. — l'Ecole des Chastes, opérette en 1 acte de Paul Franck, musique de M. Edouard Mathé (Boîte à Fursy).

10 avril. — Son p'tit frère, opérette en 2 actes de M. André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

07 mai. — Eglé ou l'Enfant de la Vache, opérette en 2 actes de Moreau Clairville et Depré, musique de Claude Terrasse (Moulin-Rouge).

08 mai. — Joyeux retour, opérette en 1 acte de Bord de Labotaria, musique de Montaubry (Salle du Journal).

14 mai. — Fleur de pétun, opérette en 1 acte de Rip et P. Lafargue, musique de Willy Redstone (Tréteau Royal).

16 mai. — le Voiturier, opérette en 1 acte de Gardel-Hervé, musique d'Hervé (Gaîté).

17 mai. — En voulez-vous de l'Amour, opérette en 1 acte de Chambot, Chameroy et Mirabaud (Bobino).

07 juin. — le Circuit de Mominette, opérette en 1 acte de Dupuys, Dutreuil et Barbier (Rouen).

03 juillet. — l'Amour aux castagnettes ou la Manolita, opérette en 3 actes de Raboteau et Moncousin, musique de Marius Lambert (Théâtre des Arts).

24 août. — la Plage d'Amour, opérette vaudeville en 2 actes de Joullot et R. Adam (Parisiana).

31 août. — Défense d'entrer, opérette en 1 acte de L. Payen et Bousquet, musique de E. Vuillermoz (Biarritz).

15 septembre. — Un rêve dans le Passé, opérette en 1 acte de Gabrielle Roger et Marcelle Babin, musique de Gaston Perducet (Théâtre Grévin).

28 septembre. — Souper de Rupture, opérette en 1 acte de Willy, musique d'Edouard Mathé (Tréteau Royal).

20 octobre. — Prix de Vertu, opérette-bouffe en 1 acte de Tinant, musique de Vivenot (Aulnay-sous-Bois).

31 octobre. — la Fiancée du 59e chasseurs, opérette-vaudeville en 2 actes de Kolb, Yver et de Mauprey (Gaîté-Rochechouart).

22 novembre. — Midas, opérette en 1 acte de MM. Louis Marsolleau et Henri Géroule, musique de Willy Redstone (Comédie Royale).

11 décembre. — l'Ingénu Libertin, fantaisie-opérette de M. Louis Artus, musique de Claude Terrasse (Bouffes-Parisiens).

14 décembre. — Messire Rabelais, opérette-bouffe en 1 acte de Fabre, Kerar et Roussel (Avignon).

17 décembre. — Coco Chéri !, opérette en 2 actes de Codey et Tubla, musique de Perpignan (Cigale).

20 décembre. — Chat en poche, comédie-opérette en 2 actes de MM. Gaston Derys et de Narjal, musique de Bonnamy (Little Palace).

22 décembre. — Amour et Sport, opérette en 1 acte de F. Puget, musique de O. de Lagoanère (Versailles).

 

L'année 1907 est marquée par un léger retour à l'opérette. Si les Variétés ne jouent que des comédies et une revue, la Gaîté consacre les six premiers mois de sa saison à l'opérette. Reprise des Cloches de Corneville, de la Fille du Tambour-major, de la Fille de Madame Angot, et une première à Paris : les Hirondelles de M. Henri Hirchmann, retour de Bruxelles. Les Bouffes-Parisiens après une reprise de la Petite Bohémienne donnent l'Ingénu Libertin de Claude Terrasse, qui avec Eglé ou l'Enfant de la Vache tient encore deux fois l'affiche avec deux nouveautés. Citons encore cette année là, une gentille petite partition de M. Charles Cuvillier : Son p'tit frère et des opérettes en 1 acte de Willy Redstone, qui n'avait d'Anglais que son nom, Edouard Mathé, Perpignan, Bonnamy et Oscar de Lagoanère ainsi qu'une partition de Henri Hirchmann la Feuille de Vigne et la Manolita de Marius Lambert. Il est d'ailleurs à remarquer que l'opérette gagne de plus en plus les petits théâtres et les music-halls. La grande opérette est morte et l'opérette réduite, sans chœurs, l'opérette pour cadres restreints va limiter la verve et le génie des compositeurs.

Cependant, après la réussite de la Petite Bohème, M. Henri Hirchmann avait donné à Bruxelles les Hirondelles. Sur un livret de Maurice Ordonneau, la Gaîté représenta cette opérette le 20 février ; le librettiste avait évoqué dans son scénario le souvenir du Grand Mogol et des Brigands, du Petit Duc et des Mousquetaires au Couvent. C'est dire qu'on retrouva de « vieilles connaissances » ; le compositeur avait apporté sa collaboration abondante, sa franche gaîté, sa mélodie facile, souvent même un peu trop facile, mais au demeurant, gracieuse et légère. Les Hirondelles s'envolèrent au bout de 39 représentations.

Son p'tit frère fit connaître M. Charles Cuvillier. MM. Polin, Defreyn et Mme Marguerite Deval créèrent cette amusante fantaisie de M. André Barde sur la petite scène des Capucines. Un piano était à lui seul, tout l'orchestre ; il accompagna cette œuvrette fort gracieusement mise en musique. Il ne faut pas demander à M. Charles Cuvillier de la verve ou de l'esprit ; sa partition, charmante d'un bout à l'autre, n'a pas d'autre but que de plaire et d'être retenue. Elle est sans prétention, aimable, facile et d'une grâce constante ; sans être profondément originale, elle est personnelle et quelques motifs furent particulièrement heureux.

L'Ingénu Libertin ou la Marquise et le Marmiton est intitulé conte galant, mais la musique de Claude Terrasse, a transformé de son coup d'archet irrésistible ce conte en une opérette de la meilleure qualité. Mmes Jane Alba, Arlette Dorgère, Jeanne Petit, MM. Milo de Meyer, Hasti, Coizeau, etc., jouèrent 25 fois cette très séduisante partition.

 

— 1908 —

13 janvier. — Monsieur Nénuphar, opérette en 1 acte de Fortiolis, musique d'Edouard Mathé (Dijon).

17 janvier. — Little Jap, opérette en 1 acte de MM. Paul Frank et Edouard Mathé (Scala) .

12 février. — les Rendez-vous strasbourgeois, opérette en 1 acte de M. Romain Coolus, musique de M. Charles Cuvillier (Comédie Royale).

24 février. — le Postiche, opérette en 1 acte de Samson et Pradels, musique de M. Léo Pouget (Capucines).

28 février. — le Pèlerin d'Amour, opérette en 1 acte de Lancelin, Jemain et Hugonnet (Marigny).

29 février. — Cinq minutes d'amour, opérette en 2 actes de Charles Esquier, musique de H. Christiné (Scala).

13 mars. — Qui veut de l'Amour, opérette en 1 acte de Blount, Caldine et Mme Hug (Bobino).

06 avril. — le Coq d'Inde, opérette en 1 acte de Rip, musique de Claude Terrasse (Capucines).

13 avril. — le Troisième Larron, opérette en 1 acte de Gauthier-Villars, musique de Claude Terrasse (Folies-Pigalle).

17 avril. — la Course à l'Amour, vaudeville opérette de P.-L. Flers, Eugène Héros et Ondet (Cigale).

11 mai. — la Pension Michonnet, opérette en 2 actes de Bessier, musique de Perpignan (Eldorado).

14 juillet. — les Dames au bain, opérette en 1 acte de Spitzmuller, Maboir et Montravel (Little Palace).

01 septembre. — le Planteur du Connecticut, opérette en 1 acte de Rip et Arnoud, musique de Willy Redstone (Marigny).

09 septembre. — Chanteclairette, opérette fantaisie en 2 actes de Lafargue et Robiguet, musique de Willy Redstone (Scala).

11 septembre. — le Voyage de Tante Isabelle, opérette en 3 actes de Vatin, Veret et For (Versailles).

15 septembre. — Mam'zelle Trompette, opérette en 3 actes de Desvallières et Moncousin, musique de Hirlemann (Folies-Dramatiques).

10 octobre. — Ohé ! Phryné, opérette de Jourda, musique de Laurent Halet (Apollo).

16 novembre. — Fraisidis, opérette en 1 acte de M. Jacques Redelsperger, musique de M. Marcel Lattès (Comédie Royale).

 

Les Capucines, la Comédie Royale, les Folies Pigalle, Marigny et la Scala sont cette année-là les seuls théâtres d'opérette. Par exception les Folies-Dramatiques jouent Mam'zelle Trompette, mais toutes les autres grandes scènes ont abandonné l'opérette.

La partition des Rendez-vous strasbourgeois est cependant copieuse, elle comprend près de trente-cinq numéros et il y en a de fort agréables.

Dans le Coq d'Inde que jouèrent Mmes Polaire, Alice Bonheur, MM. Charles Lamy et Palau, Claude Terrasse sema ses rythmes entraînants et ses couplets d'une joyeuse venue, et les autres compositeurs ne nous en voudront pas de ne signaler que leurs actes sans leur consacrer, ici, plus d'importance qu'ils ne leur ont donné eux-mêmes.

 

— 1909 —

15 janvier. — Madame Malbrough, opéra-bouffe en 3 actes de M. Lucien Métivet, musique d'Aimé Lachaume (Folies-Dramatiques).

17 janvier. — le Coup de Baguette, opérette en 1 acte de Montignac et Moncousin, musique d'Emile Bonnamy (Boîte à Fursy).

12 février. — Oh ! Oh ! c'est une Impératrice, opérette en 2 actes de Minet, Le Breton et J. Méténier (Bobino).

16 février. — l'Archiduc de Glockenspiel, opérette en 3 actes de Valette et Seigle (Marseille).

23 février. — Celle qui reste, opérette en 1 acte de F. Puget, musique de E. Michel (Salle du Journal).

17 mars. — Plumak et Poilowski, opérette en 1 acte de MM. de Féraudy, Puget et Michel (Théâtre Michel).

24 mars. — Chez la Somnambule, opérette en 1 acte d'Alexandre Bisson, musique de Toulmouche (Théâtre Grévin).

29 mars. — Karapatus, opérette en 1 acte de Pontié, musique de E. Bonnamy (Little Palace).

10 avril. — Afgar ou les loisirs andalous, opérette en 2 actes de MM. Michel Carré et André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

17 avril. — Léda, opéra-bouffe en 3 actes de Pierre Veber et de Lassier, musique d'Antoine Banès (Monte-Carlo).

17 avril. — Tel Père, tel Fils, opérette-bouffe en 1 acte de Sacha Guitry, musique de M. Tiarko Richepin (Théâtre Mévisto).

12 mai. — Bérengère, opérette en 1 acte de Liane et Pesse (Capucines).

28 mai. — le Gigolo de la Reine, opérette en 2 actes de Verdellet, Secretan et Mirabaud (Bobino).

23 juillet. — Ohé les Rosières !, opérette en 2 actes d'Hellen, d'Estoc, Mac-Sibert et Lenoir (Marseille).

09 août. — le Démon de Socrate, opérette en 1 acte de Gastambide, musique de Georges Villain (Paris Plage).

20 août. — l'Amour en Espagne, opérette en 2 actes d'Alévy, Joullot et Mareil (Parisiana).

05 septembre. — le Train spécial, opérette en 1 acte de Herter, Saint-Léon et Boursin-Marelly (Tour Eiffel).

24 septembre. — l'Amant de la Lune, opérette en 2 actes de Verdellet, Secrétan et Mirabaud (Bobino).

08 octobre. — Panouille aux Enfers, opérette en 1 acte de Verdellet, Secrétan et Mirabaud (Bobino).

15 octobre. — les Maris en bombe, opérette en 2 actes de Verdellet, Mirabaud et d'Arbois (Bobino).

22 octobre. — Cochon de Bricheton, opérette en 2 actes de Verdellet et Gustin (Bobino).

29 octobre. — Brigand d'Amour, opérette en 2 actes de Verdellet et Gustin (Bobino).

05 novembre. — Miss Cravache, opérette en 3 actes de Samson et Mourens, musique de Léon Pouget (Versailles).

19 novembre. — le Lieutenant Cupidon, opérette en 3 actes de Celval, Charles de Mauprey et Joubert (Marseille).

01 décembre. — Mam'zelle Main leste, opérette de M. Miguel Zamacoïs et Petit Mangin, musique de M. Charles Cuvillier (Scala).

03 décembre. — Poléon, opérette en 2 actes de Vercourt, Clarett et Bever (Eldorado).

31 décembre. — la Nièce de Candaule, opérette en 1 acte de Jourda, Perrier et Malet (Tréteau Royal).

 

Il est assez pénible de constater qu'à l'époque où, nous même, nous pourrions avoir des impressions personnelles sur les œuvres représentées alors, aucune d'elles n'ait laissé en nous de souvenirs précis, sauf une pourtant, Afgar ou les loisirs andalous de M. Charles Cuvillier. Le compositeur à l'inspiration aimable et facile rééditant Son p'tit frère opérette grecque sous la forme d'une opérette espagnole. Mais le fond en était-il différent ? Son p'tit frère avait réussi, il n'y avait pas de raisons pour qu'Afgar ne réussît pas à son tour ! Cette fois M. Michel Carré avait apporté à M. André Barde, librettiste adroit, son expérience consommée.

Madame Malbrough que le dessinateur Métivet écrivit en collaboration avec le compositeur Aimé Lachaume fut joué 14 fois aux Folies-Dramatiques. Une troupe sans éclat — Mlle Mariette Sully excepté — interpréta cette partition facile et bien venue, et, sur vingt-six partitions créées, cette année là, nous ne pouvons en dire davantage en signalant, cependant, Léda d'Antoine Banès qui réussit d'une façon fort brillante à Monte-Carlo sans parvenir jusqu'à Paris.

 

— 1910 —

14 janvier. — l'Amour au Galop, opérette en 1 acte de H. Gréjois, musique de A. Stanislas (Comédie-Royale).

26 janvier. — Mam'zelle Don Juan, opérette en 2 actes de M. Henri Hirchmann (Théâtre Grévin).

11 février. — l'Amour a du bon, opérette en 2 actes de H. Blount, F. Remy et le Barbier (Pépinière).

25 mars. — la Demoiselle de Tabarin, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, musique d'Edmond Missa, Edmond Diet et Toulmouche (Château-d'Eau).

16 avril. — Family House, opérette en 2 actes de F. Bessier, musique de Perpignan (Marseille).

18 avril. — les Muscadins, opérette en 2 actes de M. Michel Carré et André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

11 mai. — le Costaud de l'Olympe, opérette en 2 actes de Georges Nanteuil et Léon Mirai, musique de Willy Redstone (Cigale).

22 mai. —Mickha, opérette en 1 acte de Hoerter et Saint-Léon, musique de Boursin-Marelly (Tour Eiffel).

11 juin. — Mam'zelle l'Ambassadeur, opérette en 2 actes de Verdellet, Franville et Foucher (Ba-ta-clan).

02 septembre. — les Maris de Messaline, opérette en 2 actes de Jourda, Malet, Sievu et Bonnet (Mayol).

04 novembre. — Fille de Roy, opérette en 3 actes de Codey et Bocage, musique d'Eugène Poncin (Marseille).

17 novembre. — la Vie Joyeuse, opérette en 3 actes d'Antony Mars, musique de M. Henri Hirchmann (Valence).

22 novembre. — Salominette, opérette en 1 acte d'Enthoven, musique d'Edouard Mathé (Scala).

02 décembre. — Baby Pepper, opérette en 1 acte de Lucien Boyer, musique de Willy Redstone (Concert Mayol).

11 décembre. — les Chevaliers de Fontenoy, opérette en 1 acte de Le Pointe et Vidal (Orléans).

13 décembre. — Rhodope, opérette en 3 actes de P. Ferrier et de Choudens, musique de Louis Ganne (Monte-Carlo).

18 décembre. — les Aventures de Nongarelli, opérette en 3 actes de Bouviez et Mandleur (Marseille).

 

Cette fois l'opérette française condamnée est bien morte, l'opérette viennoise sévit à Paris. Après la Veuve Joyeuse c'est le tour de Rêve de Valse ; l'Apollo reprend Hans, le Joueur de flûte de Louis Ganne, et ce compositeur donne la même année à Monte-Carlo, Rhodope. Trois compositeurs se réunissent pour faire jouer la Demoiselle de Tabarin et M. Henri Hirchmann produit à Valence : la Vie Joyeuse. M. Charles Cuvillier ajoute les Muscadins à son heureuse série, et les autres compositeurs Edouard Mathé, Willy Redstone, Poncin ou Perpignan ont recours à la province, peu fertile, cette année-là, et aux petites scènes parisiennes qui ne font aucune révélation.

 

— 1911 —

12 janvier. — la Nièce de la mère Michel, opérette en 3 actes de E. Dupont, Félix Chapiteau et Jules Collery (Dunkerque).

30 janvier. — Pantagruel, opéra-bouffe en 5 actes d'Alfred Jarry et Emoleder, musique de Claude Terrasse (Grand Théâtre de Lyon).

31 janvier. — Salomette, opérette en 2 actes de Jean Séry, musique de Jane Vieu (Bruxelles).

27 février. — Mariette, opérette en 1 acte de Raph, musique de M. André Fijan (Monte-Carlo).

16 mars. — Miss Million, opérette en 3 actes de Beissier et Goudrey, musique de F. Perpignan (Cannes, Casino Municipal).

17 mars. — le Feu Sacré ou les Petites Entravées, opérette en 1 acte d'Albert Metzville et Sydney, musique de Jane Vieu (Fantaisies).

22 mars. — Marmaid, opérette en 1 acte de Michel Carré, musique d'Alexandre Duval (Comédie Royale).

24 mars. — les Vieux de l'Amour, opérette en 2 actes de Blount, Libar et Caldine, musique de Mme Hug (Pépinière).

06 avril. — Lysis Rata, opérette en 2 actes de Xanrof, Séry et Ondet (Casino de Paris).

06 avril. — les Quarante femmes d'Ali-Baba, opérette-bouffe en 3 actes de Félix-Louis Mauzin (Château-d'Eau).

07 mai. — la Part à Dieu, opérette en 2 actes de Colson et Grenié (Bordeaux).

20 mai. — les Transatlantiques, opérette en 3 actes de MM. Abel Hermant et Franc Nohain, musique de Claude Terrasse (Apollo).

02 juillet. — le Roi de la Sierra, opérette en 1 acte de Bigot et Guittard (Tour Eiffel).

04 juillet. — Mam'zelle Milliard, opérette en 2 actes de Verdellet, Franville et Foucher (Marseille).

20 août. — la Brune ou la Blonde, opérette en 1 acte de Gaillard, Vallon et Rose, musique de William Marie (Théâtre Grévin).

16 septembre. — la Reine de Golconde, opérette en 3 actes de Lhoste et J. Lorin, musique de F. Le Rey (Folies-Dramatiques).

26 septembre. — la Marquise de Chicago, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, Beissier et Hérel, musique de Toulmouche (Enghien).

28 septembre. — Mik Ier, opérette en 3 actes de Carpentier, musique de Willy Redstone (Scala).

13 octobre. — Arsène ou l'Enfant de l'Amour, opérette en 1 acte de A. Roger, musique de Chantrier (Concert Mayol).

04 novembre. — les Gabelous, opérette-bouffe en 3 actes d'Albert Barré, musique d'Antoine Banès (Marseille).

13 décembre. — Mam'zelle Joseph ma femme, opérette en 1 acte de Troiselles, Homo et Contesse (Little Palace).

23 décembre. — les Petites Etoiles, opérette en 3 actes de MM. Pierre Veber et Xanrof, musique de Henri Hirchmann (Apollo).

 

Terrasse est encore en 1911 le plus fécond des compositeurs d'opérettes. Son Pantagruel, sur un livret d'Alfred Jarry et Demolder, représenté à Lyon est un opéra bouffe, robuste, débordant de santé et de vie. C'est une grande fresque, truculente, à laquelle Terrasse vouait une tendresse particulière. Les Transatlantiques, représentés à l'Apollo (37 représentations) furent d'une inspiration moins heureuse ; le livret adroitement fait, incitait davantage le compositeur à écrire une « comédie musicale ».

Parmi les opérettes de la saison on peut citer encore : la Reine de Golconde du compositeur F. Le Rey, jouée 136 fois aux Folies-Dramatiques, les Gabelous d'Antoine Banès, dont Marseille eut la primeur, enfin les Petites Etoiles de M. Henri Hirchmann à l'Apollo. Ce compositeur qui venait, après la Petite Bohème, de donner un grand opéra, Hernani, était revenu à l'opérette : genre qu'il aime et qu'il cultive avec soin et tendresse. Sa partition, légère et très rythmée comprenait une jolie valse, une pantomime habilement traitée et quelques couplets d'heureuse venue.

Que reste-t-il de tant de petits actes ? Une gentille opérette de M. André Fijan, Mariette, une d'Albert Chantrier, et quelques œuvrettes sans valeur musicale qui n'ont laissé aucun souvenir après elles.

 

— 1912 —

05 janvier. — Service Personnel, opérette en 3 actes de Enthoven et Frémaux (Cigale) .

26 janvier. — les Caprices d'amour, opérette en 1 acte de Rose et Bachémont (Bobino).

02 février. — la Jolie Provençale, opérette en 3 actes de Armand Proviel, Jules Donyau et Louis Raynaud (Toulouse).

04 février. — le Gâteau des Rois, opérette en 1 acte de Le Roy-Villars (Pont-à-Mousson).

27 février. — Sappho, opérette en 2 actes de MM. Michel Carré et André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

06 mars. — Cartouche, opérette en 3 actes de MM. Hugues Delorme et Gally, musique de Claude Terrasse (Trianon).

22 mars. — l'Oncle du Rapin, opérette en 1 acte de Brevanne et Delabre (Casino de Montmartre).

06 avril. — Suzic, opérette en 3 actes de Mareil, musique de Scotto (Toulouse).

15 avril. — Eden Party, opérette en 1 acte de M. Redelsperger et Demange (Mathurins).

19 avril. — le Roi des Gourdes, opérette en 2 actes de Gustin (Lyon).

27 avril. — le Tiers Porteur, opérette en 1 acte de MM. Rozenberg, Kolb et André de Fouquières, musique de Claude Terrasse (Théâtre Michel).

11 mai. — la Veuve Frileuse, opérette en 1 acte de Crispy et Cambon (Albi).

09 juillet. — l’Armurier de Tolède, opérette en 1 acte de MM. Ch. Quinel et Fortiolis, musique de Bresles (Scala).

03 septembre. — la Ribaude, opérette en 3 actes de MM. Verse et Sablon (Folies-Dramatiques).

04 octobre. — Mam'zelle Caprice, opérette en 1 acte de Guitton, musique de Marius Baggers (Fantasio).

22 octobre. — le Voile d'Amour, opérette en 2 actes de MM. Nozière et G. Guérin, musique de Paul Marcelles (Théâtre Impérial).

06 novembre. — l'Initiatrice, opérette en 2 actes de MM. Robert Dieudonné et Hugues Delorme, musique de M. Charles Cuvillier (Concert Mayol).

15 novembre. — Ni Veuve ni Joyeuse, opérette en 3 actes de MM. Altery et Gordeaux, musique de Paul Fauchey (Marseille)

15 novembre. — le Béguin de Sapho, opérette en 2 actes de Verdellet et Pothier (Eden Concert).

10 décembre. — le Mascot du 32me, opérette en 2 actes de Verdellet et Pothier (Horloge, Lyon).

14 décembre. — Miss Alice des P. T. T., opérette en 3 actes de M. Tristan Bernard et Maurice Vaucaire, musique de Claude Terrasse (Cigale)

31 décembre. — la Reine s'amuse, opérette en 3 actes de M. André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Marseille).

 

La crise de l'opérette s'accentue : Terrasse donne cependant à Trianon : Cartouche, mais, il faut le reconnaître, la nouvelle partition du compositeur est inférieure aux précédentes, moins distinguée, moins vive, moins originale et moins personnelle, on n'y retrouve plus cette verve endiablée des Travaux d'Hercule du Sire de Vergy ou de Monsieur de la Palisse.

Moins bonne encore est la musique de Miss Alice des P. T. T. ; on sent, à travers les pages parfois aimables une grande hâte et une facilité que le compositeur aurait pu modérer.

M. Charles Cuvillier, suivant son agréable formule fait représenter avec ses collaborateurs habituels Sappho, l'Initiatrice et la Reine s'amuse. Toutes les autres productions ne valent pas d'être commentées.


— 1913 —

04 janvier. — Cœur de Créole, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, Bénédit et Berté (Lille).

09 janvier. — la Fin du Monde, opérette en 3 actes de Carnys (Calais).

07 février. — le Roi boite, opérette en 1 acte d'Ernest Depré, musique de G. Goublier (Théâtre Impérial).

20 février. — les Adam, opérette en 1 acte de M. Tristan Bernard, musique de M. Charles Cuvillier (Automobile Club).

21 février. — Manette, opérette en 3 actes de Beissier et Le Bel, musique de M. André Fijan (Trianon).

25 février. — le Carnaval de Mam'zelle Fanfare, opérette en 1 acte de Marzac et Durante (Reims).

28 février. — Coco-Chéri, opérette en 1 acte de MM. de Féraudy et Kolb, musique d'Erik Satie (Monte-Carlo).

15 mars. — la Petite Manon, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Heuzé, musique de M. Henri Hirchmann (Th. Royal de Gand).

19 avril. — le Prince Bibeski, opérette en 3 actes de Truchet et Kerp (Caen).

25 avril. — Pas davantage, opérette en 1 acte de M. Nozière, musique de M. Marcel Lattès (Théâtre Michel).

10 mai. — la Petite Veuve, opérette en 2 actes de MM. de Lesse, Jack Cazol et Maurice Verne, musique de E. Bonnamy (Théâtre Moderne).

20 mai. — la Jeunesse dorée, opérette en 3 actes de MM. Gabriel Faure et Verne, musique de M. Marcel Lattès (Apollo).

30 mai. — la Nuit de Noces de Mademoiselle Beulemans, opérette en 2 actes de Nadaud et d'Arvar (Montmartre).

12 août. — l'Amour patriote, opérette en 1 acte de Gally et Kolb, musique de Claude Terrasse (Royan).

16 août. — le Rosier, opérette en 2 actes de Devilliers, Nicolay et Riquet (Mont Dore).

14 novembre. — Ohé ! Milord, opérette en 2 actes de MM. Robert Dieudonné et Guillardot, musique de A. Chantrier (Cigale).

20 novembre. — Vénus en Ballade, opérette en 2 actes de Mme Verdillat et Pothier (Levallois).

22 novembre. — le Prétendant, opérette en 3 actes de G. Dumestre et Louis Reynaud (Toulouse).

28 novembre. — Madame Lupin, opérette en 1 acte de Palan, musique d'Edouard Mathé (Théâtre Grévin).

28 novembre. — la Dernière Mascotte, opérette en 1 acte de Mme Verdellet et Pothier (Casino Montparnasse).

29 novembre. — Cocorico, opérette en 3 actes de Georges Duval, Soulié et Jailly, musique de Louis Ganne (Apollo).

23 décembre. — le Roi Cothon, opérette en 3 actes de Servanges, musique d'Edouard Mathé (Théâtre des Arts).

24 décembre. — les Petits Crevés, opérette en 2 actes de Rip et Jacques Bousquet, musique de Willy Redstone (Capucines).

 

Et voici la dernière année de l'opérette... Son agonie qui se prolongeait déjà depuis longtemps va, enfin, cesser ; le genre créé pour amuser l'esprit, l'oreille et les yeux va quitter sa parure. Il sommeillera pendant deux ou trois ans. Lorsqu'il reparaîtra, changé, transformé, nous ne le reconnaîtrons plus ; et nous ne l'appellerons par son nom que le jour où un musicien de génie pourra le faire renaître de ses cendres.

C'est pourquoi nous signalerons, non sans mélancolie les quelques opérettes « à costumes » de l'année... qu'elles s'appellent la Petite Manon de Henri Hirchmann, la Jeunesse dorée de Marcel Lattés, Cocorico de Louis Ganne ou les Petits Crevés de Willy Redstone. La Jeunesse dorée fut la première grande opérette de Marcel Lattès ; le musicien aimable avait jusque là fait représenter de petites œuvres. Son inspiration abondante, peut-être, se répandit au cours de ces trois actes en romances, en valses faciles et sans grande personnalité. MM. Defreyn, Pr. Lefaur, Mmes Brigitte, de Landresse, interprétèrent 17 fois à l'Apollo la Jeunesse dorée. Signalons également les 28 représentations de Cocorico de Louis Ganne, partition rythmée à souhait, avec du panache et de l'entrain.

 

— 1914 —

L'année 1914 s'annonçait plus mauvaise encore que les autres ; sauf l'Apollo avec la première opérette de Xavier Leroux, la Fille de Figaro, aucun grand théâtre parisien n'avait donné d'opérettes ; c'est tout juste si nous pouvons mentionner :

22 janvier. — le Tzigane et la Houri, opérette en 1 acte de Paul Franck, musique d'Édouard Mathé (Théâtre Impérial).

01 février. — Tout de même (1re), opérette en 1 acte de M. Henri Sébille, musique de E. Bonnamy (Théâtre Grévin).

01 février. — Ma Femme s'amuse, opérette en 2 actes de Verdellet, Joullot, Benet, L. Gautier (Marseille).

10 mars. — la Fille de Figaro, opérette en 3 actes de MM. Maurice Hennequin et Hugues Delorme, musique de Xavier Leroux (Apollo).

20 mars. — Mam'zelle Caprice, opérette de Clairville, musique d'Albert Chantrier (Nouveau Cirque).

21 mars. — Miousic, opérette en 2 actes de Paul Ferrier, musique de Charles Lecocq, André Messager, Camille Erlanger, Xavier Leroux, Reynaldo Hahn, Henri Hirchmann, Charles Cuvillier, Willy Redstone, Paul Vidal et Paul Letombe (Olympia).

C'est sur cette revue musicale des plus récents compositeurs d'opérettes que se terminait la comédie.

 

— 1915 —

19 février. — Miss Flirt, opérette en 1 acte de Mauprey, musique de Robert Casa (Chansonia).

03 avril. — Mam'zelle Boy-Scout, opérette en 3 actes de Paul Bonhomme, musique de Goublier (Renaissance).

09 avril. — la Chasse aux Boches, opérette en 1 acte de Victor de Cottens et Leroux, musique de F. Perpignan, (Folies-Bergère).

25 juin. — Soufflons nos dames, opérette en 1 acte de Maupery et Pougaud, musique de Chagrin (Chansonia).

25 novembre. — la Cocarde de Mimi-Pinson, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Francis Gally, musique de H. Goublier (Apollo).

 

— 1916 —

14 janvier. — le Poilu, opérette en 2 actes de MM. Hennequin et Pierre Veber, musique de M. Jacquet (Palais-Royal).

10 février. — la Croix de Guerre de Mimi-Pinson, opérette en 1 acte de E. Destez, musique de M. André Colomb (Théâtre Le Peletier).

17 mars. — Mam'zelle Carmen, opérette en 1 acte de Briollet et Jean Reibrach, musique de M. André Colomb (Théâtre Michel).

05 avril. — White and Black, opérette en 3 actes de Beissier et de Choudens, musique de Paul Fauchey (Genève).

17 mai. — la Demoiselle du Printemps, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et M Goublier fils (Apollo).

29 juillet. — la Farce du Poirier, opérette en 1 acte de F. Hérold, musique de Claude Terrasse (Bouffes-Parisiens) .

21 octobre. — la Petite Dactylo, opérette en 3 actes de Hennequin et Georges Mitchell, musique de M. Jacquet (Gymnase).

18 novembre. — les Maris de Ginette, opérette en 3 actes de Keroul et Barré, musique de Félix Fourdrain (Apollo).

 

— 1917 —

10 février. — Mam'zelle Vendémiaire, opérette en 3 actes de Leneka, Foucher et Gillet, musique de Mme Raynal (Apollo).

17 février. — le Papa de Josette, opérette en 2 actes d'Alfred Moyne et Blond'hin (Variétés-Parisiennes) .

22 février. — la Fiancée du lieutenant, opérette en 3 actes de Francis Gally, musique de Henri Goublier fils (Apollo).

05 mars. — la Reine de l'Or, opérette en 3 actes de Mauprey et Nazelles, musique de Robert Casadesus (Trianon).

16 mars. — Carminetta, opérette en 2 actes de MM. André Barde et Carpentier, musique d'Emile Lassailly (Théâtre Michel).

07 avril. — la Folle Nuit ou le Dérivatif, opérette en 3 actes de MM. Félix Gandéra et Mouezy Eon, musique de M. Marcel Pollet (Théâtre Edouard VII).

25 août. — Princesse of Trianon, vaudeville-opérette en 2 actes de Bertal et Marbon, musique de Monteux-Brisac (Concert Brunin).

01 septembre. — les Exploits d'Hélène, opérette en 2 actes de Blount, Hebel, Pacra et Brevannes (Concert Brunin).

03 novembre. — les Gaîtés du Cinéma, vaudeville-opérette en 2 actes de Bertal et Maubon, musique de Monteux-Brisac (Concert de la Fourmi).

29 novembre. — le Billet de Cent francs, opérette en 2 actes de W. Burtey, Pingrin et Mouton, musique de Mme Raynal (Grenoble).

06 décembre. — la Marraine de l'Escouade, opérette en 3 actes de Mouezy et Daveillan, musique de Moreau-Fèvre (Vaudeville).

13 décembre. — la Petite Bonne d'Abraham, opérette en 3 actes de MM. Félix Ganderé et Mouezy-Eon (Théâtre Edouard VII).

22 décembre. — Judith Courtisane, opérette en 2 actes de MM. André Barde et Régis Gignoux, musique de M. Charles Cuvillier (Théâtre Michel).

 

L'opérette revenait donc timidement sur la scène. Elle s'était elle aussi militarisée : la Cocarde de Mimi-Pinson (succès populaire), le Poilu, la Croix de guerre de Mimi-Pinson, Mam'zelle Vendémiaire, la Fiancée du Lieutenant, la Marraine de l'Escouade furent plus ou moins des opérettes d'actualité. Les musiciens nouveaux apparurent, MM. Henri Goublier fils, Maurice Jacquet, Moreau Fèvre et Mme Reynal. N'insistons pas sur leurs œuvres plus oubliées aujourd'hui que des partitions datant de cinquante ans. M. Charles Cuvillier donna une Judith Courtisane. Un seul compositeur, l'excellent Emile Lassailles fit représenter un petit acte plein de verve et de finesse parodique : Carminetta.

 

 

 

M. Christiné

 

 

— 1918 —

22 février. — Grospoupart modiste, opérette en 2 actes de Karcher et Nazelles, musique de Chantrier (Concert Victoria).

17 mars. — la Fausse ingénue, opérette en 2 actes de MM. Michel Carré et André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Théâtre Fémina).

29 mars. — la Marraine de l'Escadrille, opérette en 1 acte de H. Blount et Mallebay (Fantasio).

19 octobre. — la Dame de Monte-Carlo, opérette en 3 actes de Leglise, Pingrin et Hubert-Mouton, musique de Mme Raynal (Variétés).

08 novembre. — la Reine joyeuse, opérette en 3 actes de M. André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Apollo).

13 novembre. — Phi-Phi, opérette en 3 actes de MM. Albert Willemetz et Solar, musique de Christiné (Bouffes-Parisiens).

24 décembre. — le Cochon qui sommeille, opérette en 2 actes de MM. Rip et Robert Dieudonné, musique de Claude Terrasse (Théâtre Michel).

 

 

 

Mlle Alice Cocéa

 

 

Nous entrons dans la danse. Au lendemain de l'armistice, les Bouffes-Parisiens donnent la répétition générale de Phi-Phi. On sait que cette opérette avait été montée pour être représentée au Théâtre de l'Abri.

Les Bouffes en héritèrent. Les costumes et les décors étaient simples et, dit-on, costumiers et décorateurs avaient été, en guise de paiement, intéressés sur les recettes problématiques de Phi-Phi... Ils n'ont certainement pas du regretter aujourd'hui encore, d'avoir accepté cette combinaison. Et on joua Phi-Phi sans une confiance excessive. Les premières représentations de Phi-Phi ne furent pas éclatantes, mais, peu à peu le succès se dessina ; la vogue s'en mêla, on alla voir Phi-Phi, on ne parlait que de Phi-Phi, on ne chantait que Phi-Phi et les orchestres ne jouaient que Phi-Phi.

Cette musique évidemment rythmée, mais assez uniformément, donna au public qui l'entendit pour la première fois l'impression qu'il la connaissait déjà. Faite sur des rythmes de danses tels que des shimmys et des fox-trots, elle devint rapidement la proie de tous les orchestres nègres et jazz-band en délire. Elle arrivait au bon moment, celui où l'on dansait frénétiquement ; elle fut le signal de ce grand bal trépidant qui, pendant deux ans, entraîna jeunes et vieux dans son tourbillon lymphatique.

Les créateurs de Phi-Phi s'appelaient Mmes Alice Cocéa et Pierrette Madd, MM. Urbain, Dréan et Ferréal.

Nous retrouvons la même année l'agrément reposant et plus musical de M. Charles Cuvillier qui donna : la Fausse Ingénue et fit reprendre sous le titre de la Reine joyeuse, la Reine s'amuse représentée à Marseille. Signalons enfin une petite opérette de Claude Terrasse, le Cochon qui sommeille qui, sans être parmi les meilleures partitions, possédait cette inspiration et cette personnalité que tant d'autres compositeurs n'ont jamais connue.

 

 

 

Mlle Jane Marnac

 

 

— 1919 —

24 janvier. — Charlot de la Chapelle, opérette en 2 actes de Armand Foucher, musique de V. Scotto (Bouffes-Concert).

15 février. — la Folle Escapade, opérette en 3 actes de MM. Maurice de Marsan et Régis Gignoux, musique de M. Octave Crémieux (Variétés).

22 février. — Madame Toubib, opérette en 1 acte de Herbel et Fernand Raphaël (Versailles).

07 avril. — Rapa-ti-patoum, opéra bouffe en 3 actes de M. Albert Willemetz, musique de M. Tiarko Richepin (Théâtre Edouard VII).

10 avril. — le Muphti, opéra bouffe en 1 acte de M. Paul Millet, musique de Claude Terrasse (Monte-Carlo).

25 avril — les Surprises d'une nuit d'amour, vaudeville opérette en 3 actes d'Eugène Goublier (Orléans).

24 mai. — Mariage Parisien, opérette en 3 actes de M. Georges Leglise, musique de M. Henri Goublier fils (Variétés).

30 mai. — American Girl, opérette en 3 actes de MM. Paul Bonhomme et M. Combes, musique de Léo Pouget (Empire).

30 mai. — les Sept Baisers Capitaux, opérette en 3 actes de MM. Hanswick et de Wattyne, musique de M. Louis Hillier (Théâtre Impérial).

30 mai. — la Dame aux Bégonias, opérette en 2 actes de Bertal et Maubon (Vichy).

26 juillet. — la Mariée du Régiment, opérette en 3 actes de MM. Joachim Revrez et André Heuzé, musique de M. André Colomb (Nouvel Ambigu).

21 août. — Chaste Suzy, opérette en 3 actes de Guitton, P. Gélin Nigel, musique de H. Morisson (Nouveau Lyrique).

23 août. — le Marché d'Amour, opérette en 3 actes de MM. Hanswick, de Wattyne et Paul Ruez, musique de Léo Pouget (Variétés).

31 août. — l'Amour Vole, opérette en 1 acte de MM. René Jeanne et G. de Wissant, musique de G. Ener (Deauville).

19 septembre. — la Dame de Montorseau, opérette en 1 acte de Blount et Mallebay (Fantasio).

15 octobre. — les Vierges du Nil, opérette en 2 actes de MM. Max Eddy et Maurice Rumac, musique de M. Soulaire (Théâtre Arlequin).

17 octobre. — Cousine, opérette en 1 acte de A. Couturet (Folies-Dramatiques).

24 octobre. — Maggie, opérette en 3 actes de MM. Thomson, E. Rey et Jacques Bousquet, musique de M. Marcel Lattès (Londres).

12 décembre. — les Petites Vertus, opérette en 3 actes de MM. Mazelle et de Bérys, musique de MM. Chantrieu et Guttinguer (Nouveau Lyrique).

 

Le besoin de musique gaie se faisant sentir, et les opérettes étant des spectacles compréhensibles pour les étrangers, l'année 1919 marqua un mouvement très prononcé vers ce genre. Mais cette opérette là était-elle encore la véritable opérette ? Tous les compositeurs de valses ou de refrains de café-concert voulurent en écrire, pensant qu'il était aussi facile de faire trois actes qu'un couplet ou qu'une romance ; d'excellents chefs d'orchestre se mirent également à la besogne.

M. Octave Crémieux, auteur de « Bostons » réputés, donna la Folle Escapade. M. Henri Goublier, fils de Gustave Goublier, le compositeur de la Cocarde de Mimi-Pinson d'heureuse réussite, fit représenter Mariage Parisien.

De M. Léo Pouget on joua American Girl, le Marché d'Amour ; de M. Louis Hillier, les Sept Baisers Capitaux ; de M. André Colomb, la Mariée du Régiment ; de MM. Chantrier et Guttinguer les Petites Vertus.

Signalons encore un opéra bouffe en 1 acte de Claude Terrasse, le Muphti, Maggie de M. Marcel Lattès, enfin un essai malheureux d'un musicien fort bien doué et des plus distingués, Rapa-ti-patoum de M. Tiarko Richepin.

 

— 1920 —

24 janvier. — la Princesse Carnaval, opérette en 3 actes de M. Desvallières et Moncousin, musique de M. Henri Hirchmann (Apollo).

31 janvier. — Gigoletto, opérette en 2 actes de MM. Rip et Robert Dieudonné, musique de A. Chantrier (Cigale).

14 février. — la Blanche Hermine, opérette en 1 acte de M. G. Delamarre, musique de M. Filipucci (Trianon).

27 mars. — Taïsette Courtisane, opérette en 1 acte de J. Chabannes, Paul Perret et Jean Foubert (Tambourin).

04 avril. — l'Héritière en Loterie, opéra en 3 actes de MM. René Chavane et Georges Leglise, musique de M. Henri Goublier (Liège).

09 avril. — On ne patine pas avec l'amour, opérette en 2 actes d'Emile Codey (Casino Montparnasse).

14 avril. — la Culotte du Roi Dagobert, opérette en 3 actes de Léo Michel et Fernand Raphaël (Arlequin).

16 avril. — le Beau Gosse, opérette en 1 acte de H. Blount et Mme Hug (Fantasio).

23 avril. — la Belle du Far-West, opérette en 3 actes de M. de Marsan, musique de Mme Raynal (Apollo).

25 avril. — Polichinelle, opérette en 3 actes de Pierre Bataille et François Gaillard (Alger).

02 mai. — l'Amour qui rôde, opérette en 3 actes de MM. Michel Carré et Albert Acremant, musique de Vincent Scotto (Eldorado).

03 mai. — Mimi, opérette en 1 acte de Henri Bouffart et G. Joyeux (Bordeaux, Alhambra).

07 mai. — la Grotte d'Amour, opérette en 3 actes de Jacques Chabanne, Jean Joubert, Paul Perret et Léon Minet (Théâtre du Tambourin).

11 mai. — le Cavalier Lafleur, opérette en 3 actes de Mauprey et L. Raine (Lyon)

25 mai. — la Petite Tosca, opérette en 3 actes de Charles Hellem, Paul d'Estoc et Paul Henry (Marseille).

30 juin. — le Philtre du Désir, opérette en 3 actes de Jean Foubert et Paul Perret (Théâtre Moderne).

02 juillet. — la Course à l'Amour, opérette en 4 actes de MM. Guy de Téramond et F. Signerin, musique de R. Guttinger (Cigale).

10 juillet. — Mousmé, opérette en 3 actes de MM. Michel Carré et Albert Acremant, musique de Marius Lambert (Théâtre Michel).

16 juillet. — Salomé Vierge Folle, opérette en 2 actes de P. Chambard et F. Raphaël (Théâtre Arlequin).

16 août. — la Boîte à Musique, opérette en 1 acte de Graveleau, musique de Cléand (Vichy).

10 septembre. — la Reine Ardente, opérette en 3 actes de Ed. Pingrin, musique de Mme Raynal (Abri).

03 septembre. — Clo-Clo, opérette en 2 actes de M. Jean Guitton, musique de MM. Valsieu et Francis Kams (Eldorado).

30 septembre. — la Sirène, opérette en 3 actes de MM. Fabrice Lémon et Georges Léglise, musique de M. Henri Goublier fils (Apollo).

01 novembre. — Un mari sans sa femme, opérette en 1 acte de M. Ed. Adenis, musique de Claude Terrasse (Alhambra).

06 novembre. — l'Amour à la Pacha, opérette en 3 actes de Max Eddy, Maurice Rumac et Zim (Moulin Bleu).

17 novembre. — Moins veuve que joyeuse, opérette en 3 actes de Contet Dordet (Alger).

19 novembre. — Ah ! Quelle nuit !, opérette en 2 actes de Paul Bonhomme, musique de Gustave Goublier (Bouffes du Nord Concert).

25 novembre. — le Harem en folie, opérette en 3 actes de Nazelles, musique d'Albert Chantrier (Albi).

26 novembre. — le Courrier d'Amour, opérette en 1 acte de Bertal, Maubon et Labusquière (Dijon).

03 décembre. — le Petit Duc en ménage, opérette en 2 actes de MM. Guillot de Saix et Léon Devy (Bouffes du Nord Concert).

07 décembre. — Contrat d'Amour, opérette en 3 actes de Tarault, Lignereux, Kolb et Morisson (Lyon, Casino).

17 décembre. — le Fruit défendu, opérette bouffe en 3 actes de Nazelle, musique de Chantrier (Théâtre Cluny).

31 décembre. — le Tour du demi-monde en 80 jours, opérette en 3 actes de Polien et Clément (Montpellier).

 

Année sans éclat, aucune œuvre particulière, aucun succès à enregistrer.

La Princesse Carnaval de M. Henri Hirchmann, pour suivre la vogue, s'attaqua cette fois au tango ; c'est le tango oui domine, avec son rythme bien spécial ; quelque peu monotone, à la longue, le tango est comme le leitmotiv de cette partition qui « provoque la danse » a écrit un critique ; MM. André Simon-Girard, Pevrey, Pré, Mmes Simone Judic et Andrée Marly sont les interprètes de cette opérette un peu longue.

Gigoletto d'Albert Chantrier conçue dans la forme de l'opérette de music-hall.

La Belle du Far-West comme les partitions précédentes de Mme Raynal n'apporte rien qu'une inspiration banale, prétentieuse et parfois assez ordinaire.

M. Vincent Scotto, comme tous ses confrères chefs d'orchestre possède certainement le don de rythme et de mouvement ; l'Amour qui rôde dont la musique est gaie, facile et entraînante. appartient à la série des succès populaires où MM. Goublier, Chantrier et Pouget ont réussi. Ganne était lui aussi un compositeur populaire ; il s'adressait cependant à une autre classe de la société. A cette époque la passion de la danse suscite un nouveau public amateur de ce sport et de cet art comme on voudra, et qui ne manque pas d'aller entendre les œuvrettes sur les motifs desquels les uns et les autres danseront toute l'année.

Mousmé partitionnette aimable de M. Marius Lambert, est dans la note « charmante » mélodique, assez évocatrice ; elle est créée, au Théâtre Michel par M. Jullien, Mmes Claude Arna, Paula Brébion et Missia.

La Sirène ou la Baigneuse de Minuit ne compte pas parmi les partitions les plus gaies de M. Henri Goublier fils ; son insuccès auprès du public, cependant peu difficile de l'Apollo, provient précisément du ton de ces trois actes qui se rattachent plutôt à la comédie musicale.

 

 

 

une scène de Dédé

 

 

— 1921 —

28 janvier. — Pinard, opérette en 2 actes de Castelain et Rippe (Limoges, Casino).

12 février. — Un Savetier chantait, opérette en 1 acte de Gaston Gérard et Louis Gihaux (Dijon).

14 février. — Nelly, opérette en 3 actes de MM. Jacques Bousquet et Henri Falk, musique de M. Marcel Lattès (Gaîté).

04 mars. — l'Homme au Camélia, opérette-vaudeville en 2 actes de Ch. Pléau, musique de François Barrigat (Lyon).

16 mars. — Florabella, opérette en 3 actes de M. André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Lyon, Célestins).

06 avril. — Son Altesse Papillon, opérette en 3 actes de Celval et Mauprey, musique de H. Jacquet (Lyon).

22 avril. — le Rêve de Dagobert, opérette en 3 actes de André Luc, Roland et Auniv (Rouen).

01 mai. — le Mariage de Tartarin, opérette-vaudeville en 3 actes de Fabrice Lémon et Georges Léglise, musique de H. Goublier (Eldorado).

04 mai. — le Coq a chanté, opérette en 3 actes de M. Michel Carré, musique de Jean Rioux (Marseille).

14 mai. — la Petite Fonctionnaire,    opérette en 3 actes d'Alfred Capus et Xavier Le Roux, musique de M. André Messager (Mogador).

29 mai. — Mademoiselle Je Sais Tout, opérette en 1 acte de Georges Villard, musique de A. Valsien (Melun).

12 juin. — Princesse Lily, opérette en 3 actes de Jean-Charles Vaumousse, musique de Victor Alix (Variétés).

16 juin. — Une Leçon d'Amour, opérette en 2 actes de P. Dolfus et Roland Catenoy, musique d'Octave Crémieux (Cigale).

30 août. — Son Fétiche, opérette-bouffe en 1 acte de Alfred Alzett et Lucien Roubaud (Auxerre).

11 août. — Princesse Joujou, opérette en 3 actes de André Monta et Jean Picar, musique de Frédéric Antiéro (Vals-les-Bains).

19 août. — l'Abeilard de New-York, opérette en 3 actes de Deligny et Barcet (Amiens).

30 septembre. — Service du Roi, opérette en 3 actes de Carwald, R. Sairères, et Charles Jardin (Théâtre Montparnasse).

01 octobre. — le Bocal enchanté, opérette en 2 actes de André Luc et Pailhès (Concert Brunin).

22 octobre. — la Belle de Paris, opérette en 3 actes de MM. Lucien Boy et Fernand Rouvray, musique de Louis Ganne (Apollo).

23 octobre. — le Carillonneur de Saint-Mars, opérette en 3 actes de Pélerin et lstria (Marseille).

10 novembre. — Dédé, opérette en 3 actes de M. Albert Willemetz, musique de M. Henri Christiné (Bouffes-Parisiens).

11 novembre. — Gai, Gai, marions-nous !, opérette en 3 actes de Maury Nicot, musique de Fernand Masson (Lille).

25 novembre. — Celui qui tient la lampe, opérette en 3 actes d'Hanswick et Mme Rey, musique de M. Louis Hillier (Théâtre Albert Ier).

03 décembre. — Dolly, opérette en 3 actes de MM. Henri de Gorse et V. Darlay, musique de Félix Fourdrain (Rouen).

23 décembre. — la Cour du Roi Pétaud, opérette en 2 actes de G. Rose, musique de Bresles (Lyon).

 

Sur vingt-six opérettes reprises en 1921, on peut détacher un grand succès théâtral, Dédé, et un succès d'une jolie qualité musicale, la Petite Fonctionnaire, bien que cette œuvre ne compte pas parmi les plus heureusement et les plus complètement réussies de M. André Messager.

Nelly de MM. Jacques Bousquet et Henri Falk, musique de M. Marcel Lattès (Gaîté, 14 février) tient à la fois de l'opérette française et de l'opérette anglaise.

Le jeune compositeur dont les idées sont évidentes n'en tire pas tout le parti que son inspiration lui suggère. Certes ses idées sont faciles et aimables, mais il ne les pousse pas, une valse sert de leitmotiv à la partition, quelques couplets en sont bien venus, mais on voudrait plus d'expérience dans ces pages.

Et cependant, lorsque l'on entend ou qu'on lit une partition de M. André Messager, quel charme, quelle distinction, quelle bonne humeur se dégagent de ces pages : la même impression ne manque pas à l'audition ou à la lecture de la Petite Fonctionnaire (14 mai, Mogador). Le tour y est délicat, le comique y est fin, la tendresse de bon ton, sans banalité ; l'instrumentation toujours savoureuse est un régal exquis.

La Princesse Lily de M. Victor Alix (Variétés, 12 juin) n'est qu'un compromis musical sur d'heureuses réminiscences d'œuvres connues sur un livret comme on en faisait il y a cinquante ans.

La Belle de Paris, (Apollo, 22 octobre) appartient au genre opérette de music-hall. La partition qui n'est pas inédite passe en revue les principaux motifs des œuvres de Louis Ganne. Agréable rétrospective.

 

 

 

Maurice Chevalier

 

 

Enfin voici Dédé dont le succès sans être comparable à Phi-Phi fut considérable. La partition nouvelle de M. Christiné parut cependant plus soignée que celle de Phi-Phi. On y retrouvait cet entrain facile, que tout rythme de danse procure sans grand effort. Il n'y fallait pas chercher la verve, la bouffonnerie, la parodie ou le charme d'une romance ou d'une « lettre », mais bien un incessant mouvement, conforme aux danses modernes.

Dédé fut jouée par l'irrésistible Maurice Chevalier, Baron fils, Urbain, Mlles Alice Cocéa, Maguy Varna, et pendant un an, les Bouffes ne désemplirent pas...

 

 

 

Baron fils

 

 

— 1922 —

04 février. — l'Amour en Quatrième vitesse, opérette en 2 actes de Jean Conti, Alfred Moyne et Derose, musique de H. Morisson (Variétés Parisiennes).

11 février. — Monsieur l'Amour, opérette en 3 actes de MM. René Peter et Henri Falk, musique de M. Marcel Lattès (Mogador).

18 février. — Gladys, opérette en 3 actes de W. Montel et H. Christophe, musique de M. Vincent Puget (Avignon).

25 février. — You-You, opérette en 3 actes de M. J. Ardot et Jacques Sirrah, musique de M. Victor Alix (Apollo).

03 mars. — le Petit Phi-Phi, opérette en 1 acte de Blount et Hug, musique de Dorin (Montreuil).

03 mars. — la Petite Mariée d'Amérique, opérette en 3 actes de Denis et Chabot (Royan).

04 mars. — la Vierge Joyeuse, opérette en 3 actes de Gauchot, Telly, musique de Laurent Halet (Longwy).

28 mars. — Nonette, opérette en 3 actes de M. André Barde, musique de M. Charles Cuvillier (Capucines).

28 mars. — le Fétiche de Nounouche, opérette en 1 acte de M. Paul Murio, musique de Léon Amouroux (Cluny).

31 mars. — le Véritable chevalier Dédé, opérette en 3 actes de M. André Luc, musique de M. Gaston Coué (Rouen).

01 avril. — Ta Bouche, opérette en 3 actes de MM. Yves Mirande et G. Quinson, musique de M. Maurice Yvain (Théâtre Daunou).

07 avril. — Si j'étais Reine, opérette en 2 actes de Brussaud et Minaud (Varangeville).

15 avril. — Une Nuit de la Dubarry, opérette en 3 actes de MM. Armand Foucher et G. Rose, musique de M. Alfred Tollet (Eden).

19 avril. — Pan-Pan, opérette en 3 actes de MM. Michel Carré et Albert Acremant, musique de M. Vincent Scotto (Ba-ta-clan).

21 avril. — Manœuvres de Nuit, opérette en 3 actes de MM. A. Heuzé et Arnaud, musique de M. André Colomb (Cluny).

21 avril. — les Aviateurs au Couvent, opérette en 3 actes de M. Emile Codey, musique de M. R. Hermann (Théâtre des Ternes).

22 avril — Papillon bleu, opérette en 2 actes de MM. Grech et Blanchon (Avignon).

28 avril. — l'Homme à la Lune, opérette en 3 actes de M. Louis Hillier (Bruxelles).

02 mai. — Zozo, opérette en 3 actes de MM. Bertal, Maubon et Hérault, musique de V. Scotto (Eldorado).

20 mai. — Pouick, opérette en 3 actes de M. de Marsan, musique de Mme Raynal (Apollo).

25 mai. — Monsieur Dumollet, opérette en 3 actes de M. Victor Jeannet, couplets de M. Hugues Delorme, musique de Mme Louis Urgel.

08 juin. — la Rosière de Montmorency, opérette en 3 actes de M. Forge et G. Leve (Théâtre Moderne).

13 juin. — Ne m'épousez pas !, opérette en 1 acte de M. Hervé Lauwick, musique de M. Georges Menier (Cercle des Escholiers).

15 juillet. — l'Amour Libertin, opérette en 1 acte de MM. Vincent Tilly et Gauchet, musique de M. Laurent Halet (Vichy).

21 juillet. — Nini Pinson, opérette en 3 actes de MM. Jean Tranchant, Albert Verse et Jean Sieulle (Tunis).

29 juillet. — la Reine d'Amour, opérette en 3 actes de Ch. Foye et G. Lewe (Théâtre Moderne).

22 août. — l'Amour en Chine, opérette en 2 actes de MM. Pougaud et Mauprey (Royan).

25 août. — Mademoiselle Miss, opérette en 3 actes de M. Paul Murio, musique de M. Fernand Bastin (Théâtre des Ternes).

26 août. — Tu ne coucheras pas avec ta femme, opérette en 3 actes de MM. P. Gélin, Nigel, Sarlat et Léojac (Le Havre).

01 septembre. — la Déesse en Folie, opérette en 3 actes de Pignolet et A. Couturet (Excelsior Concert).

29 septembre. — Elle est faite pour l'Amour, opérette en 3 actes de MM. Matrat, Ascionie Margès (Moulin Bleu).

25 octobre. — la Dame qui rit, opérette en 3 actes de Vincent Telly, musique de Laurent Halet (Nancy).

28 octobre. — Par Amour, opérette en 3 actes de M. Maurice Magre, musique de M. Charles Cuvillier (Fémina).

05 décembre. — la Fleur, la Branche et le Bouton, opérette en 3 actes de MM. André Luc et Linnès (Moulin Bleu).

22 décembre. — Knock-Out, opérette en 3 actes de MM. A. Petit-Mangin et Pierre Maudru, musique de M. Robert Casa (Cigale).

29 décembre. — Lulu, opérette en 3 actes de M. Alain Monjardin, musique de Victor Alix (Caen).

30 décembre. — Mam'zelle Froufrou, opérette en 3 actes de MM. Jean Conti et Fred Rolland, musique de M. Gaston Tremolo (Oran).

30 décembre. — l'Ile d'Amour, opérette de MM. Delaquys et de Caigny, musique de L.-F. Bourgoin (Marseille).

 

Année copieuse : une quarantaine d'opérettes ! Mais que reste-t-il aujourd'hui de cette trop abondante production ? Il n'y a pas, à proprement parler, parmi tant d'œuvres de qualité très moyenne, deux ou trois partitions importantes comme en 1923, qui fut l'année de l'Amour masqué et de Ciboulette. 1922 marque, incontestablement une renaissance du genre, cependant le compositeur de génie tant attendu, ne se révèle pas encore. Seul, M. Maurice Yvain qui sort du café-concert et du music-hall où il a réussi d'une façon fort brillante, donne : Ta bouche. Nous citons des partitions aimables et distinguées telles, Nonette et Annabella de M. Charles Cuvillier, trois actes de M. Marcel Lattès, Monsieur l'Amour ; c'est bien peu, bien peu pour une saison si fertile et si féconde.

La nouvelle partition de M. Lattès marque un progrès sur celle de Nelly, la pensée y est traduite avec élégance et l'orchestration très soignée évoque la manière du maître André Messager.

N'insistons pas sur You-You (25 février, Apollo) après Phi-Phi, Clo-Clo, Dédé, You-You pourquoi pas ? s'imposait.

La partition de Nonette (28 mars, Capucines) est. selon la formule chère à M. Charles Cuvillier d'une aimable simplicité. Elle ne se caractérise pas par une originalité surprenante, mais elle se laisse écouter sans déplaisir.

Parmi les « airs » qui avaient attiré l'attention sur M. Maurice Yvain sa chanson Mon homme n'était pas la moins significative. Elle avait fait la fortune des orchestres, on la chantait dans les revues, on la dansait dans les dancings, elle plaisait, le petit mitron qui avait sifflé Tannhäuser la sifflait gaiement dans la rue : c'était là le signe de la vogue et du succès ! Depuis M. Yvain avait composé d'autres airs dont la réussite n'avait pas été moindre. En réunissant dans une partition une série de ces airs pourquoi le public n'y prendrait-il pas goût ? Il l'a prouvé à la première de Ta bouche. Dans la salle on distribuait déjà les « chansons à succès » ; les spectateurs fredonnaient avec les artistes. On bissa tous les morceaux adroitement orchestrés et d'une qualité musicale très réelle. Bref, M. Yvain semblait être par ce coup d'essai appelé à prendre une place prépondérante parmi les compositeurs modernes. Il faut ajouter que cette musique est fort agréable à entendre et qu'elle ne manque ni de verve ni d'entrain.

Mentionnons encore la partition pleine de rythme que M. Hermann écrivit pour les Aviateurs au Couvent (21 avril, Théâtre des Ternes).

Monsieur Dumollet de Mme Louis Urgel, fut représenté le 25 mai au Vaudeville. Louis Urgel est un riche amateur qui aime la musique, celle des autres autant que la sienne. C'est du moins l'impression que laissa Monsieur Dumollet qui le jour de la représentation générale donnait déjà l'impression d'être déjà une reprise.

Les autres opérettes sont, les unes insignifiantes, les autres pornographiques et n'ont rien à voir avec le genre si français et si léger.

 

 

 

une scène de Là-haut

 

 

— 1923 —

14 janvier. — Epouse-la !, opérette en 3 actes de M. Pierre Veber, musique de M. Hirchmann (Fémina).

19 janvier. — les Fifilles de Loth, opérette en 3 actes de M. Paul Murio, musique de M. René Mercier (Genève).

19 janvier. — la Maison des Voluptés, opérette en 3 actes de MM. Claude Rolland et G. Léglise, musique de M. Henri Bresles (Moulin Bleu).

01 février. — le Mariage de Pyramidon, opérette en 3 actes de Plique et Ploque (Folies-Dramatiques).

09 février. — la Mariée affolante, opérette vaudeville en 3 actes de MM. Serge Varenne et J. Sarlat (Dijon).

13 février. — J' te veux, opérette en 3 actes de MM. Wilned, Grandjean et Henry Bataille, musique de MM. Valsien, Gabaroche, Fred Pearly et René Mercier (Théâtre Marigny).

15 février. — l'Amour masqué, opérette en 3 actes de M. Sacha Guitry, musique de M. André Messager (Théâtre Edouard VII).

16 février. — Sa Majesté Successeur, opérette en 3 actes de M. Jean Guitton, musique de M. Valsien (Bruxelles).

17 février. — J'épouse Cendrillon, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau, Guy de Pierreu et A. Rachet (Avignon).

17 février. — l'Orgie divine, opérette bouffe en 3 actes de M. Maurice Nich, musique de M. Fernand Masson (Apollo).

17 février. — Rêve de Reine, opérette en 3 actes de Montel, Christophe et Guillemin (Avignon).

03 mars. — Rêve de Bigame, opérette en 3 actes de Philippo, Rullier, Aug. Persiani (Fontenay-sous-Bois).

10 mars. — J' te gobe, opérette en 3 actes de MM. Gauchot, Francis Quint et A. Evrard (Limoges).

13 mars. — les Amants de Phi-Phi, opérette en 3 actes de M. Castelain (Béthune).

13 mars. — la Dame du 19e, opérette en 1 acte de Pierre Bayle et Mario Montanard (Fougère).

20 mars. — la Ceinture de chasteté, opérette en 3 actes de MM. Claude Rollant et Nazelles, musique d'Albert Chantrier (Moulin Bleu).

23 mars — Chamouche, opérette en 1 acte de M. de Féraudy, musique de Claude Terrasse (Alhambra).

24 mars. — le Rosier, opérette en 3 actes de MM. Maurice Desvallier et L. Gibaux, musique de M. Henri Casadesus (Liège).

31 mars. — Là-haut, opérette bouffe en 3 actes de MM. Yves Mirande, Albert Willemetz et Gustave Quinson, musique de M. Maurice Yvain (Bouffes-Parisiens).

02 avril. — les Linottes, opérette en 3 actes de MM. Robert Dieudonné et H. Carpentier, musique de M. Edouard Mathé (le Perchoir).

07 avril. — Ciboulette, opérette en 3 actes de MM. Robert de Flers et Francis de Croisset, musique de M. Reynaldo Hahn (Variétés).

11 avril. — Benjamin, opérette en 3 actes de MM. André Barde, Benjamin Rabier et Paul Murio, musique de M. René Mercier (Ba-ta-clan).

13 avril. — le Djorghy, opérette en 3 actes de M. Wilned, musique de M. Lenfant (Trianon).

11 mai. — l'Etrange Valse, opérette en 3 actes de MM. de Beauvoir, Courguin, Paré, de Beauvais (Bouffes du Nord).

25 mai. — Mam'zelle Clown, opérette en 1 acte de MM. Georges Montignac et J. Chevalier (Lille).

12 juin. — Avec plaisir, opérette en 1 acte de M. Hervé Lauwick, musique de M. Georges Menier (Cercle des Escholiers).

12 juin. — A qui la Marquise ?, opérette en 1 acte de Stevens et Fournier (Castres).

15 juin. — Miria ou l'Amoureuse incomplète, opérette en 3 actes de MM. Nazelles et Mauprey (Le Perchoir).

13 juillet. — la Nuit d'Amour, opérette en 3 actes de MM. Jacques Miralle et M. Urhy (Bordeaux).

13 juillet. — Bigoudis ou les Jumelles audacieuses, opérette en 3 actes de MM. Victor Hoerter et Jacques Saint-Amand, musique de Maurice Bellecour (Moulin Bleu).

28 juillet. — le Prince de Par là-bas, opérette en 3 actes de MM. Gambadella, Nauvels et E. Aubert (Palavas).

24 août. — Mélékas ou l'Orgie à Mytilène, opérette en 3 actes de A. Couturet (Cluny).

14 septembre. — le Béguin de la Reine, opérette en 3 actes de MM. Alfred Mogne et Labusquière, musique de A. Valsien (Caen) .

21 septembre. — Pincette, opérette en 3 actes de MM. J. Ardot et Poidlon, musique de M. Victor Alix (la Fauvette Concert).

05 octobre. — le Roi des Salés, opérette en 3 actes de MM. Damai de Repert et Despax, musique de M. Colo Bonnet (Nancy).

09 octobre. — Conchita, opérette en 3 actes de MM. René Pujol, H. Boulari et Paul Chabot (Grenoble)

25 octobre. — Amour de Princesse, opérette en 3 actes de MM. Victor Jeannet, Hugues Delorme, musique de Mme Louis Urgel (Gaîté).

23 novembre. — Match d'Amour, opérette en 3 actes de MM. Petit, Mangin et Pierre Maudru, musique de M. Pierre Casa (Concert du Temple).

29 novembre. — la Plus jolie Fille de France, opérette en 3 actes de Mlle Germaine Guesnier et M. de Montgon, musique de Félix Fourdrain (Le Havre).

07 décembre. — la Rosière de Belleville, opérette en 3 actes de MM. Paul Morice, A. Boucher et F. Manet (Toulouse).

11 décembre. — Bébel et Quinquin, opérette en 3 actes de MM. Jean Bastia et Paul Cloquemin, musique de M. Albert Chantrier (le Perchoir).

14 décembre. — Madame, opérette en 3 actes de MM. Yves Mirande, Albert Willemetz et Quinson, musique de M. H. Christiné (Théâtre Daunou).

22 décembre. — la Dame en décolleté, opérette en 3 actes de MM. Yves Mirande et Lucien Boyer, musique de M. Maurice Yvain (Bouffes-Parisiens).

 

 

 

Sacha Guitry et Yvonne Printemps dans l'Amour masqué

 

 

Année considérable et importante : 43 partitions nouvelles dont le chef-d’œuvre de grâce l'Amour masqué de M. André Messager et Ciboulette de M. Reynaldo Hahn ; quelques succès de qualité et populaires : Epouse-la ! de M. Henri Hirchmann, la Plus jolie Fille de France de Félix Fourdrain, Là-haut et la Dame en décolleté de M. Maurice Yvain, les Linottes de M. Edouard Mathé, Madame de M. Christiné, Bébel et Quinquin de M. Albert Chantrier, enfin, J’ te veux intitulé également opérette et composé par un consortium de jeunes musiciens, MM. Valsien, Gabaroche, Fred Pearly et René Mercier.

Dans Epouse-la !, M. Henri Hirchmann, sur un livret spirituel de M. Pierre Veber s'est adapté au goût du jour ; cet excellent musicien a pu, tout comme un autre moderniser « son inspiration ». Les couplets Va vite rue Thérèse, Surprise Party, J'ai les pieds en Valenciennes, Ça c'est l'Amour, enfin une jolie « valse hésitation » sont les principaux motifs entraînants de cette partition.

 

 

 

une scène de l'Amour masqué

 

 

Mais arrivons vite à l'Amour masqué. Depuis Véronique M. André Messager avait-il donné une œuvre plus complètement réussie ? Nous ne le croyons pas. La grâce irrésistible, le charme tout personnel se manifestèrent à profusion au cours de ces trois actes amusants dont M. Sacha Guitry avait écrit le poème. Ce fut à la répétition générale un enchantement complet. Le premier acte, en particulier, fut acclamé et les couplets J'ai vingt ans, J'ai deux amants, le Tango chanté, Mon rêve, furent bissés. Au deuxième acte, le délicieux chœur du début : Fête charmante, le ravissant duo parlé et chanté, le mélancolique chant Birman, « oriental » comme une mélodie russe, les couplets du Charme, la chanson des bonnes, constituent les plus jolis motifs ; négligeons les couplets du Koutchiska moins distingués ainsi que la finale du deuxième acte. Au trois une jolie romance, le duetto Excellente combinaison, et les couplets Ah ! quelle nuit ! quelle maîtresse !

Ce petit chef-d’œuvre fut joué et chanté par MM. Sacha Guitry, Urban, Louis Maurel, Mmes Yvonne Printemps, Marthe Ferrare et Marie Dubas.

Là-haut entre dans la classe des bouffonneries mais avec les rythmes de M. Maurice Yvain nous retombons immédiatement dans la danse. Certes, pour exploiter un terrain forcément limité, M. Yvain emploie toute la variété désirable, mais il revient nécessairement au même rythme qui nous prend au lever du rideau et ne nous lâche qu'à la fin de la soirée.

 

 

 

Dranem

 

 

Au lendemain de Là-haut le Perchoir affichait les Linottes une très agréable et haute partition de M. Edouard Mathé.

Mais le 7 avril les Variétés donnaient la première opérette tant attendue de M. Reynaldo Hahn : Ciboulette. Comme dans l'Amour masqué nous quittons une fois encore la danse, le fox-trot, one-step et shimmy pour la musique, la vraie, non pas celle qui passe quand la mode l'a épuisée mais celle qui demeure.

On connaît M. Reynaldo Hahn, on sait quel exquis musicien est le compositeur des Chansons grises et de tant d'adorables mélodies. Sa partition de Ciboulette est un véritable régal. Délicieusement orchestrée, séduisante, charmante et pleine d'une gaîté du meilleur aloi, cette œuvre qu'interprétèrent Mme Edmée Favart, MM. Jean Périer, Henry Defreyn, Pauley restera parmi les meilleures partitions entendues depuis bien longtemps. Le succès de Ciboulette a prouvé combien le public aimait l'opérette ; c'est là une indication et un enseignement.

 

 

 

Pauley, Edmée Favart, Jean Périer et Janie Loury chantant "Nous avons fait un beau voyage" dans Ciboulette

 

 

Il y a dans Ciboulette des chœurs remarquablement traités, des ensembles de la meilleure facture et des airs qui ont assuré le succès de la pièce.

M. Henri Christiné, l'heureux auteur de Phi-Phi et de Dédé donne également une nouvelle partition, Madame. On y retrouve les qualités du compositeur ; cependant, sa vogue est loin d'atteindre celle de Phi-Phi ou même de Dédé. Elle est aussi alerte, aussi plaisante, et malgré cela, parmi les pages retenues une seule chanson s'impose : Elle n'est pas si mal que ça (fox-trot).

 

 

 

Bébel et Quinquin

 

 

Il y a certainement dans Bébel et Quinquin de M. Albert Chantrier de la bouffonnerie, et une certaine force comique, de l'humour et un irrésistible entrain. Les couplets d'Adam, C'est Adam que l'on me nomme, Les conseils d'Eve, le Baiser, Allons Mesdames sont des motifs bien venus dans ces trois actes d'une franche gaieté.

Moins heureuse est la Dame en décolleté de M. Maurice Yvain. Le compositeur sans abandonner le genre dans lequel il a souvent si brillamment réussi a écrit cette fois une partition de comédie musicale. Les couplets en sont toujours plaisants, mais le ton n'est plus uniformément le même. L'air Je n'ai pas pu est bien encore un fox-trot ; il y a également une valse, mais les autres motifs n'ont pas atteint cette popularité qui dès le premier soir, confirma la réussite complète de Ta bouche. Non que cette partition soit inférieure aux précédentes, elle est peut être mieux, plus soignée, mais les trouvailles rythmiques, malgré une « java », n'en restent pas moins telles qu'on les connaissait déjà.

 

 

 

une scène de Ta bouche

 

 

Et l'année 1923 s'achève sur cette dernière œuvrette, nous arrivons bientôt au terme de notre Historique de l'opérette.

 

— 1924 —

05 janvier. — Faust en ménage, opérette en 1 acte de M. Albert Carré, musique de Claude Terrasse (Potinière).

19 janvier. — l'Amour à la baïonnette, opérette en 2 actes de M. Paul Gay.

01 février. — la Princesse du Moulin-Rouge, opérette en 3 actes de MM. Codey et Denis, musique de M. Vincent Scotto (Excelsior Concert).

10 février. — Spartagas, opérette-bouffe en 3 actes de MM. Rip Briquet et d'Hauswick, musique de M. Léo Pouget (la Pie qui chante).

23 février. — le Galant Jardinier, opérette en 1 acte de MM. de Mont et Pierre Sabatier (le Perchoir).

08 mars. — En chemyse, opérette-bouffe en 3 actes de MM. Albert Willemetz et Cami, musique de M. Raoul Moretti (Bouffes-Parisiens).

28 mars. — le Charcutier de Bar-le-Duc, opérette en 3 actes de M. Pierre Maudru, musique de Robert Casa (Alger).

07 avril. — Bob et Moi, opérette en 3 actes de MM. André Barde et L. Meyrargues, musique de M. Charles Cuvillier (Théâtre Michel).

29 avril. — les Millions du Bouif, opérette en 3 actes de MM. de la Fourchadière et Hugues Delorme, musique de M. Edouard Mathé (Folies-Dramatiques).

03 mai. — Gosse de riche, opérette en 3 actes de MM. Jacques Bousquet et Henri Falk, musique de M. Maurice Yvain (Théâtre Daunou).

21 mai. — Léontine Sœurs, comédie-opérette en 3 actes de M. Albert Acremant, musique de M. Mariotte (Trianon-Lyrique).

22 mai. — la Perle de Chicago, opérette en 3 actes de M. Maurice Dekobra, musique de Sylvabell-Demars (Gaîté).

24 mai. — la Dame du Pesage, opérette en 3 actes d’André Leroy, musique de M. Henri Hirchmann (Théâtre Michel).

02 juillet. — Jean-Jean, opérette en 3 actes de Mme Valsamaki-Lyn et de M. Valentin Tarault, musique de Laurent Halet (Potinière).

 

Faust en ménage n'est qu'une charge musicale amusante ; c'est une suite à Faust comme il y eut le Mariage d'Hamlet. Le compositeur y parodia fort spirituellement les thèses de Gounod, seuls des morceaux, une romance et un duo sont de l'inspiration Terrasse, c'est-à-dire colorée et originale.

Le livret de Spartagas est une histoire de brigands, un peu longue, un peu confuse. La partition de M. Léo Pouget n'est pas supérieure à ses autres ouvrages ; c'est de la musique facile et nettement écrite dans le but de plaire aux foules.

On a fait, cette année là, grand bruit autour du nom d'un nouveau compositeur, M. Raoul Moretti. Les avant-première de En chemyse annonçaient un jeune musicien aux idées neuves et originales. A la première on entendit des airs déjà connus, hâtivement écrits et orchestrés, selon les méthodes les plus simples et les plus élémentaires.

Les Millions du Bouif n'inspirèrent pas à M. Edouard Mathé une partition aussi pimpante que celle des Linottes.

Dans Gosse de riche M. Maurice Yvain semble continuer l'exploitation de sa nouvelle formule, c'est-à-dire qu'il essaye de se détacher de plus en plus du café-concert. Et ce musicien excellent modifie sa manière et apporte un goût plus sûr à sa production.

 

 

 

une scène de Gosse de riche

 

 

Signalons en passant, l'erreur d'un musicien de grande classe, Léontine Sœurs, du compositeur de Salomé, M. Mariotte, partition importante mais sans fantaisie créée au Trianon-Lyrique le 21 mai.

Dans la Dame du Pesage (Théâtre Michel, 24 mai), M. Henri Hirchmann s'était volontairement conformé une fois encore au goût du public.

N'insistons pas sur Jean-Jean la dernière production d'opérette de la saison... et, donnons, s'il est possible, une courte conclusion à cette rapide étude.

Rapide, parce que, en oubliant certainement nombre de petits actes insignifiants donnés dans les cafés-concerts, ou en province nous avons cité ici près de 1700 ouvrages. C'est là, pour une production considérable un résumé bien hâtif, il faut le reconnaître.

Nous avons essayé de suivre pas à pas, c'est-à-dire année par année, l'ascension de l'opérette, puis sa faillite ; nous avons taché de montrer les causes de sa vogue et celle de son déclin. Nous aurions surtout souhaité révéler le nom d'un compositeur moderne qui aurait pris place à côté des Hervé, des Offenbach, des Lecocq, des Audran, des Planquette, des Terrasse, des Messager.

Nous voulons espérer qu'un jour prochain viendra où ce genre si français trouvera enfin le musicien digne de la grande tradition et qui la continuera glorieusement.

 

  

 

Jacques BRINDEJONT-OFFENBACH.

 

 

 

 

Encylopédie